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À la maison, le rite du champagne de cinq heures reprit ses droits imprescriptibles… Pourtant, Mme de Sommières n’y retrouva pas le plaisir d’antan. Ce qui n’échappa pas au tandem Aldo-Adalbert :

— Vous n’aimez plus le champagne ou est-ce que la dernière livraison n’était pas à la hauteur ?

Profitant de ce que Marie-Angéline était partie en direction de la cuisine, elle reposa sa flûte avec un haussement d’épaules découragé :

— Essayez donc de faire la fête en compagnie de la Madone des Sept Douleurs et revenez me dire ce que vous en pensez !

— Bah ! Ça lui passera ! compatit Adalbert. Elle est solide, et, en outre, elle possède un esprit trop brillant et trop curieux pour qu’il en soit autrement !

— Cela n’en prend guère le chemin. Hormis la nuit, elle est plus souvent à Saint-Augustin qu’avec moi ! Vêpres, salut, complies, tout y passe ! D’ici qu’elle veuille entrer au couvent, il n’y a pas loin !

— Et si toutes les deux vous reveniez avec moi à Venise ? proposa Aldo. Je vous jure qu’on lui trouvera de quoi s’occuper l’esprit !

— Tu rentres quand ?

— Dans trois jours ! La dernière vente est pour demain. Alors faites vos bagages et venez revoir notre lagune !… Toi aussi, Adalbert, si rien ne te retient à Paris ? D’autant qu’il y a deux ou trois points que l’on pourrait essayer d’éclaircir. On ne se débarrasse pas facilement du Téméraire une fois que l’on a mis le nez dans ses affaires.

— Après tout, pourquoi pas ?

Ce soir-là, Tante Amélie trouva meilleur goût à son champagne… mais le lendemain matin…

Aldo, qui avait prévu d’être à Drouot dès l’ouverture des portes pour voir les bijoux exposés avant la vente de l’après-midi, prenait son petit déjeuner seul dans la salle à manger, un œil sur Le  Figaro que l’on venait de livrer, quand Cyprien arriva aussi vite que le lui permettaient ses vieilles jambes. Il tenait d’une main tremblante une lettre qu’il mit sous le nez d’Aldo :

— Une fenêtre battait dans la chambre de Mlle du Plan-Crépin. Alors je suis entré et j’ai trouvé ce message sur son bureau :

« Il est en danger et il m’appelle ! Je ne peux pas le laisser mourir sans tout tenter pour le sauver ! Je demande votre pardon à tous ! Surtout le vôtre, Aldo ! Je n’aurais jamais imaginé faire ce que je me suis permis… je vous supplie de ne pas essayer de me suivre ! Vous mettriez trop de vies en danger ! Votre Marie-Angéline… »

Le cri de fureur s’étrangla dans sa gorge. Il allait se ruer sur le téléphone pour appeler Adalbert, quand une idée lui traversa l’esprit. Pourquoi cette damnée fille lui demandait-elle pardon, à lui particulièrement ?

Il chercha son portefeuille, l’ouvrit :

— Nom de… !

Le rubis avait disparu…

Saint-Mandé, le 3 septembre 2013.