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Version reconstituée sur la foi des documents en possession de Kord Denker :

Le 17 avril 1945, en début d'après-midi, alors qu'une série de victoires russes vient confirmer la percée décisive de l'Armée rouge vers Berlin, les plus proches collaborateurs d'Hitler, rassemblés dans la salle de réunion de l'extension du bunker de la chancellerie, arrivent à convaincre le Führer qu'il doit s'enfuir pour garantir un avenir au Reich qu'il incarne.

Onze personnes sont dans le secret de cette décision qui prendra le nom d'opération Phénix. Parmi elles, Heinz Linge (son majordome personnel et chef de son service particulier), Martin Bormann (son secrétaire personnel depuis 1943 et ancien homme de liaison entre Hitler et Rudolf Hess), Joseph Goebbels (ministre du Reich à l'Éducation du peuple et à la Propagande), Hans Krebs (chef de l'état-major de l'armée de terre), Artur Axmann (chef de la jeunesse du Reich), Johann Rattenhuber (en charge du détachement d'élite à la disposition spéciale d'Hitler) et Otto Günsche (aide de camp personnel d'Hitler).

Le 20 avril, l'opération Phénix est lancée. La date a été choisie pour coïncider avec l'anniversaire d'Hitler, qui fête ses cinquante-six ans ce jour-là. Conformément au plan mis au point, Hitler effectue sa dernière apparition publique sous l'œil des photographes. Dans la soirée, Hitler, sa compagne et son chien sont évacués lors d'une relève de la garde et quittent la ville au sein d'un transport de troupes. Pour la circonstance, le Führer a rasé sa moustache, mais il refuse de revêtir un autre uniforme que le sien. Il est donc recouvert d'un long manteau de cuir SS. Seule concession à son apparence vestimentaire, il accepte de porter le casque. Eva est habillée en officier et tient en laisse le berger allemand femelle de son mari. Escortés par deux gardes d'élite choisis conjointement par Axmann et Rattenhuber, ils circulent dans un fourgon d'assistance médicale piégé qui sera intégré à un convoi de troupes sans qu'aucun commandement soit averti de leur présence. Au même moment, l'un des deux sosies du Führer recrutés prend sa place auprès des derniers fidèles qui jouent le jeu et empêchent quiconque de l'approcher. Officiellement, Hitler est fatigué et réfléchit aux options politiques et militaires qui s'offrent encore à lui. À compter de cette date, plus personne ne parviendra à le joindre ou à le rencontrer à la chancellerie.

Le 23 avril, à 18 h 20, l'amiral Karl Dönitz (commandant en chef de la flotte sous-marine depuis 1939, depuis devenu commandant en chef de la redoutable Kriegsmarine) accueille le Führer sur la base navale de Kiel, implantée sur la mer Baltique et située à environ 200 kilomètres au nord-ouest de Berlin. Dönitz a personnellement sélectionné les équipages qui escorteront Adolf Hitler, Eva Braun et plus de cinquante soldats d'élite du bataillon personnel du Führer jusqu'à une destination où ni les Russes ni les Alliés ne les chercheront jamais. Le soir même, alors que Berlin ne résiste plus que pour un honneur perdu, trois U-Boote appareillent. À 23 h 17, quittant le gigantesque bunker Kilian qui les abrite dans le port, le U-296, commandé par Karl-Heinz Rasch avec quarante-deux hommes d'équipage, disparu des systèmes de surveillance alliés depuis le 12 mars ; le U-396, qui avait déjà effectué des repérages entre les îles Féroé et les Shetland un mois plus tôt, avec un équipage réduit pour accueillir les troupes d'élite d'Hitler ; et le U-398 avec un équipage réduit pour les mêmes raisons, prennent la mer. L'opération est risquée, mais plus aucun autre choix, terrestre ou aérien, n'est possible.

Les trois sous-marins remontent les eaux danoises pour mettre le cap vers l'ouest de l'Écosse, où des complices doivent les ravitailler en ignorant tout de la nature du voyage. Les trois submersibles ne peuvent en effet pas compter sur la base secrète initialement planifiée au large de l'Irlande ou de l'Écosse, base envisagée dès 1941 et pour les repérages de laquelle Rudolf Hess s'envola au soir du 10 avril avant d'être abattu par les défenses antiaériennes, avec les conséquences que l'on sait.

Les trois U-Boote font route à quelques milles nautiques d'écart lorsque le U-396, qui circule entre les deux autres, est accroché par le destroyer anglais HMS St James en transit à l'est des Orcades. Au terme d'une chasse dans laquelle le navire britannique se trouve rejoint par des renforts, le U-396 est coulé. Le U-398, transportant Hitler, est touché. Une fois les navires alliés semés grâce à des plongées profondes simulant leur perte, c'est une incroyable opération de transbordement en haute mer qui s'organise. Hitler, sa femme, son chien ainsi que trente de ses soldats d'élite sont embarqués à bord du seul sous-marin encore intact. Le U-296 reprend alors sa route pendant que le U-398 se sacrifie et part jouer les leurres pour éloigner les patrouilleurs.

Au terme d'un périple à hauts risques, jugeant que le retard pris ne leur permet plus d'arriver au rendez-vous de ravitaillement, le commandant du U-296 décide de positionner son sous-marin non loin des récifs de Papa Stour, où la flotte alliée ne s'aventure pas. Ce répit laissera le temps d'adapter le plan initial désormais compromis et de communiquer les nouvelles instructions. Après deux jours, coupé de tout contact direct avec l'équipe de ravitaillement et privé de soutien logistique, il devient clair que le submersible complètement isolé ne pourra plus reprendre la mer sans courir des risques trop importants. Le commandant décide de cacher le U-Boot dans la plus grande des grottes, où il est échoué volontairement. En attendant l'hypothétique envoi d'un nouveau sous-marin, les soldats d'élite SS prennent le contrôle d'un îlot presque désert situé plus au nord dans l'archipel afin de consolider la position. Les commandos allemands envahissent une ancienne batterie de canons fortifiée, désarmée depuis le débarquement. Ils éliminent et remplacent les quelques gardes et les très rares habitants de l'île. Hitler, sa femme et son chien y seront conduits le 1er mai au matin, alors que le monde a les yeux tournés vers Berlin célébrant la fin du chef suprême du Reich. Tous ceux qui sont censés avoir été témoins de sa mort dans le bunker s'accordent sur une version, même si des différences techniques mettent à mal la cohérence de l'ensemble. L'épouse de Goebbels, Magda, qui a compris la substitution et menace de parler pour garantir sa survie et celle de ses enfants, est tuée avec eux.

En quittant son immense bureau de la chancellerie, Hitler a pris soin d'emporter le registre vert dans lequel sont répertoriées toutes les caches d'or et de valeurs facilement monnayables disséminées par ses services secrets en France, en Suisse, en Allemagne, mais aussi dans plusieurs pays de l'Est. Il a aussi emporté un carnet noir frappé de ses initiales dans lequel personne ne sait ce qu'il consigne depuis des années. Ce n'est pas le seul secret du Führer. Eva Braun Hitler est en effet enceinte. Huit mois plus tard, sur un îlot perdu au nord de l'Écosse dont le couple est désormais incapable de partir, elle donne naissance à un fils, Dietrich Wilhelm Hitler.

Piégé sur son île par la ruine du Reich, privé de moyens opérationnels lui permettant de fuir vers l'Amérique du Sud, Hitler n'aura de cesse de conforter son installation tout en reconstituant ses réseaux. Personne ne le débusquera jamais chez ses pires ennemis, dans l'une des régions les plus inhospitalières qui soit.

Si au fil des années, lui n'a plus la force d'œuvrer pour la résurrection du Reich, certains de ses proches en rêvent, et la lutte pour sa succession est violente. Le 11 décembre 1961, à l'âge de soixante-douze ans, Adolf Hitler meurt des complications d'une bronchopneumonie. Eva lui survivra trois ans. Dietrich Wilhelm a seize ans lorsque son père disparaît. Il ne l'a connu que reclus, et souvent amer. Le jeune homme est envoyé dans les meilleurs collèges anglais sous le nom de Ned Burelein (anagramme de Neue Berlin — « nouveau Berlin », renforcé du D marquant l'initiale de Deutschland, la mère patrie). Il y rencontre Nancy Denker, qu'il épouse avant de l'emmener sur l'île, désormais reconnue comme bien familial ancestral grâce à de faux documents. C'est alors qu'il lui révèle la vérité. Devant les risques de trahison évidents, Nancy ne sera plus autorisée à quitter l'île. Ils auront malgré tout deux enfants, Kord puis Eva, de deux ans sa cadette.