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La pestouille va démarrer ! Va falloir se payer une séance sévère avec les confrères berlifleurs. Les Teutons, tu les connais ? Méthodiques à se gratter sous les couilles ! C'est leur force. Chez eux, ça remplace l'esprit. Grâce à cette obstination appliquée à tout, leur chierie de mark grimpe comme une mayonnaise caritative.

On va se faire gauler comme des noix !

Regard instinctif à la fenêtre : huitième étage en plein jour, c'est pas bon pour les bronches.

Je claque des doigts.

— Hein ? me fait M. Blanc, lequel est perdu dans la penderie.

Je lui montre la lourde et murmure dans un souffle :

— Les Polizists.

Bien que ne parlant pas le boche, il saisit.

Il n'a pas une seconde de réflexion, pas un millième. Prompt comme l'éclair, il dégrafe son futal, le tombe ; idem du slip tango bordé de noir qui doit faire pâmer la tendre Ramadé, le soir à la chandelle. Voilà qu'il s'empoigne l'asperge. Un chibre de seigneur ! Un produc de films « X » le verrait, il engagerait Jérémie pour assurer les gros plans dans l'amant de Lady Chatte-Early, faisant du veinard jardinier un ancien de l'armée des Indes.

La différence qu'il y a entre le goumi de Messire Bianco et la lance d'arrosage des pompelards de Champerret, c'est que la lance des pompelards est effilée du bout ! On entend grommeler une clé dans la serrure, et puis la porte est poussée et voilà trois personnes nouvelles en prise directe avec le paf à M. Blanc. Un énorme poulet avec un manteau de cuir noir et un large feutre qui mettrait en érection le président Mitterrand grand amateur de couvre-chefs à la con ; un autre drauper, long et aussi sympa qu'un crachoir de sanatorium en fin de journée ; lui aussi porte un cuir et se coiffe d'un feutre. Et puis il y a un groume poupin, blondasse, taches-de-rousse avec un regard émouvant de petit cochon aux yeux bleus.

Les arrivants s'arrêtent, pétrifiés devant ce spectacle d'un Noir athlétique en train de se tailler un rassis devant un compagnon blasé.

Alors là, il est parfait, M. Blanc ! Inouï de culot, bien que sans culotte.

Il se lâche le mandrin et fonce sur le groupe. Il vocifère dans sa langue maternelle. Bien que ne la parlant point encore, j'en perçois le sens profond, tant le ton et la mimique sont éloquents. Et les autres aussi, pigent.

— Non, mais qu'est-ce qui vous permet d'entrer chez les gens sans frapper, bande d'abrutis ! En voilà des façons ! Je veux parler au directeur, moi ! qu'est-ce que c'est que cet hôtel de merde !

La queue dodelinante, il les course dans le couloir, jusqu'aux ascenseurs.

Les Chleuhs, croyant à une méprise du concierge battent tu sais en quoi ?

Bon !

— Rapporte-moi mon bénoche et mon slip ! crie Jérémie. On va se tailler par la sortie de secours !

Je ramasse ses hardes et on part comme des lavements à bout de résistance dans un escadrin de dégagement.

Au quatrième étage, on télescope une vieille lingère et sa corbeille pleine de limouilles fraîchement amidonnées.

Magnanime, M. Blanc lui tend la main pour l'aider à se relever, mais la pauvre dame, miro comme une plaque d'égout, lui saisit la trompe ; à moins que, friponne malgré son âge et sa chute, elle ne profite de cette ultime occasion de sa vie de palper un goumi de coloured man en mettant à profit une situation qui, initialement, lui était contraire, comme me le faisait remarquer M. Raymond Barre l'autre matin, au défilé de la C.G.T. Les gonzesses, même bourrées d'ans et de varices, sont viceloques, si tu savais !

Mais brèfle, on lui fait lâcher prise et on continue notre dévalation jusqu'à son terme.

Un taxi passait, je le hélai. Il condescendit à nous conduire à l'aéroport où nous prîmes un vol pour Bruxelles, d'où nous ralliâmes Paris.

Je précise qu'avant de débarquer dans notre brûlante capitale, Jérémie Blanc avait réintégré son slip et son pantalon.

C'est seulement quand nous sommes dans sa cuisine où Ramadé fait cuire un mouton à la broche à même le carrelage, qu'il murmure :

— Mais, au fait !

Et qu'il sort de sa poche la boucle d'un ceinturon de dame. Babiole spectaculaire, grande comme une assiette à escargots, mais beaucoup plus ouvragée.

Ça représente un soleil dont le centre est en fausse topaze et les rayons en vraie matière plastique rouge. La boucle est épaisse de deux centimètres. Quand tu la secoues, ça produit un bruit, preuve qu'elle est creuse et receleuse d'un objet.

— J'étais aux prises avec ce machin quand les bourdilles allemands sont arrivés, raconte mon copain.

On le tourne sur toutes les coutures sans parvenir à l'ouvrir.

— Ne l'abîmez pas, supplie Ramadé quand elle nous voit l'attaquer à l'ouvre-boîtes, c'est très joli, je pourrai m'en servir de bijou.

— Ça ferait effectivement un beau chaton pour une bague ! ricané-je.

Le mouton grésille et ses chairs léchées par les flammes sont toutes en cloques, comme la cuisinière, laquelle attend son énième chiare.

— On est cons ! exclame soudain M. Blanc ; ça se dévisse !

Il prend la boucle entre ses larges mains auxquelles il imprime un mouvement contraire, et poum ! ça ouvre !

On pousse un gémissement d'allégresse (ce qui est parfaitement réalisable) en constatant que la boîte contient une enveloppe pour cartes de visite.

Assez épaisse.

A l'intérieur se trouvent quatre photographies d'un format modeste et inusité (8 X 5 environ). Les quatre clichés représentent le même monsieur occupé à se faire faire des gâteries par la même dame. La dame, c'est la très regrettée diva Kamala Safez.

A en croire ses différentes attitudes, on peut supposer qu'elle savait faire encore mieux pour le bonheur d'un homme que chanter et danser. La première image la montre nue et de dos (guitare somptueuse) en train de chipolater le levier de force du type. Sur le deuxième, le bonhomme est penché en avant, les cannes en « V » renversé, et mamz'elle le feuillederose comme un grand. Sur le troisième, il occupe la même posture, de trois quarts à l'objectif, et elle lui astique le nerf de naguère d'une main, cependant qu'elle mobilise deux doigts (dont le médius) de l'autre pour les lui encastrer dans l'oeil de bronze. La quatrième et dernière, plus orthodoxe que les précédentes, est l'embrocage en levrette de la chanteuse par le valeureux partenaire. Il convient maintenant de te fournir le descriptif de ce dernier, car nous sommes une maison sérieuse dont la réputation n'a pas été dénichée dans un paquet de lessive.

Le dividu en question est dans la farce de l'âge ; disons la quarantaine.

Arabe à n'en pas douter. Musclé et grassouillet en même temps. Disons encore musclé, mais on voit clairement les nouvelles mesures auxquelles devra se résoudre son tailleur d'ici peu de temps. Il est plutôt bel homme.

Un peu déplumé du frontal et frisotté de la nuque. Il porte une fine moustache à la Craque Câble. De longs cils… Attends que je tourne une phrase ciselée, comme dans du jury Fémina : « De longs cils recourbés ombragent son regard velouté, noir comme Lejay-Lagoutte ». Il est très velu. Bien dimensionné du braque, et il porte une chevalière à chaque main : complètement camée à la gauche, très solitaire à la droite.

— Qu'est-ce que vous avez trouvé ? s'inquiète Ramadé, surprise par notre attention silencieuse.

Jérémie planquouze vivement les photos.

— Documents top secrets ! fait ce grand pudique.

Sa bonne femme hausse les épaules.

— Il n'est pas joli de mentir à sa douce épouse, roucoule-t-elle.

M. Blanc clape à vide et yoyotte des carreaux.

— Lorsque tu me mens, ton nez bouge ! assure Ramadé.