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— Je donnerais cher pour avoir le relevé des dernières conversations…

La porte suivante ouvrait sur la cabine des sous-officiers. Deux couchettes superposées, les lits impeccablement faits mais l'intérieur des placards évaporé. Le contenu de l'armoire des soins d'urgence n'était plus là non plus. Sur la paroi, un drapeau nazi.

— J'ai l'étrange impression que le temps s'est arrêté, frissonna Karen.

— Toute la question est de savoir précisément quand et pourquoi…

Elle saisit le coin du drapeau. À peine avait-elle pincé le tissu qu'il tomba aussitôt en lambeaux.

— À l'époque, vous auriez été fusillée pour cet affront au Reich, ironisa Ben.

— À l'époque, je ne me serais pas contentée de leur déchirer un drapeau…

La cabine d'après était celle du commandant de bord. Un seul lit, aux draps poussiéreux parfaitement tendus. Sur son secrétaire et les étagères voisines, plus aucun registre, document d'archives ou effet personnel.

Le sous-marin grinça à nouveau.

— Que sont devenus les membres d'équipage ? demanda Karen.

— S'ils ont été capturés, nous devrions pouvoir retrouver leur trace dans les archives de guerre, mais je doute qu'ils aient connu ce sort. L'état dans lequel ils ont laissé leur bâtiment m'étonne. S'ils avaient été appréhendés, personne ne leur aurait jamais laissé le temps de tout vider et de ranger leur sous-marin avec un tel soin.

En pénétrant dans la cabine opposée, Ben eut un violent mouvement de recul. Un homme le regardait fixement, sévèrement. Dans son uniforme, Benjamin le reconnut aussitôt. N'importe qui dans le monde était d'ailleurs capable de l'identifier. Très brun, l'air austère avec sa mèche plaquée et sa petite moustache si particulière.

En voyant réagir Ben, Karen avait aussitôt dégainé son arme.

— Inutile de lui tirer dessus, ironisa l'historien, il est déjà mort.

— Adolf Hitler…

La cabine était remplie de portraits du Führer, de toutes tailles et dans différentes attitudes. Saluant ses troupes bras tendu, fixant le ciel dans une attitude martiale, et même entouré d'enfants radieux à la pure blondeur, au milieu desquels il paraissait presque incongru.

— Charmante collection, constata Ben.

La porte de la cabine suivante résista. Ben crut d'abord que la vétusté était la raison du blocage, mais il constata que le battant avait été soudé. Il grogna, contrarié. Voyant sa tête, Karen s'en amusa.

— Je vous connais. Le simple fait que l'on vous barre le passage décuple votre envie d'y aller quand même.

— Pas vous ?

— Évidemment, mais je suis raisonnable. Ils n'ont laissé aucun outil dans les parages et je n'ai qu'un canif. Porte 1, visiteurs 0.

— Vous me conseillez donc d'accepter mon sort et de quitter ce sous-marin sans découvrir ce qu'ils ont mis tant de soin à enfermer là-dedans ?

— J'en ai bien peur.

Karen consulta sa montre et ajouta :

— D'autant que si nous voulons être à l'heure au rendez-vous des garde-côtes, nous devons prendre le chemin du retour sans tarder.

— Karen, s'il vous plaît, prêtez-moi votre couteau.

— Il ne vous sera d'aucune utilité pour ouvrir cette soute.

— Si je vous l'abîme, vous m'infligerez ce que vous voudrez.

L'agent Holt posa sur son compagnon un regard méfiant.

— Ce que je voudrai ?

— Je n'ai qu'une parole.

— Soit. C'est vous qui l'aurez dit.

Elle lui tendit ce qu'il demandait.

68

Karen était soulagée de conduire. Mieux, elle en était heureuse. Elle se sentait nettement plus à l'aise sur le plancher des moutons. Alors que la nuit était tombée, la voiture avalait les kilomètres, de moins en moins malmenée par le vent à mesure qu'elle s'éloignait de la côte. Le brouillard prenait le relais, en recouvrant la région de nappes de plus en plus denses. Ben essaya à nouveau de composer le numéro sur son téléphone.

— Toujours pas de réseau.

— Ne vous plaignez pas, on a déjà eu de la chance de retrouver notre véhicule.

— Il faut prévenir au plus vite de ce que nous avons découvert. En allant sur cette île, Wheelan n'enquêtait pas sur les reliques, mais sur ceux qui les volent.

— Vous songez à ses notes sur le Troisième Reich ?

— Je ne pense qu'à cela. J'ai du mal à croire que le voyage secret de Hess en Écosse n'ait eu aucun lien avec la présence de ce U-Boot.

— Quel lien pourrait-il y avoir ?

— Tellement de scénarios sont possibles que j'en ai la tête qui chauffe.

— Le professeur a peut-être essayé de retrouver les résultats des fouilles pratiquées par les nazis ? Celles menées par Himmler et poursuivies par ce groupe de soldats après la fin de la guerre.

— Possible, mais cela ne nous dit pas comment ce submersible est arrivé là… Si seulement on captait du réseau, je pourrais au moins vérifier ce que l'on sait du U-296. A-t-il été officiellement coulé ? A-t-il disparu des radars ? Et quand ?

Ils restèrent perdus chacun dans leurs interrogations, jusqu'à ce que Karen fasse remarquer sur un ton plus léger :

— Vous ne m'avez pas rendu mon couteau…

Ben fouilla dans sa poche et le lui tendit.

— Il est en parfait état. Pas la moindre égratignure. Vous ne pourrez rien m'infliger. Je suis certain que quelque part, vous le regrettez…

— D'autres occasions viendront. Si j'avais su que c'était pour découper ces deux portraits d'Hitler… Qu'est-ce qui vous a pris de les ramener ?

— Ce sont les seuls objets que nous ayons trouvés dans ce sous-marin. L'équipage n'a rien laissé derrière lui, sauf cette collection de toiles improbables. Leur étude nous sera certainement utile.

— Vous imaginez la tête du capitaine des Coastguards s'il les avait vus au retour ?

— Il n'a rien remarqué sous mon blouson, c'est l'essentiel.

— Vous l'avez entendu pendant qu'il nous ramenait, il nous a trouvés aussi amorphes que Wheelan.

— Observer les oiseaux fait toujours cet effet-là… Blague à part, je pense que le professeur avait lui aussi découvert le sous-marin et qu'il devait être dans le même état que nous. C'est quand même un choc.

Alors que la route s'enfonçait dans un bois, Ben ajouta :

— Méfiez-vous, avec ce brouillard, si une bête sauvage traverse…

— Faites-moi confiance et arrêtez d'appuyer sur la pédale de frein qui n'existe pas sous votre pied. Pour la conduite, je vous rappelle que j'ai la formation…

— Quelle nuit… Une ambiance idéale pour se faire enlever par les extraterrestres.

Au détour d'un virage, Ben tendit tout à coup le bras pour désigner un minuscule hameau. Une seule maison était illuminée.

— Regardez, c'est un pub ! Ils doivent avoir un téléphone.

— Vous m'avez fait peur.

— Garez-vous et je fonce prévenir le service.

Karen décéléra et, dans une courbe digne d'une championne de rallye, s'engagea sur le parking désert aménagé devant l'établissement.

Une clarté diffuse s'échappait par les fenêtres à petits carreaux. Sur la façade de granit, l'enseigne n'était plus éclairée que par quelques lampes. Crosskirk Inn. La dorure des lettres était aussi écaillée que le fond noir sur lequel elles étaient fixées.

En quittant le véhicule, Benjamin remonta son col pour se protéger de l'humidité de l'air. Karen lui lança :