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— Je sais ce que c'est, dit-il d'une voix brève.

Les gendarmes et les bourgeois regardèrent le premier fonctionnaire de la ville avec une mine qui témoignait de leur immense admiration pour sa pers _ picacité.

— Je connais l'individu qui a fait cela, reprit le sous-préfel, et je vais vous donner son signalement.

Dumollet frémit. Le sous-préfet, parlait maintenant à voix basse et le gendarme prenait des notes.

— Les allures extrêmement suspectes de cet individu m'avaient donné des soupçons cette nuit, reprit le sous-préfet, je regrette maintenant de ne pas l'avoir fait arrêter..., d'abord cet homme n'était pas ce qu'il disait être! pas musicien pour deux sols !... Quel était son but en s'introduisant à la sous-préfecture, je ne puis le deviner tout à fait, mais je penche à croire qu'il avait des intentions coupables..., ce doit être un ennemi du gouvernement.... Mais n'effrayons pas les populations, rester calme, maréchal des logis, et veillons !... Malheureusement je ne puis signaler le fait mystérieux à Paris, le télégraphe ne marche pas, interrompu par le brouillard ! Décrochez la contre-basse, consignei^-la au greffe, et revenez chercher mes instructions.

Dumollet n'eut qu'une pensée, la fuite. Fermant presque son parapluie sur sa tête, il se dégagea doucement de la foule et prit sa course vers le Cœur- Volant.

— Eh bien! lui dit l'hôtesse, vous venez de la sous-préfecture, on dit qu'un musicien a été assassiné en sortant du bal de M. le sous-préfet et que pour se

On ne saura jamais la vérité !

débarrasser de sa contre-basse, les assassins l'ont accrochée au réverbère! Quelle terrible affaire!

— C'est horrible! balbutia Dumollet.

— Si monsieur veut déjeuner? dit l'hôtesse.

Dumollet pour ne pas éveiller les soupçons consentit à déjeuner, biea qu'il n'eut plus faim du tout, puis il paya sa dépense et s'en fut seller lui-même Coqueluchon qui ne soupçonnait rien.

— Monsieur s'en va déjà? dit le garçon quand Dumollet passa sous la porte en tirant Coqueluchon par la bride. — Oui !... Je va's à Paris ! répondit Dumollet, comprenant la Coqueluchon avait la migraine

nécessité de dérouter la maréchaussée que le sous-préfet allait lancer sur sa piste.

Dumollet forcé d'avoir de l'astuce, ce (jLii n'était 'i-^ pas dans ses habitudes, fit de son mieux ; il prit ostensiblement la route de Paris, et une fois dans les champs fit le tour de la ville pour retrouver la route de Bretagne qu'il avait un peu perdue la veille.

LA SOIF DE COQCELUCnO.N

Coqueluchon était mélancolique. Depuis son réveil il n'avait pas daigné braire une seule fois. Les oreilles basses, la tête penchée vers la poussière du chemin, il Irollait péniblement. Dumollel n'osait rompre le silence pour ne pas troubler l'amure tristesse de son compagnon.

— C'est le remords, pensait-il, le remords de sa coupable conduite envers la noce Cloquebert, le chagrin de m'avuir causé tant d'émotions depuis hier! .\on! ce n'était pas le remords, c'était tout simplement le mal de tête. Coqueluchon subissait les étreintes de cette migraine vengeresse des lendemains d'orgie. Migraine, courbature, affaissement général, mauvaise humeur, la série complète enfin, châtiment de sa mauvaise conduite !

Le pauvre Duoiollet aussi, victime de Coqueluchon, ressentait de violents élancements dans la région crânienne, mais du moins son âme était pure, Coqueluchon et la fatalité avaient tout fait!

A^ers midi, après une marche coupée de nombreux repos dans les herbages, sur les talus de la route, les deux voyageurs s'arrêtèrent dans un village pour s'offrir un repas substantiel. Dumollet consacra deux heures à cet important travail et se remit en route ensuite par un beau soleil. La pluie du matin, cette pluie fatale qui avait fait tant de mal à la contre-basse, n'avait pour ainsi dire duré que juste le temps nécessaire pour causer des désagréments à Dumollet!

Après une accalmie pendant le repas, la migraine des deux voyageurs était revenue plus féroce que jamais, Coqueluchon soupirait à toute minute et Dumollet avait de la peine à se tenir éveillé.

Et avec cela, la mauvaise humeur de Coqueluchon semblait devenir du mauvais caractère.

Il lui prenait des fantaisies que Dumollet était obligé de supporter. Par moments, malgré les objurgations de son cavaher, il s'élançait dans les ciiamps à droite de la route, galopait dans les terres, au risque de conflits avec des gardes champêtres, et attrapait au passage une touffe de verdure, une carotte ou simplement quelques fleurettes des prés. La soif le tourmentait. A un certain moment, son nez en quête de rafraîchis-

Le docteur

semenls, se releva pour humer l'air; il respira bruyamment plusieurs fois, puis relevant les oreilles, il poussa un hi-han de triomphe et faisant un brusque écart, il sauta dans un champ à droite de la route au beau milieu d'un troupeau d'oies gardé par une petite fille.

En sautant le fossé, une sangle se cassa, et la selle tournant tout ù coup, Dumollet faillit passer sous le ventre de sa monture. Par bonheur, il s'était énergiquement accroché à la maigre crinière de Goqueluchon, et il réussit à se

TKAlTEMENr ENEBGIQLE COXTRE L EVANOIISSEUEM

maintenir malgré le galop insensé que l'âne avait pris à travers les terres.

— Où allons-nous"? oii allons-nous? se demandait, pendant la course, Dumollet qui ne pouvait relever la tète et se laissait aller à l'aventure.

Goqueluchon s'arrêta tout à coup, aussi brusquement qu'il était parti. Dumollet cessa de se cramponner et releva la tète, mais au même instant Goqueluchon baissant la sienne et relevant le train de derrière, se débarrassa de son cavalier avec une désinvolture qui rappelait les exploits de sa jeunesse à Montmorency.

Dumollet opéra une véritable cabriole, et, la tête la première, tomba dans la gentille petite rivière que Goqueluchon avait sentie de loin.

Quel plongeon ! Les éclaboussures jaillirent jusqu'à plus de dix mètres. Goqueluchon sans s'inquiéter de son cavalier qui se débattait dans les roseaux, buvait à longs traits avec un air de contentement parfait.

La rivière n'était pas très profonde, mais Dumollet, tombé la tète en avant, avait aux trois quarts enfoncé cette importante partie de son individu dans la vase molle et poussait des cris inarticulés en essayant de se dégager. L'insouciant Coqueluchon, trùs joyeux, s'était mis à braire et, comme par mauvaise humeur il avait gardé le silence depuis le malin, il se rattrapait de façon à fatiguer les échos.

Ces éclats de musique, par bonheur, attirèrent l'attention d'un homme qui péchait non loin de là sous les saules ; apercevant quelque chose qui remuait au milieu de la rivière, il accourut, et tendant à Dumollet un bras secou-rable, il le ramena sur la rive, trempé, grelottant, dégouttant, avec la tête coiffée d'herbes en quantité suffisante pour confectionner un petit plat d'épinards et une écreviss'fe dans sa poche. C'était trop d'émotions ! Naturellement Dumollet s'évanouit entre les bras de son sauveur et ne revint à lui qu'un quart d'heure après... sous une effroyable tripotée de coups de poings que deux hommes lui administraient. Horreur ! il se crut tombé entre les mains de ses ennemis, la noce Cloqnebert et le sous-préfet Corniflet de

La bonne du Chevalnoitge Samte-Amaranthe. Rappelant a lui toute son énergie, use défendit de son mieux contre ses assaillants et leur rendit le plus de coups de poings possible; mais hélas! il était déshabillé et couché dans un lit qu'il ne connaissait pas, que pouvait-il contre deux vigoureux gaillards tout habillés ?