Выбрать главу

Benjamin s'approcha de la bouche béante. Devant lui s'ouvrait un espace sombre au fond duquel, ses yeux s'adaptant, il ne tarda pas à deviner des formes horizontales. Les circonstances particulières l'empêchaient de prendre toute la mesure de ce qu'il s'apprêtait à vivre.

— Benjamin, indiqua West, pour des raisons de sécurité, je suis supposé passer le premier, mais je préfère vous laisser l'honneur d'ouvrir la voie. Pas d'objection, commandant ?

— Je ne suis pas au fond, vous êtes seul juge.

— J'accepte le risque, déclara Benjamin en adressant un salut de remerciement à son ange gardien.

Il alluma ses projecteurs et déclencha sa caméra ventrale. Il se présenta devant l'ouverture et s'y glissa de côté pour arriver à passer.

— Ne respirez pas trop vite, tempéra West.

En franchissant la paroi, Ben éprouva l'angoisse de rester coincé. Il prit une inspiration et eut une pensée pour ceux qui avaient découvert ce temple, ceux qui l'avaient étudié et même ceux qui l'avaient démantelé, qui étaient passés à moins d'un mètre de ce passage secret et n'en avaient rien deviné.

— Des marches, ce sont bien des marches, s'exclama-t-il. Beaucoup !

Une fois le mur dépassé, il se retrouva au pied de l'escalier où Alloa ne tarda pas à le rejoindre.

— J'ai entendu dire que les lieux de ce genre pouvaient comporter des pièges…, fit l'ex-commando, un peu tendu.

— On raconte aussi que ceux qui les profanent sont ensuite frappés par d'horribles malédictions. Mais essayez d'éviter les idées noires, monsieur West.

Ben s'aperçut que les parois étaient entièrement gravées de hiéroglyphes et de cartouches royaux. Il tenta d'évaluer l'escalier.

— Il nous faut monter sans perdre de temps, Alloa. Seuls les dieux savent où ce passage conduit.

43

Marche après marche, au prix d'efforts répétés, Ben et West gravissaient l'escalier l'un derrière l'autre. Le passage était tout juste assez large pour que chacun puisse monter en se tenant de face avec son imposant scaphandre. Au moindre écart de trajectoire, leurs grosses épaules arrondies râpaient les parois.

L'éclairage de Ben projetait des ronds de lumière sur les murs gravés de symboles. Il était frappé par leur excellent état de conservation. Chaque pas lui révélait des ornementations et des textes qui, à eux seuls, auraient mérité d'être étudiés pendant des jours. Mais il devait continuer. Dans cet endroit hors du temps et loin du monde, il montait vers la nuit.

— Bon sang, personne n'a mis les pieds ici depuis 3 000 ans. Pourquoi je ne suis pas plus chamboulé que ça ? lâcha Horwood pour lui-même.

— Moi je le suis, réagit West qui l'avait entendu. L'effet que ça me fait est même un poil inquiétant.

Ben s'immobilisa soudain. Plus haut dans l'escalier, il venait d'apercevoir une étrange ondulation qui renvoyait le faisceau de ses lampes. Il reprit son avancée avec prudence, s'efforçant de comprendre de quoi il s'agissait. Il finit par s'apercevoir qu'au fur et à mesure qu'il montait, son casque se retrouvait progressivement hors de l'eau. Son premier réflexe fut de se figer. Incrédule, il se demanda s'il n'était pas victime d'une hallucination. Il tendit les bras devant lui et les observa à l'air libre à travers son hublot.

— Nous entrons dans une poche d'air ! annonça-t-il.

West le constata à son tour.

— Incroyable. Elle a dû rester prisonnière de la zone murée. Ne retirez surtout pas votre scaphandre.

— Je n'en avais pas l'intention.

Les deux hommes montèrent encore et se retrouvèrent entièrement au-dessus du niveau de l'eau.

— Les pressions semblent s'équilibrer, commenta West. Avec les millions de mètres cubes d'eau qui poussent, l'air doit être sacrément comprimé.

— La zone secrète a dû rester étanche jusqu'au percement de la paroi. Je comprends mieux pourquoi les bas-reliefs sont si bien préservés.

Aussi délicatement que possible, Ben passa la main sur le mur sec et observa la poussière récoltée sur son gant.

— Je suis d'avis de ne pas traîner, déclara West.

— Tout à fait d'accord.

Les deux hommes gravirent encore une dizaine de marches lorsque les faisceaux des lampes de Ben se perdirent dans le vide. La lumière ne dévoilait plus rien.

— Je ne sais pas vers quoi nous allons, mais nous y arrivons, commenta Ben.

Lorsqu'il atteignit le sommet des marches, il eut la sensation de se tenir au bord d'un gouffre dont l'insondable profondeur l'aspirait. Le fait de ne plus être entouré d'eau le déstabilisait, le poids du scaphandre l'essoufflait. Il lui fallut quelques instants pour prendre conscience de ce que ses lampes révélaient.

— Je suis au seuil d'une salle, West. Plus grande que ce que laissait supposer le plan.

Il posa le pied sur le dallage millénaire et parfaitement sec. Le bruit de ses semelles métalliques résonna, bientôt doublé par l'écho des pas d'Alloa.

Une pièce carrée d'environ six mètres de côté dont les murs étaient peints de scènes aux couleurs restées très vives malgré leur âge. Au centre de l'espace, une large vasque posée sur un pilier bas. Au fond, sous une fresque représentant un disque solaire encadré par de longues ailes, un sarcophage étonnamment allongé.

— Nous avons besoin de monde, demanda Ben dans sa radio. Commandant, pouvez-vous envoyer vos hommes avec en priorité le matériel de prise de vues ?

Aucune réponse. West insista :

— Commandant, vous nous recevez ?

Silence.

— On a perdu la liaison, Ben. Ne vous inquiétez pas, cette interruption de communication n'est pas surprenante dans des conditions pareilles.

L'universitaire n'était pas anxieux. Il était trop accaparé par ce qu'il découvrait. En se déplaçant, il faisait le bruit d'un robot qui avance implacablement.

— Aucune trace de combustion à l'intérieur, fit-il en examinant la vasque. Elle devait contenir des fluides destinés aux rituels.

— Benjamin, je dois aller chercher du renfort. Il nous faut plus de lumière, et le matériel. Vous vous sentez capable de rester ici tout seul ?

— Je ne pense pas être seul, répondit Horwood en désignant le sarcophage.

— Vous êtes flippant. J'y vais.

Alors qu'il s'apprêtait à redescendre l'escalier, West lança :

— L'eau est montée !

— Vous en êtes certain ?

— Aucun doute.

— Ne perdons pas de temps. Il faut prendre des photos avant que l'eau n'abîme ces merveilles.

Dans son accoutrement, West se hâta autant que possible. Plus il descendait, moins sa lumière se percevait dans la salle, laissant Ben avec ses seules lampes dans une atmosphère de pénombre.

Benjamin était fasciné par la sépulture au fond de la salle et son disque solaire ailé. De chaque côté du cercle d'or, d'immenses ailes magnifiquement peintes s'allongeaient, étendant leur bienveillante protection sur le défunt. Ben étudia le coffre funéraire. Il posa ses mains gantées dessus. Il aurait voulu pouvoir le toucher, sentir sa matière, son grain, la fraîcheur de la pierre, parcourir ses sculptures. Il aurait aimé caresser sa dalle massive.

Un effroyable coup de tonnerre lui glaça soudain le sang, immédiatement suivi d'un souffle violent qui lui fit perdre l'équilibre et le plaqua contre la tombe. La tempête d'air se mua en mugissement terrifiant. Un frisson de terreur lui parcourut le dos, ravivant toutes ses peurs primaires. Dans sa panique, Ben eut une révélation : pour sa dernière leçon, la vie allait lui prouver que toutes les légendes concernant les créatures vengeresses qui protègent les tombeaux sacrés sont vraies. Pour avoir osé troubler le repos d'un protégé des dieux, il allait périr ici, détruit par une abomination sans nom. Il ferma les paupières de toutes ses forces, prêt à endurer la sanction.