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Elle virent quand même Min arriver. Quand elle leur transmit le message de Rand, les signes en langage muet passèrent de proche en proche. Ensuite, deux sveltes Vierges partirent en courant. Les autres revinrent à la partie, jouant ou observant.

Se grattant la tête, perplexe, Min rentra dans la salle. Souvent, les Vierges la rendaient nerveuse. Pourtant celles-ci avaient toujours un mot pour elle, parfois respectueux comme si elles s’adressaient à une Sagette, parfois drôle, bien que leur humour fût étrange. Jamais elles ne l’avaient ignorée à ce point.

Rand était dans la chambre à coucher. Ce simple fait lui fit battre le cœur. Il avait ôté sa chemise, et sorti de ses chausses sa tunique blanche comme neige, délacée au cou et aux poignets. Assise au pied du lit, elle s’adossa à l’une des lourdes colonnes d’ébène, et remonta les pieds, croisant les chevilles. Voilà longtemps qu’elle n’avait pas eu l’occasion de voir Rand se déshabiller, et elle comptait en profiter.

Il s’interrompit, la regardant, immobile.

— Qu’est-ce que pourrait bien m’enseigner Cadsuane ? demanda-t-il enfin.

— Ce qu’elle sait. À vous et à tous les Asha’man, répondit-elle.

C’était dans une de ses visions.

— Je ne sais pas quoi, Rand. Je sais seulement que vous devez apprendre quelque chose d’elle. Vous tous.

Il s’était arrêté à sa chemise. Soupirant, elle poursuivit :

— Vous avez besoin d’elle, Rand. Vous ne pouvez pas vous permettre de la mettre en colère. Vous ne pouvez pas vous permettre de la chasser.

En fait, elle ne pensait pas que cinquante Myrddraals et un millier de Trollocs parviendraient à chasser Cadsuane, mais le raisonnement était le même.

Le regard de Rand devint vague, et au bout d’un moment, il secoua la tête.

— Pourquoi devrais-je écouter un fou ? grommela-t-il entre ses dents.

Par la Lumière, croyait-il vraiment que Lews Therin Telamon parlait dans sa tête ?

— Si vous laissez quelqu’un croire que vous avez besoin de lui, Min, il aura une emprise sur vous. C’est une laisse pour vous attirer où il veut. Je ne vais pas me mettre moi-même la corde au cou pour une Aes Sedai, quelle qu’elle soit.

Lentement, il desserra les poings.

— Vous, Min, j’ai besoin de vous, dit-il simplement. Pas pour vos visions. Pour vous.

Qu’il soit réduit en cendres ! Il pouvait la bouleverser totalement avec quelques mots !

Avec un sourire aussi empressé que celui de Min, il saisit à deux mains le bas de sa chemise et se baissa pour la passer par-dessus sa tête. Croisant les mains à sa taille, elle se radossa pour regarder.

Les trois Vierges, qui entrèrent dans la chambre au pas de charge, n’arboraient plus le voile qui cachait leurs cheveux courts dans le couloir. Elles avaient les mains vides et ne portaient plus leur lourd ceinturon. C’est tout ce que Min eut le temps de remarquer.

Rand avait toujours la tête et les bras recouverts par la chemise. Somara aux cheveux de lin, une grande femme pour une Aiel, en saisit le tissu et tordit, le piégeant à l’intérieur. Presque du même mouvement, elle lui envoya un coup de pied dans l’entrejambe. Avec un grognement étouffé, il se pencha un peu plus, chancelant.

Nesair aux cheveux de flammes, belle malgré les cicatrices blanches barrant ses joues bronzées, décocha un coup de poing dans son flanc droit, assez fort pour qu’il titube de côté.

Poussant un cri, Min s’élança. Elle ne comprenait pas cette folie, n’imaginait même pas ce que cela signifiait. Un couteau sortit de chacune de ses manches et elle se jeta sur les Vierges en hurlant :

— Au secours ! Oh, Rand ! Au secours !

La troisième Vierge, Nandera, se retourna comme une vipère, et planta son pied dans le ventre de Min, lui coupant le souffle. Ses couteaux tombèrent de ses mains engourdies, et elle fit la culbute par-dessus le pied de la Vierge grisonnante, atterrissant sur le dos dans un choc qui expulsa le peu d’air qui lui restait dans les poumons. S’efforçant de bouger et de respirer – s’efforçant de comprendre ! – elle ne put que rester là et regarder.

Les trois femmes ne firent pas les choses à moitié. Nesair et Nandera martelèrent Rand de leurs poings pendant que Somara l’obligeait à rester penché, piégé dans sa propre chemise. Encore et encore, elles martelèrent son ventre dur de coups bien placés. Min aurait ri d’un rire hystérique si elle avait eu le moindre souffle. Elles cherchaient à le battre jusqu’à ce que mort s’ensuive, et pourtant, elles évitaient soigneusement de frapper près de la blessure inguérissable de son flanc gauche traversée par la coupure à demi cicatrisée.

Elle savait à quel point les muscles de Rand étaient durs et puissants, mais personne ne pouvait résister à un tel traitement. Lentement, ses genoux fléchirent, et quand ils heurtèrent les dalles, Nandera et Nesair reculèrent. Elles hochèrent la tête, et Somara lâcha la chemise. Il tomba face contre terre. Elle l’entendit haleter, réprimer les gémissements qui lui montaient aux lèvres malgré ses efforts. S’agenouillant près de lui, Somara rabattit la chemise presque tendrement. Il resta allongé, la joue sur le sol, s’efforçant de respirer.

Nesair se baissa, l’empoigna par les cheveux et lui releva la tête d’une secousse.

— Nous avons gagné le droit de faire ça, gronda-t-elle, mais ce sont toutes les Vierges qui voulaient vous donner une bonne correction. J’ai quitté mon clan pour vous, Rand al’Thor. Je ne vous laisserai pas me cracher dessus !

Somara avança une main, comme pour rabattre en arrière les cheveux qui lui voilaient le visage, puis elle la retira.

— C’est ainsi que nous traitons un premier-frère qui nous déshonore, Rand al’Thor, dit-elle avec autorité. La première fois. La deuxième, nous utilisons le fouet.

Nandera dominait Rand de toute sa hauteur, les poings plantés sur les hanches et le visage de pierre.

— Vous êtes dépositaire de l’honneur des Far Dareis Mai, fils d’une Vierge, dit-elle d’un ton sinistre. Vous avez promis de nous emmener avec vous pour la danse des lances, et vous êtes parti vous battre en nous abandonnant. Vous ne ferez plus jamais ça.

Elle l’enjamba pour se diriger dignement vers la porte, suivie des deux autres. Seule Somara regarda en arrière, et si une lueur de compassion brilla un instant dans ses yeux bleus, il n’y en eut aucune nuance dans sa voix quand elle ajouta :

— Ne nous obligez pas à recommencer, fils d’une Vierge.

Le temps que Min parvienne à ramper jusqu’à lui, Rand s’était relevé à quatre pattes.

— C’est pas possible, elles sont folles, croassa-t-elle.

Par la Lumière, ce qu’elle avait mal au ventre !

— Rhuarc va… !

Elle ne savait pas ce que Rhuarc allait faire. Quoi que ce fût, ça ne serait pas suffisant.

— Sorilea.

Sorilea les mettrait au pilori sous le soleil ! Pour commencer !

— Quand nous lui dirons…

— Nous ne dirons rien à personne, dit-il, comme s’il avait retrouvé son souffle, mais les yeux encore un peu exorbités. Elles ont le droit. Elles ont gagné ce droit.

Min ne connaissait que trop bien ce ton. Quand un homme décidait de s’entêter, il pouvait s’asseoir tout nu dans un carré d’orties et nier effrontément qu’elles lui piquaient le postérieur ! Elle l’aida à se relever, presque contente de l’entendre gémir. S’il décidait de se comporter en idiot, il méritait bien quelques bleus !

Il s’allongea précautionneusement sur le lit, et elle se blottit contre lui, non pas pour ce qu’elle avait espéré, mais c’était mieux que rien.

— Ce n’est pas ce que je comptais faire dans ce lit, murmura-t-il.