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Ahurissant, pensa Prestimion. Incroyable.

— Dinitak, il me semble, n’a pas de descendants pour le moment, répondit-il immédiatement. Mais c’est le moindre des points sur lesquels je trouve à redire dans votre plan.

— Et les autres ?

— C’est de la tyrannie, Dekkeret. Nous gouvernons aujourd’hui par le consentement des peuples, qui ont librement choisi de faire de nous leurs rois. Mais si nous avons une arme qui nous permet de dominer leurs esprits…

— De guider leurs esprits. Seuls les malfaisants auront à la craindre. Et l’arme est déjà disponible dans le pays. Mieux vaut en faire notre exclusivité, l’interdire à tout autre, que de l’y laisser pour de futurs Mandralisca. Nous, au moins, sommes dignes de confiance. Du moins, je préfère le croire.

— Et votre Dinitak ? L’est-il, lui ? C’est un Barjazid, je vous le rappelle.

— Du même sang, précisa Dekkeret, mais pas de la même nature. J’ai pu le constater à Suvrael, lorsqu’il a pressé son père, Venghenar, de venir avec moi au Château et de vous montrer le premier casque. Plus tard, nous l’avons à nouveau vu lorsqu’il est venu nous trouver à Stoien, apportant un casque que nous pourrions utiliser contre son père dans la rébellion. Vous étiez alors soupçonneux à son égard, vous en souvenez-vous ? Vous avez dit : « Comment pouvons-nous lui faire confiance ? » quand il est arrivé, apportant le casque. Vous pensiez qu’il pourrait s’agir de quelque nouvelle intrigue complexe de Dantirya Sambail.

« Faites-lui confiance, monseigneur », voilà ce que je vous ai dit alors. « Faites-lui confiance ! » Et vous l’avez fait. Avons-nous eu tort ?

— Pas à ce moment-là, convint Prestimion.

— Nous n’aurons pas tort maintenant non plus. Il est mon meilleur ami, Prestimion. Je le connais mieux que quiconque. Il est conduit par un ensemble de convictions morales qui nous fait tous ressembler à des coupeurs de bourse. Vous l’avez souligné vous-même à Muldemar, vous en souvenez-vous, la fois où il vous a fait cette réponse véridique, mais un peu trop brutale ? « Vous n’êtes pas diplomate, Dinitak, mais vous êtes un honnête homme », ou quelque chose de ce genre… Avez-vous remarqué que bien qu’il soit venu avec moi dans cette excursion, Keltryn n’est pas là ?

— Keltryn ?

— La sœur cadette de Fulkari. Dinitak et elle ont une petite idylle, mais comment le sauriez-vous, Prestimion ? Vous étiez dans le Labyrinthe lorsqu’elle a commencé. Qu’importe, il a refusé d’emmener Keltryn avec lui, a déclaré qu’il serait indécent de voyager avec une femme célibataire. Indécent ! Quand avez-vous entendu un tel mot pour la dernière fois ?

— Un jeune homme très saint, je suis d’accord. Trop saint, peut-être.

— Mieux vaut cela que le contraire. Nous le marierons à Keltryn tôt ou tard, si elle accepte, du moins ; Fulkari me dit qu’elle est furieuse contre lui de l’avoir laissée en arrière, et ils commenceront une tribu de jeunes et saints Barjazid qui pourront succéder à leur grand ancêtre comme Rois des Rêves dans les siècles à venir. Et la peur des durs rêves que peut envoyer le Roi des Rêves maintiendra la paix dans ce pays pour l’éternité.

— Jolie invention, n’est-ce pas ? Mais cette idée me met très mal à l’aise, Dekkeret. Une fois j’ai pris sur moi de toucher aux esprits de tout le monde sur Majipoor en un seul grand coup, à Thegomar Edge, lorsque j’ai demandé à mes mages d’effacer tout souvenir du soulèvement de Korsibar. Je pensais alors que c’était une bonne solution, mais j’avais tort, et cela m’a coûté très cher. Aujourd’hui vous proposez une nouvelle sorte d’ingérence dans les esprits, une surveillance continue et suivie… Je ne le permettrai pas, Dekkeret, point final. Vous auriez besoin de l’approbation du Pontife pour établir un tel système, et cette approbation vous est ici refusée. Maintenant, si nous pouvons revenir au problème de Mandralisca…

— Vous nous condamnez tous au chaos, Prestimion.

— Allons, vraiment ?

— Le monde est devenu trop compliqué pour continuer à être gouverné depuis le Labyrinthe et le Château. Zimroel est devenu riche et agitée sous Prankipin, Confalume et vous. Et ils savent combien de temps il faut pour envoyer des troupes depuis Alhanroel pour régler n’importe quelle sorte de problème là-bas. L’élévation de Dantirya Sambail au rang de quasi-roi de Zimroel a été le début d’un mouvement sécessionniste. À présent nous sommes passés à l’étape suivante. Il y aura une menace permanente de division et d’insurrection de l’autre côté de la mer à moins que nous n’ayons un moyen direct et immédiat d’intervenir. Toute la structure s’écroulera.

— Et vous pensez réellement qu’utiliser le casque de Barjazid soit le seul moyen que nous ayons de maintenir le gouvernement mondial ?

— Oui. Le seul moyen autre que de transformer Zimroel en camp armé avec des garnisons impériales stationnées dans chaque cité, oui. Pensez-vous que ce serait mieux ? Le pensez-vous, Prestimion ?

Prestimion se leva abruptement et alla à la fenêtre. Il n’avait qu’une seule envie, mettre fin à cette discussion exaspérante. Pourquoi Dekkeret ne voulait-il pas céder, même face au refus Pontifical ? Pourquoi ne voyait-il pas l’impossibilité de sa grande idée ?

Ou bien, songea Prestimion, est-ce moi qui refuse de voir ?

Pendant un long moment, il regarda en silence les rues de la cité de Stoien. Il se souvint d’une époque où il observait d’une autre fenêtre de ce même bâtiment les colonnes de fumée s’élevant des feux allumés par les déments lors de l’épidémie de folie, une épidémie qu’il avait, bien qu’indirectement, amenée lui-même sur le monde.

Voulait-il, se demanda-t-il, voir à nouveau de tels incendies dans les cités de Majipoor ? À Zimroel : dans la merveilleuse Ni-moya, la magique cité cristalline de Dulorn, et la tropicale Narabal aux douces brises du large ?

Vous nous condamnez tous au chaos, Prestimion…

Une quatrième Puissance du Royaume.

Un Roi des Rêves.

Le jeune Barjazid portant le casque, parcourant la nuit pour découvrir ceux qui menaçaient de rompre la paix, les avertissant avec sévérité des conséquences, et les punissant s’ils désobéissaient.

Du même sang mais pas de la même nature.

Ce serait une transformation majeure. L’oserait-il ? Combien il serait moins risqué de simplement opposer son veto Pontifical à ce plan insensé, de l’écarter et d’envoyer Dekkeret à Zimroel pour écraser ce nouveau soulèvement et précipiter enfin Mandralisca dans sa tombe. Pendant que lui-même retournerait au Labyrinthe et y vivrait agréablement le reste de ses jours, au milieu de l’apparat et des cérémonies impériales, comme Confalume l’avait fait si longtemps, sans jamais avoir besoin de se colleter avec les questions difficiles de gouvernement, puisqu’il avait un Coronal qui pouvait se colleter avec de tels problèmes pour lui.

Une menace permanente de division et d’insurrection de l’autre côté de la mer. Toute la structure s’écroulera.

— Je tiens à souligner, Votre Majesté, que nous devons tenir ici compte de la vision de Maundigand-Klimd, dit Dekkeret, quelque part derrière lui. Et aussi, lors de mon voyage à travers Alhanroel, il y a eu plusieurs occasions où j’ai moi-même eu des expériences visionnaires, à ma grande surprise, qui paraissaient indiquer…