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– Quelle est la fonction de cet objet ?

Mais avant que je tente de lui fournir une quelconque explication, Walter ralluma la lumière.

– Vous en savez autant que nous. Nous avons juste constaté ce phénomène et voulions le reproduire, voilà tout.

Walter avait discrètement rangé son appareil photo dans sa poche. Le Pr Dimitri Mikalas entra dans la pièce et referma la porte derrière lui.

– Phénoménal ! dit-il en me souriant.

Il avança près du socle où le pendentif était posé et s'en empara.

– Il y a une coursive d'observation, me dit-il en désignant les vitrages que je n'avais pas vus en haut de la pièce. Je n'ai pas pu résister à l'envie de regarder ce que vous faisiez.

Le professeur fit tourner le pendentif dans le creux de sa main et l'approcha de son œil pour essayer de voir au travers. Il se retourna vers moi.

– Vous ne voyez pas d'objection à ce que j'étudie cet étrange objet cette nuit ? Bien entendu, je vous le restituerai à la première heure demain matin.

Était-ce l'arrivée inopinée d'un gardien de la sécurité ou le ton qu'avait emprunté le Pr Mikalas qui fit réagir ainsi Walter ? Je ne le saurai jamais ; mais ce dernier fit un pas vers le professeur et lui allongea une droite stupéfiante. Dimitri Mikalas s'étala de tout son long et je n'eus d'autre choix que de m'occuper du garde qui avait sorti sa matraque et s'apprêtait à assener un mauvais coup à Walter. Magdalena poussa un hurlement, Walter se pencha vers Mikalas qui se tordait de douleur et lui reprit l'objet ; quant à moi, mon uppercut n'avait pas été suffisant pour assommer le gardien, et nous roulions sur le sol, comme deux gosses qui se chamaillent en cherchant à prendre le dessus. Walter mit un terme à la bagarre. Il attrapa le gardien par l'oreille et le souleva avec une force inouïe. Ce dernier lâcha prise en hurlant tandis que Walter me regardait furieux.

– Rendez-vous utile et passez-lui les menottes qui pendent à sa ceinture, je ne vais quand même pas lui arracher le lobe !

Je m'exécutai et attachai le gardien ainsi que Walter me l'avait demandé.

– Vous ne savez pas ce que vous faites, gémit le professeur.

– Non, je vous l'ai dit tout à l'heure, nous n'en avons pas la moindre idée, répondit Walter. Comment sort-on d'ici ? demanda-t-il à Magdalena. Ne m'obligez pas à utiliser la manière forte avec vous, j'aurais horreur de lever la main sur une femme.

Magdalena le regarda fixement, refusant de lui répondre. J'ai bien cru que Walter allait la gifler et je m'interposai. Walter hocha la tête et m'ordonna de le suivre. Il prit le combiné du téléphone qui se trouvait sur le pupitre et l'arracha de la console. Puis il ouvrit la porte du sous-sol, jeta un coup d'œil et m'entraîna dans sa fuite. Le couloir était désert, Walter referma la porte à clé derrière nous, estimant que nous avions cinq minutes à peine avant que l'alerte soit donnée.

– Mais qu'est-ce qui vous a pris ? demandai-je.

– On en discutera plus tard, répondit-il en se mettant à cavaler.

L'escalier, devant nous, grimpait vers le rez-de-chaussée. Walter s'arrêta sur le palier, reprit son souffle et poussa la porte qui s'ouvrait sur le hall. Il se présenta devant le gardien qui, en échange de nos badges, nous restitua nos passeports. Nous marchions vers la sortie quand un talkie-walkie se mit à crachouiller ; Walter me regarda.

– Vous n'avez pas confisqué sa radio au garde ?

– J'ignorais qu'il en avait une.

– Alors courez !

Nous avons piqué un sprint dans le parc, visant les grilles et priant pour que personne ne nous barre le passage. Le vigile n'eut pas le temps de réagir. Alors qu'il sortait de sa guérite et tentait de nous interpeller, Walter lui assena un coup d'épaule digne d'un rugbyman et l'envoya valdinguer dans les roses, au sens propre du terme. Mon camarade appuya sur le bouton qui commandait le portail et nous détalâmes comme des lapins.

– Walter, qu'est-ce qui vous a pris, bon sang ?

– Pas maintenant ! hurla-t-il, alors que nous dévalions un escalier qui nous rapprochait des bas quartiers de la ville.

La rue défilait à toute vitesse et l'allure de Walter ne faiblissait pas. Une autre ruelle en pente raide dans laquelle nous nous enfonçâmes, un virage sec et nous atterrîmes sur une avenue, évitant de justesse une moto qui passait en trombe. Je n'avais jamais visité la Crète à ce rythme-là.

– Par ici, me cria Walter alors qu'une voiture de police remontait vers nous, toutes sirènes hurlantes.

À l'abri d'une porte cochère, je repris un peu de souffle et Walter m'entraîna à nouveau dans une course folle.

– Le port, où se trouve le port ? me demanda-t-il.

– Par là, répondis-je en désignant une petite rue sur notre gauche.

Walter me tira par le bras, et cette fuite, dont je ne comprenais toujours pas le sens, reprit.

La zone portuaire était en vue, Walter ralentit le pas ; sur le trottoir, deux policiers ne semblaient pas nous porter plus d'attention que cela. Un ferry en partance pour Athènes se trouvait à quai, des voitures y embarquaient déjà tandis que les passagers attendaient leur tour derrière une billetterie.

– Allez nous acheter deux places, ordonna Walter. Je fais le guet.

– Vous voulez rentrer à Hydra par la mer ?

– Vous préférez vous frotter aux contrôles de sécurité de l'aéroport ? Non, alors allez donc prendre ces billets au lieu de discuter.

Je revins quelques instants plus tard ; le ferry voyagerait une bonne partie de la nuit et j'avais réussi à obtenir une cabine avec deux couchettes. De son côté, Walter avait acheté une casquette à un marchand ambulant et un drôle de chapeau qu'il me tendit.

– N'embarquons pas en même temps, laissez s'intercaler une dizaine de passagers entre nous, si la police est à nos trousses elle cherche deux hommes qui voyagent ensemble ; et mettez donc ce ridicule chapeau, il vous ira comme un gant ! Rejoignons-nous sur le pont avant du navire, dès qu'il aura largué les amarres.

J'exécutai les instructions de Walter à la lettre et le retrouvai une heure plus tard, au lieu du rendez-vous.

– Walter, je dois vous avouer que vous m'avez sacrément impressionné. Entre votre fulgurant coup de poing et cette course-poursuite à travers la ville, je ne m'attendais pas du tout à cela... Est-ce que vous pouvez enfin m'expliquer pourquoi vous avez assommé ce professeur ?

– Mais c'est qu'il va m'engueuler en plus ! Lorsque nous sommes entrés dans le bureau de cette Magdalena, quelque chose m'a tout de suite intrigué. Le confrère qui nous avait recommandés m'avait confié avoir fait ses études avec elle. Or le collègue en question part à la retraite dans deux mois et la femme qui s'est présentée à nous avait à peine trente-cinq ans. À Hydra, j'avais aussi consulté l'annuaire du centre et le directeur n'est absolument pas ce professeur qui pourtant en revendiquait le titre. Étrange, non ?

– Admettons, mais de là à lui briser la mâchoire !

– Ce sont plutôt mes phalanges que j'ai esquintées, si vous saviez ce que j'ai mal à la main !

– Et où avez-vous appris à vous battre comme ça ?

– Vous n'avez jamais connu le pensionnat, n'est-ce pas ? Ni les brimades, ou les châtiments corporels, pas plus que les bizutages ?

J'avais eu la chance d'avoir des parents qui ne se seraient séparés de leur fils pour rien au monde.

– C'est bien ce que je pensais, reprit Walter.

– Était-ce nécessaire de réagir avec autant d'emportement, il suffisait de nous en aller.

– Il y a des moments, Adrian, où vous devriez redescendre un peu de vos étoiles ! Quand ce Dimitri vous a demandé s'il pouvait vous emprunter le pendentif, il l'avait déjà mis dans sa poche. Je ne crois pas que l'arrivée du vigile vous aurait laissé beaucoup le choix, et je doute fort que vous ayez revu votre précieux objet de sitôt. Un dernier détail, et pas des moindres, au cas où vous ayez encore quelques reproches à me faire : ce professeur que j'ai un peu bousculé me semblait moins étonné que nous du résultat de notre expérience. J'ai peut-être réagi un peu fort, mais je suis certain d'avoir eu raison.