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— Pour les hommes seuls ?

— Je te répète que je ne suis pas au courant des détails, mais il semble bien que le service responsable ait recueilli des indices comme quoi le danger viendrait d’un tueur isolé. »

Ceci fit passer un frisson dans les veines du photographe.

Prétextant un malaise subit, il quitta Herst peu de temps après, alors qu’ils devaient passer la soirée ensemble et se mit fiévreusement en quête d’Olga. Il ne put la joindre que deux heures plus tard, car elle avait quitté l’hôtel profitant justement de sa liberté, deux heures qu’il passa à ronger son frein, torturé par l’angoisse, se demandant en outre comment il fallait s’y prendre pour la mettre en garde sans avoir l’air d’y toucher.

Son esprit fertile trouva un joint facile pour ce dernier point dès qu’elle apparut, Ecourtant les caresses habituelles, car la situation réclamait des mesures urgentes, il s’écria sur un ton plaisant :

« Sais-tu que tu as de la chance de ne pas être un homme ?

— Parce que ?

— Parce que la police secrète, qui voit des tueurs partout, va déclarer la guerre aux voyageurs mâles non accompagnés. »

Et il lui répéta tout de go les propos de Herst, en insistant sur les rouilles probables qui auraient lieu à partir du jour suivant. Un point à ce sujet le tracassait depuis son départ et les déclarations du gorille rendaient son alarme intolérable : les bagages de Verveuil contenaient sans aucun doute le fusil à lunette dont il comptait se servir le jour du mariage et qu’il devait conserver avec lui pour une meilleure occasion. Il pouvait espérer que cet imbécile s’était muni de papiers lui assurant une bonne couverture, mais le hasard d’une fouille pouvait faire apparaître l’arme.

Il considéra ce danger sous tous ses angles, envisageant même l’éventualité de se faire remettre le fusil à lui-même, bien empaqueté, comme s’il s’agissait d’un colis anodin (il était, lui, muni par les soins de Herst de papiers le rendant insoupçonnable). Ce ne fut pas seulement la difficulté qu’il aurait eue à mener à bien cette opération en conservant l’intégrité de son personnage et sans rien révéler de ses desseins qui lui fit abandonner ce projet. Là encore, son esprit subtil eût peut-être encore trouvé un biais pour se faire confier par Olga un bagage trop encombrant pour elle. Non ; s’il y renonça, c’est parce qu’une telle collaboration de sa part était contraire, lui semblait-il, au principe de neutralité auquel il désirait rester attaché et que le vieux Tournette résumait dans une de ses sentences : le photographe doit être impartial.

Il se contenta donc de conclure, sur le même ton badin qu’il avait adopté depuis le début de leur conversation :

« Avis donc aux tueurs. S’ils veulent avoir une chance de mener à bien leur entreprise, ils ne doivent pas se loger dans la ville même où le président fait escale. »

Ce n’était pas génial. C’était même un peu voyant, un peu trop direct, malgré le ton de plaisanterie, mais une situation comme celle-ci interdisait les tergiversations.

Ayant ainsi parlé, il laissa cette fois à Olga le soin de trouver un prétexte plausible pour le quitter de bonne heure, ce qu’elle ne manqua pas de faire avec sa présence d’esprit habituelle.

Quand il eut regagné sa chambre, il sourit en entendant le léger bruit quelle fit en rabattant un volet de la sienne. Beaucoup plus tard, après avoir éteint la lumière, mais guettant derrière ses persiennes, il entendit un nouveau bruit dans la chambre voisine et distingua un morceau de papier tombant dans la rue, sans aucun doute un billet écrit à la hâte, qu’un passant ramassa furtivement avant de disparaître dans l’ombre.

Gaur avait remarqué que l’individu portait la barbe, mais il reconnut sans peine la démarche de Verveuil. Il haussa les épaules avec agacement. C’était bien dans la manière de cet hurluberlu de se déguiser ainsi pour jouer les conspirateurs ! Le meilleur moyen, sans doute, d’attirer l’attention sur lui. Quelles excentricités pouvait-on attendre de lui ? Enfin, il était prévenu du danger, c’était l’essentiel. Restait à espérer qu’il saurait se tenir hors de portée de ses ennemis. Lui, Martial Gaur, avait conscience d’avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour le protéger.

III

LA sonnerie du téléphone troubla Martial et Olga, alors qu’ils reposaient côte à côte sur un lit en désordre. Ils étaient arrivés dans l’après-midi à Marseille, Malarche devant séjourner dans la ville, d’où il rayonnerait pour visiter les départements du Sud-Est.

« J’espère que c’est Herst, murmura-t-il. Il ne m’a pas donné signe de vie depuis trois jours et il est seul à savoir mon adresse ici. »

C’était Herst en effet. Ses nerfs paraissaient fort éprouvés et il demanda à Martial s’il pouvait le voir le soir même.

« Bien sûr. C’est important ? Je veux dire : important pour moi.

— Egoïste. Je pense que oui. Mais j’ai aussi un service à te demander.

— Viens quand tu voudras.

— Je passe dans une demi-heure. Puis-je monter dans ta chambre ? Ce que j’ai à te dire est confidentiel, bien entendu. »

Martial Gaur sentit son cœur battre et jeta un coup d’œil à Olga, qui ne paraissait pas écouter.

« Je t’attends. »

Il reposa l’appareil et se tourna vers elle « Je suis navré, chérie, mais il faut que tu me quittes. Herst sera ici bientôt. »

Elle bondit hors du lit et ramassa avec précipitation ses vêtements.

« Herst ? Il a peut-être des choses intéressantes à te communiquer.

— Je l’espère. Il veut me parler confidentiellement. »

Elle jeta ses affaires dans sa propre chambre, qui communiquait intérieurement avec celle de Martial, refit rapidement le lit, entrouvrit la fenêtre pour dissimuler son très léger parfum et vérifia qu’il ne subsistait aucune trace de son passage. Elle était aussi anxieuse que lui de ne pas laisser soupçonner sa présence. Assurée que tout était en ordre, elle l’embrassa avec ferveur.

« Je me sauve. Si tu sors avec lui, tapes à ma porte quand tu rentreras, même si c’est très tard. Je serais si heureuse si c’était l’occasion que tu attends.

— Je te le promets. » Elle disparut et ils verrouillèrent chacun la porte de communication. Quand Herst arriva, Martial lui trouva le regard las et les yeux cernés.

« Alors ? »

Le gorille réclama à boire et ne consentit à ouvrir la bouche qu’après avoir vidé son verre.

« Alors, c’est bien simple. Si ce voyage dure encore quinze jours, je vais sombrer dans la dépression nerveuse.

— C’est si pénible ? Pourtant, lui, je ne l’ai vu que deux fois, de loin, et il paraissait détendu.

— Lui ! rugit Herst. Détendu ? Tu veux dire complètement inconscient. Il passe son temps au milieu de la foule. Il nous glisse entre les doigts comme une anguille. Ce n’est pas du courage, je le répète, c’est de l’inconscience ; voilà ce que c’est. Il ne se rend même pas compte des dangers qu’il court.

— Est-ce que tu ne prends pas ton métier trop à cœur ?

N’exagères-tu pas ces dangers ? Tu n’as pas eu de nouveaux sujets d’alarme? L’affaire de l’échafaudage ?

— Rien de neuf de ce côté-là. L’enquête semble piétiner.