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— Et que fit Svor ? demanda Dekkeret.

— Il est revenu à notre camp et nous a dit ce qui avait été proposé, et nous avons tous bien ri, puis la bataille a commencé. Au cours de laquelle Svor est mort valeureusement, comme cela arrive, en se battant au nom de Prestimion, bien que le petit homme matois n’ait jamais été réputé pour sa bravoure avant ce jour-là.

— Et rirons-nous aussi bien, fit Dinitak, lorsque nous découvrirons quelle est l’idée que se fait Mandralisca de pourparlers ?

— C’est ce que j’espère, répondit Dekkeret.

— Vous êtes donc résolu à aller jusqu’au bout ? demanda Gialaurys.

— En effet, dit Dekkeret. Où est le héraut du Lord Gaviral ? Dites-lui que j’accepte l’invitation. Nous nous mettrons immédiatement en route pour l’endroit convenu.

Le lieu de rendez-vous était situé à cinq mille kilomètres plus en amont sur le Zimr, près d’une ville appelée Salvamot, où dans l’ancien temps le Procurateur Dantirya Sambail avait entretenu une résidence tranquille à la campagne, appelée château de Mereminene. Le domaine était resté dans la famille après la chute du Procurateur, et, apparemment, était désormais la propriété du Sambailid qui se donnait le nom de Lord Gavahaud.

— Lequel est-ce ? demanda Dekkeret à Septach Melayn. Leurs noms se ressemblent tous pour moi. Est-ce le grand ivrogne ?

— Celui-là c’est Gavinius, monseigneur. Gavahaud est le fat, le pompeux parangon de style et de goût, un véritable Mont du Château de vanité et d’une arrogance insensée. J’ai hâte de m’instruire auprès de lui des raffinements de la mode.

Dekkeret gloussa.

— Nous avons tous beaucoup à apprendre de ces gens, je pense.

— Et ils apprendront un peu de nous, monseigneur, ajouta Gialaurys.

Il n’était pas habituel pour des navires de mer de s’engager dans des voyages fluviaux, mais il n’y aurait pas eu assez de bateaux pour transporter toutes les troupes de Dekkeret, et le Zimr était si large et si profond qu’il pouvait sans difficulté accueillir les vaisseaux plus larges de la flotte maritime du Coronal. Le seul problème concerna la navigation commerciale régulière du Zimr, qui ne s’attendait pas à trouver une telle armée d’immenses bâtiments de haute mer accaparant le lit du fleuve. Ils se dispersèrent de part et d’autre, tandis que le gigantesque cortège serré de l’armada de lord Dekkeret progressait vers le nord.

Le paysage était pratiquement immuable ; une large plaine riveraine, de basses collines ondulées au-delà, et une succession de petites villes agricoles affairées échelonnées sur les deux berges, avec jour après jour un ciel brillant et un chaud soleil. Il y eut des rapports de fortes pluies à Ni-moya, des pluies torrentielles inhabituelles pour la saison, mais Ni-moya était loin, et là, sur la basse vallée du Zimr, ne régnaient qu’un temps sec et une chaleur incessante.

Il s’agissait, en théorie, du Grand Périple de l’intronisation de Dekkeret, mais il ne se rendit dans aucune des villes fluviales, se tint simplement à la proue du Lord Stiamot et salua la foule assemblée alors qu’il passait devant elle. Même lors d’un Grand Périple, il était impossible au Coronal de se rendre ailleurs que dans les cités les plus importantes, sinon, il aurait passé le reste de ses jours à aller de ville en ville, à engraisser aux banquets des maires, sans plus jamais revoir le Château. Et l’affaire de Mandralisca et des Cinq Lords était trop urgente pour permettre de telles haltes à présent, même dans des endroits relativement importants comme Port Saikforge, Stenwamp ou Gablemorn.

Ils allaient toujours de l’avant, ville après ville, traversant la paisible vallée du Zimr : Dambmuir, Orgeluise, Impemond, Haunfort Major, Cerinor, Semirod et Molagat, Thibbildorn, Coranderk, Maccathar. Septach Melayn, qui s’était institué conservateur des cartes, les désignait chacune par leur nom lorsqu’elles apparaissaient. Mais elles se ressemblaient toutes, de toute façon : la promenade au bord du fleuve, l’embarcadère où les foules de passagers attendaient le prochain bateau, les entrepôts et les bazars, les denses plantations de palmiers, d’alabandinas et de tanigales. Tandis qu’un endroit après l’autre passait devant lui dans une tache agréable, Dekkeret se retrouva une fois de plus à songer à l’immensité absolue de cette planète gigantesque qu’était Majipoor : la kyrielle de ses provinces, sa myriade de cités, ses milliards d’habitants, éparpillés sur trois grands continents si étendus que ç’aurait été l’œuvre de toute une vie, et quelques autres, de les traverser tous. Dans cette vallée à la forte densité de population, qu’importait Ni-moya, ou les Cinquante Cités du Mont du Château ? Pour ces gens, la basse vallée du Zimr était un monde à part entière, un petit univers, même, grouillant de vie et d’activité. Et cependant il y avait des dizaines, des vingtaines, des centaines de tels petits univers partout sur la planète.

C’était un miracle, pensa-t-il, qu’une planète si vaste et si peuplée ait si bien réussi à vivre en harmonie avec elle-même, du moins jusqu’à ces récents temps de troubles. Et vivrait encore en paix, jura-t-il, une fois que l’irruption pernicieuse du mal dans le monde que représentaient Mandralisca et ses pareils aurait été jugulée et excisée.

— Voici Gourkaine, dit Septach Melayn, par un matin brillant et sans nuages, alors qu’une nouvelle ville fluviale apparaissait.

— Et quelle est donc l’importance de Gourkaine ? demanda Dekkeret, car Septach Melayn avait prononcé le nom avec une emphase et des fioritures certaines.

— Absolument aucune, monseigneur, si ce n’est qu’il s’agit de la ville en aval de Salvamot, et que Salvamot est l’endroit où nos amis les Cinq Lords de Zimroel nous attendent. Nous touchons donc presque au terme de notre voyage.

Salvamot était une ville comme toutes les autres, excepté qu’il n’y avait pas de foules de citoyens rassemblés sur les embarcadères, impatients de saluer le Coronal lorsque son armada approcherait de leur cité, comme cela avait été le cas partout ailleurs jusque-là, même dans la proche Gourkaine. Il ne flottait pas non plus de bannières portant le portrait de lord Dekkeret et les couleurs royales. Seul un petit groupe de représentants municipaux était visible, ramassé en un petit noyau compact et à l’air anxieux sur le quai principal.

— On dirait que nous avons franchi une sorte de frontière, dit Dekkeret. Mais nous sommes encore à des milliers de kilomètres de Ni-moya. L’autorité des Cinq Lords s’étend-elle sur toute cette distance, je me le demande ?

— Gardez à l’esprit, monseigneur, que Dantirya Sambail venait fréquemment dans ses terres, rappela Septach Melayn, et sa parentèle également, je parierais. Les gens d’ici doivent ressentir une loyauté particulière envers cette tribu maintenant. Par ailleurs, regardez de ce côté…

Il indiqua un quai un peu en amont de la ville. Une douzaine ou plus de gros bateaux y étaient amarrés, et à leurs mâts battaient les longues bannières cramoisies du clan Sambailid, avec leur emblème de croissant de lune rouge sang blasonné. Il semblait que d’autres bateaux de la même sorte se trouvaient un peu au nord, derrière un léger méandre que le Zimr faisait là. Ainsi, les Cinq Lords, ou certains d’entre eux, en tout cas, étaient déjà sur place à Salvamot, et avec leur propre armada. Il n’était guère étonnant que l’ensemble des habitants ne salue l’arrivée du Coronal qu’avec une certaine dose de retenue.

Un détachement de la garde du Coronal précéda lord Dekkeret à terre. Rapidement, le capitaine des gardes revint, accompagné par un petit homme au cou épais portant la tenue noire et la chaîne dorée de sa fonction, qui se présenta comme étant Veroalk Timaran, Premier Magistrat de la municipalité de Salvamot.