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Le visage plissé d’inquiétude, Dain prit la cape et le ceinturon de Galad et se mit à se dandiner d’un pied sur l’autre, comme incertain de faire ce qu’il fallait. Bien, Galad lui avait donné le choix, et il était trop tard pour changer d’avis. Byar posa sa main gantée sur l’épaule de Galad et se pencha vers lui.

— Il aime frapper aux bras et aux jambes, dit-il à voix basse, regardant Valda par-dessus son épaule.

À la façon dont il le foudroyait, il y avait un problème entre eux. Pourtant, cet air rembruni différait peu de son expression habituelle.

— Il aime saigner l’adversaire, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus faire un pas ni lever son épée, avant le porter le coup de grâce. Il est rapide comme une vipère et frappe plus souvent à gauche. Il attend la même chose de vous.

Galad hocha la tête. Beaucoup de droitiers trouvaient plus facile de frapper ainsi, mais cela semblait une curieuse faiblesse chez une aussi fine lame. Gareth Bryne et Henre Haslin l’avaient entraîné à se servir alternativement des deux mains, pour remédier à ce défaut. Il était curieux que Valda aimât prolonger un combat, alors qu’on lui avait appris à terminer un duel aussi vite et aussi proprement que possible.

— Merci, dit-il, et l’homme aux joues creuses eut une amère grimace.

Byar était loin d’être aimable, et lui-même semblait n’aimer personne à part le jeune Bomhald. Des trois, sa présence n’était pas la plus inattendue, mais il était là, et c’était un point en sa faveur.

Debout au milieu de la cour dans sa tunique brodée d’or, Valda se retourna, poings sur les hanches.

— Écartez-vous jusqu’aux murs, ordonna-t-il d’une voix forte.

Les Enfants et les palefreniers obéirent, les sabots des montures claquant sur les pavés. Asunawa et ses Questionneurs arrachèrent leurs rênes aux garçons d’écurie, le visage du Haut Inquisiteur empreint d’une fureur froide.

— Dégage le milieu de la cour. C’est là que nous allons nous affronter, le jeune Damodred et moi…

— Pardonnez-moi, Seigneur-Capitaine-Commandant, dit Trom, s’inclinant légèrement, mais comme vous participez à ce Jugement sous la Lumière, vous ne pouvez pas l’arbitrer. À part le Haut Inquisiteur qui, conformément à la loi ne peut pas être l’arbitre, je suis ici le plus haut gradé, alors, avec votre permission…

Valda le foudroya, puis alla se placer près de Kashgar d’un pas rageur, bras croisés, tapant du pied avec ostentation, impatient de commencer.

Galad soupira. Si l’issue lui était défavorable, comme cela semblait certain, son ami aurait pour ennemi l’homme le plus puissant des Enfants. Il l’aurait sans doute eu pour ennemi de toute façon, mais maintenant plus que jamais.

— Gardez-les à l’œil, dit-il à Bomhald, montrant de la tête les Questionneurs à cheval regroupés près de la grille d’entrée.

Les subordonnés d’Asunawa l’entouraient toujours tels des gardes du corps, la main sur la poignée de leur épée.

— Pourquoi ? Même Asunawa ne peut pas interférer maintenant. Ce serait contraire à la loi.

Galad eut du mal à ne pas soupirer une fois de plus. Le jeune Dain faisait partie des Enfants depuis plus longtemps que lui, et de plus, son père avait servi chez eux toute sa vie durant, mais il semblait en savoir moins que lui sur eux. Pour les Questionneurs, la loi était ce qu’ils disaient qu’elle était.

— Surveillez-les, c’est tout.

Trom se plaça au centre de la cour, levant son épée au-dessus de sa tête, la lame parallèle au sol, puis, contrairement à Valda, prononça les paroles rituelles exactement telles qu’elles étaient écrites.

— Sous la Lumière, nous sommes rassemblés pour être témoins d’un Jugement sous la Lumière, droit sacré de tout Enfant de la Lumière. La Lumière brille sur la vérité, et ici, la Lumière illuminera la justice. Qu’aucun homme ne parle, sauf celui qui en a légalement le droit, et que celui qui tentera d’intervenir soit abattu sommairement. Ici, la justice sera obtenue sous la Lumière par un homme qui engage sa vie sous la Lumière, par la force de son bras et la volonté de la Lumière. Les combattants se rencontreront sans arme à l’endroit où je me tiens, poursuivit-il, abaissant son épée, et se parleront de sorte que personne ne les entende. Que la Lumière les assiste pour trouver les paroles qui permettront d’éviter une effusion de sang, car, dans le cas contraire, l’un de ces Enfants mourra aujourd’hui, son nom sera rayé de nos rôles et sa mémoire déclarée anathème. Sous la Lumière, qu’il en soit ainsi.

Tandis que Trom se retirait, Valda s’avança de la démarche arrogante appelée le Chat qui Traverse la Cour. Il savait qu’il n’y avait pas de paroles permettant d’éviter une effusion de sang. Pour lui, le combat avait déjà commencé. Galad vint simplement à sa rencontre. Il faisait près d’une tête de plus que Valda, qui lui-même se comportait comme s’il était le plus grand et assuré de la victoire.

Cette fois, son sourire n’était que mépris.

— Rien à dire, mon garçon ? Rien d’étonnant, vu qu’un maître à l’épée va vous couper la tête dans environ une minute. Mais avant de vous tuer, je veux qu’une chose soit bien claire dans votre tête. La gueuse était en pleine forme la dernière fois que je l’ai vue, et si elle est morte aujourd’hui, je le regrette.

Son sourire se fit ironique et dédaigneux.

— Elle fut la meilleure partenaire de ma vie, et j’espère avoir l’occasion de la monter de nouveau un jour.

Une rage noire emplit Galad, qui dut faire un gros effort pour lui tourner le dos et s’éloigner, transformant déjà sa rage en flamme imaginaire, ainsi que ses deux instructeurs le lui avaient enseigné. Un homme qui combattait dans la rage mourait dans la rage. Le temps qu’il arrive près du jeune Bomhald, il avait réalisé l’état que Gareth et Henre appelaient l’Unité Intérieure. Flottant dans le vide, il dégaina l’épée que Bomhald lui tendait, et la lame légèrement incurvée devint une partie de son être.

— Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda Dain. Pendant un instant, vous avez eu un air meurtrier.

Byar lui saisit le bras.

— Ne le déconcentrez pas, dit-il.

Galad ne fut pas déconcentré. Chaque crissement de cuir, chaque claquement de sabot sur les pavés était clair et distinct. Il entendait les mouches bourdonner à dix pas, comme si elles étaient près de ses oreilles. Il avait presque l’impression de les voir battre des ailes. Il faisait un avec les mouches, avec la cour, avec les deux hommes. Ils étaient en lui et ne pouvaient pas le déconcentrer.

Valda attendit qu’il se retourne avant de dégainer son épée de l’autre côté de la cour, en un mouvement fulgurant. L’arme devint floue quand il décrivit un moulinet de la main gauche, puis il la passa lestement dans la droite pour un autre tour, avant de la dresser à la verticale, immobile et stable, à deux mains. Il marcha de nouveau en Chat qui Traverse la Cour.

Levant sa lame, Galad s’avança à sa rencontre, adoptant machinalement une démarche influencée par son état d’esprit. Le Vide, l’appelait-on, et seul un œil exercé pouvait discerner que ce n’était pas une démarche ordinaire et qu’il était en équilibre parfait à chaque battement de cœur. Valda n’avait pas gagné la marque du héron par favoritisme. Cinq Maîtres à l’Épée avaient jugé ses compétences et voté à l’unanimité, comme il se doit, de lui décerner le titre. L’autre façon de l’obtenir, c’était de tuer le porteur d’une épée marquée du héron, en combat loyal, d’homme à homme. Valda était alors plus jeune que Galad ne l’était maintenant. Peu importait. Il ne se concentrait pas sur la mort de Valda. Il ne fixait son attention sur rien. Mais il voulait la mort de Valda, même s’il devait devenir le Fourreau de l’Épée, accueillant avec joie la lame marquée du héron dans sa chair pour y parvenir. Il acceptait que le duel se termine ainsi.