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— Très beau !

— Il fait ses adieux de Fontainebleau à Marie-Marie et s'en va avec sa trousse sous le bras au lieu de sa bite.

« Les premiers jours, il lui écrit. Lui raconte ses difficultés, ses espoirs. Et puis, plus rien. quelques semaines s'écoulent sans que ma petite potesse ait de nouvelles. Un jour, elle reçoit un mot d'un confrère de son mari qui lui dit que ce dernier a eu maille à partir avec les autorités syriennes qui occupent une partie du Liban et qu'on l'a embarqué à Damas. Aussitôt, en courageuse épouse, voilà l'intrépide qui prend l'avion pour Damas… »

— Elle aurait pu te prévenir plus tôt !

— Tu ne la connais pas : bien trop fière pour venir chialer dans mon giron.

— Et dans celui de son oncle ?

— L'éléphant chez le marchand de porcelaine ! Elle le connaît trop. Elle a voulu d'abord étudier le problème.

— Alors ?

— Elle s'annonce à Damas et commence sa petite enquête d'épouse, pas éplorée, mais pugnace. Elle piétine. C'est le black-out, la conjuration du silence. Et voilà que, pour couronner le tout, elle est détroussée de son sac à main. N'a plus ni fric, ni passeport. Éperdue, vaincue, elle m'appelle enfin !

— Et toi, noble chevalier, tu moules le Nouvel An, ta mère, tes occupations, et tu files au Moyen-Orient sur ton tapis volant ! Baladin ou la langue merveilleuse !

— Effectivement, cher saint Panzé.

— Et alors ? Et alors ? Et alors ? que s'est-il passé lorsque Zorro est arrivé ?

— Ditawu Monkhu m'attendait à l'aéroport.

— Pardon ?

— Textuel. La Musaraigne m'avait effectivement fixé rendez-vous devant le mausolée du général Gamal Halaziz, aussi ai-je été surpris, en débarquant, de me voir aborder par ce gros lard à lunettes noires. Il m'a raconté qu'il avait trouvé Marie-Marie errante dans la ville et que, pris de pitié, l'avait invitée chez lui. Tu parles si j'ai suivi le mec, moi ça ne me disait pas grand-chose ce genre de charité. Nous sommes parvenus dans sa crèche, que tu connais et où nous nous rendons présentement. Chemin faisant, j'ai commencé de me sentir bizarre.

« Il est vraiment doté d'un pouvoir hypnotique, ce gus. »

— Il « était » rectifie Jérémie.

Oui, c'est vrai : il était. Mort cruelle mais juste du méchant. Quand je pense à ce qui se prépare pour bientôt, le traczir noir m'empare, surtout concernant ceux que j'aime ! Déjà, inexorablement mourir, c'est pas joyce joyce comme perspective. Mais « les » morts qu'on nous mijote, nous affûte, nous courtbouillonne à plaisir dans des labos et officines, usines, bataclans de merde, là, je te promets du sévère ! Si on était maries, on se taillerait en Australie, m'man, mes potes, Toinet, Maria l'Andalouse au fion de braise et moi. On se blottirait chacun dans le cul d'un kangourou, et on sauterait, sauterait, sauterait ! Mais ouitche, à quoi bon ? Un jour notre planète sera recouverte de glace ou de poussière et le rien inouï aura repris le dessus pour l'éternité. Si on n'a pas Dieu à ce moment-là, gare à nos couilles, l'ami !

— Et puis après ?

— Comment ?

J'étais parti à rêvasser. Je lutte pour me poser en douceur sur le gazon de la réalité.

— Donc, tu te sens bizarre et Ditawu Monkhu t'emmène chez lui ?

— C'était bondé de jolies gonzesses salingues… Elles m'ont dévasté le calbute en moins de jouge, essoré les glandes comme des os de seiches !

— Chouette accueil. Et Marie-Marie ?

— Il me l'a montrée. Elle dormait dans une chambre grande comme une cellule. Elle ne paraissait pas mal en point. Il m'a dit qu'on la réveillerait plus tard. qu'il avait dû lui administrer des calmants car elle partait dans les déprimes. Je l'ai cru car, au téléphone, elle m'avait effectivement semblé très abattue. A partir de là, je me souviens par flashes. Je me revois dans une réception. Ditawu me désignait le général…

— Il t'avait inoculé le dessein de le tuer ?

— Oui, sans doute, mais il n'en parlait pas. C'était uniquement suggéré. Je me rappelle qu'il affirmait que Sasser Akdal était la cause des malheurs de Marie-Marie… Cette notion m'emplissait de haine.

— Quoi d'autre ?

— Attends ! Une nuit, je roupillais et j'ai été réveillé en sursaut par un cauchemar. Je rêvais que je tuais le général. J'étais en sueur. La vigilance mentale de Monkhu avait dû se relâcher, car j'ai eu une vision réaliste de la situation. Je me suis levé. Je ne portais qu'un slip. J'ai cherché la chambre de la Musaraigne : elle ne s'y trouvait plus. Alors j'ai compris que je devais me tirer de là et filer à l'ambassade de France donner l'alerte. Je me suis sauvé…

— C'est la nuit de la tannerie ?

— Exactement.

— A peine ai-je eu quitté la maison que l'alerte a été donnée et ils se sont lancés à ma recherche. J'ai couru. Il y a eu la tannerie. Pour leur échapper, je me suis flanqué dans un bac, malgré l'odeur. Faut dire que j'étais tout de même un peu foireux du bulbe… Réveillé, Monkhu reprenait son emprise. Tu veux que je te dise, Niacouet ? Je crois bien que je suis sorti spontanément du bac pour me livrer à mes poursuivants. Désormais, j'étais complètement sa chose, à Ditawu, sa marionnette.

— En ce cas, comment se fait-il que tu sois retourné à Paris ?

— Attends ! Attends, je sens que ça vient !

La monstre illumination ! Le big flash !

Je me penche vers les deux officiers, assis à l'avant de la Range.

Je demande en anglais à Sasser Akdal :

— Excusez, mon général. Une question importante : vous trouviez-vous à bord du vol Damas-Paris du 7 janvier dernier ?

Il se retourne, sourcilleux.

— En effet, je me suis rendu à Athènes, pourquoi ?

— Merveilleux ! exulté-je. C'est pour cela que j'ai tenté d'ouvrir la porte de l'avion parce que le général se trouvait à bord ! Monkhu m'avait programmé pour ça !

— Et la danseuse ? demande Jérémie.

— Rien à voir avec le mage. Je l'ai confusément « reconnue » parce que je l'avais entendue chanter à l'ambassade d’Égypte. C'est sans doute pourquoi je l'ai baratinée. Une réaction profonde, tu comprends ? Le naturel du tendeur qui revient au triple galop.

— Elle était la complice de Ditawu Monkhu ?

— Pas le moins du monde ! Elle devait travailler pour des gens soucieux d'avoir barre sur le directeur de l'Agence Égyptienne de Presse, le pauvre Tuboûf Mafig, d'où les photos croustillantes… Elle l'avait appelé de Berlin pour mieux le tenir à merci, loin de ses bases. Vois-tu, monsieur Blanc, je pense que notre erreur fondamentale, depuis le début, ç'a été de croire qu'il existait une seule affaire, alors qu'il y en avait trois, totalement distinctes. La première : le mage fomentant l'assassinat du général Akdal ; la seconde, la danseuse opérant le gars Mafig ; la troisième enfin : la bombe des Délices de Berlin, sûrement posée par une organisation terroriste sans relation avec les deux autres affaires. Nous deux, bons branques, avons tout flanqué dans la même corbeille, grave erreur !

Le noirpiot médite un brin. Ça lui décrèpe la tignasse.

Et moi, en me marrant :

— Ça te défrise, ce que je dis, Grand Primate des Gaules ?

— Un peu.

— Il me semblait, ricané-je. Pourquoi ?

— L'assassinat de Bouchafeu et de sa petite Anglaise chez Mafig. Là, tu ne peux pas dire qu'il n'existe pas une collusion des affaires !

— A cause de nous, mon petit vieux, à cause de nous qui avons compromis ce beau monde en lui rendant visite. Si tu veux le fond de ma pensée, Ditawu Monkhu m'avait totalement en son pouvoir depuis l'affaire de la tannerie. Il me contrôlait à fond.