Alors que dans le ciel les nuages s'étaient accumulés rapidement sans qu'ils s'en soient rendu compte, Denker toisa Benjamin.
— Venant d'un historien, je suis assez déçu par votre manque de rigueur.
— Soyez plus précis.
— Vous m'avez demandé mon nom, mais vous ne savez pas qui je suis. Vous qui aimez découvrir la vérité de l'histoire, entendez les faits, et avisez.
— Cela ne changera pas ce que je pense.
— À vous de juger. Mes hommes ont trouvé deux portraits de mon grand-père dans le coffre de votre voiture. Vous les avez volés dans son sous-marin.
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Présentation comparée des versions de la mort et de la survie d'Adolf Hitler, par le professeur Ronald Wheelan.
Pour davantage de clarté, nous présenterons les deux scénarios successivement, en commençant par la version officielle, afin que chacun puisse se forger sa propre évaluation de leur crédibilité respective.
Version historique :
Les dernières images connues d'Adolf Hitler ont été réalisées le 20 avril 1945, en fin de matinée, dans la cour de la chancellerie à Berlin, alors qu'il passait en revue un détachement de jeunes recrues nouvellement affectées à la défense de la ville face à l'approche de l'Armée rouge. C'est ce même jour que, selon celle qui fut sa secrétaire particulière pendant douze ans, Christa Schroeder, il organise la fuite de plusieurs de ses proches collaborateurs, dont elle-même. Cela prouve qu'il est pleinement averti de l'inéluctable arrivée des Russes. Pendant les dix jours qui suivront, entre le 20 et le 30 avril 1945, date de son suicide, le Führer ne fera plus aucune apparition officielle ou publique, et plus aucune photo ou film ne seront produits.
Le 30 avril 1945, entre 14 h 30 et 16 heures suivant les différents témoins présents sur les lieux, dans la partie la plus profonde et la plus sécurisée du bunker souterrain qu'il a fait aménager sous la chancellerie et ses jardins, Adolf Hitler met fin à ses jours en compagnie d'Eva Braun, qu'il a épousée deux jours plus tôt. Bien qu'ayant d'abord opté pour un suicide par absorption de cyanure de potassium, poison qu'il aurait testé la veille sur sa chienne Blondi, il se tire une balle dans la tête sur un canapé que l'on photographiera taché de sang, mais sans cadavre. Deux Walther sont retrouvés à ses pieds, un de calibre 7,65 mm près de son pied droit et un de calibre 6,35 près de son pied gauche. Ont notamment assuré avoir vu le cadavre d'Hitler : Heinz Linge (SS-Obersturmbannführer, majordome personnel d'Hitler et chef de son service particulier), Martin Bormann (ancien homme de liaison entre Hitler et Rudolf Hess, secrétaire du Führer depuis 1943), Joseph Goebbels (tout-puissant ministre du Reich à l'Éducation du peuple et à la Propagande, entre autres), Hans Krebs (chef de l'état-major de l'armée de terre), Artur Axmann (fondateur du premier groupe des Jeunesses hitlériennes, chef de la jeunesse du Reich), Johann Rattenhuber (SS-Gruppenführer, en charge du détachement d'élite à la disposition spéciale d'Hitler) et Otto Günsche (aide de camp personnel d'Hitler). Aucun cliché n'a officiellement été réalisé des corps sans vie.
Conformément à ses ultimes instructions, sa dépouille, celle de la femme qui n'aura été son épouse que deux jours, et celle de sa chienne seront incinérées dans la cour de la chancellerie pour empêcher qu'elles puissent être récupérées ou exhibées comme trophées par les Russes désormais tout proches.
Lorsque, après avoir percé les ultimes lignes de défense et poches de résistance de Berlin, les troupes de l'Armée rouge envahissent la capitale dans un chaos absolu, leur principal objectif — assigné par Staline lui-même — est de capturer Hitler vivant. Ils prennent la chancellerie cernée de toutes parts et traquent son maître déchu. Ce n'est qu'après des heures de fouilles que les corps calcinés supposés être ceux d'Hitler, d'Eva Braun et de la chienne sont découverts dans un cratère d'obus. Environ treize heures après le coup de feu fatal qu'Hitler se tira dans la tempe droite, Joseph Staline, secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, est informé de sa mort par un téléphonogramme confidentiel du maréchal Georgi Joukov. Malgré l'absence de preuves indiscutables, la disparition de l'ennemi du monde libre est alors officiellement proclamée et la nouvelle se répand, frustrant ses adversaires et ses victimes de leur légitime désir de le traduire en justice.
Les services secrets soviétiques saisissent les restes calcinés qui, après une série d'examens post mortem dont les Alliés seront écartés, sont enterrés dans le plus grand secret au cœur de la forêt de Rathenow. Quelque temps plus tard, ils sont exhumés sur ordre de Staline qui, doutant de plus en plus de la réalité de la disparition d'Hitler, souhaite faire procéder à de nouveaux examens. À défaut de tests scientifiques et de références fiables à l'époque (type ADN), ces nouvelles autopsies ne donneront pas davantage de résultats concluants. Les soupçons de Staline concernant la fuite secrète d'Hitler sont si grands qu'il ordonne de reprendre toute l'enquête en mobilisant chacune des branches des services de renseignement soviétiques, qui seront mises en concurrence pour provoquer une émulation censée garantir efficacité et rapidité. Un volumineux rapport sera rédigé à son attention exclusive, sous la direction du lieutenant-colonel Fiodor Karpovitch Parparov, notamment basé sur les interrogatoires des proches du Führer capturés, au premier rang desquels Otto Günsche, l'aide de camp personnel d'Hitler, et Heinz Linge, son majordome. Les deux hommes seront placés au secret et interrogés par les services secrets soviétiques, le NKVD, durant plusieurs années. Ce qu'il reste des deux dépouilles du couple Hitler est ensuite placé dans une seule caisse, ensevelie cette fois près d'une cour d'usine à Magdebourg. À nouveau déterrés dans les années 70, les restes seront finalement totalement incinérés et bien qu'aucun témoin direct ne puisse en attester, il est dit que les cendres auraient été jetées aux égouts. Les Russes conserveront toutefois quelques effets personnels du chef nazi, dont un uniforme et un pistolet. Ils exhiberont le tout en 2000, lors d'une exposition comprenant en prime un fragment de crâne troué par balle présenté comme celui d'Hitler — dont des analyses modernes révéleront par la suite qu'il ne s'agissait même pas d'un crâne masculin. De nombreuses voix s'élèveront pour dénoncer la version du suicide, imaginant toutes sortes d'alternatives et de complots. Parmi les moins farfelus, retenons le témoignage qui, à l'appui de photos floues, prétend qu'Hitler aurait réussi à s'enfuir jusqu'en Argentine, où il aurait été repéré par des agents de la CIA à la fin des années 50. Citons aussi cette version étayée par des hasards troublants qui raconte que le Führer aurait été capturé vivant par les Russes, puis placé au secret dans des conditions très avantageuses en échange de certains secrets techniques liés aux inventions nazies dont l'URSS se serait servie lors du développement de son programme spatial.
À ce jour, objectivement, aucune preuve indiscutable n'établit qu'Adolf Hitler s'est bien donné la mort le 30 avril 1945. Le fait est que seuls les témoignages de ses anciens complices accréditent cette thèse. Aucun de ceux d'entre eux qui seront traduits en justice, notamment au procès de Nuremberg, ne le reniera.