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— Ah bon ! Ben, je ne pense pas qu’on en ait fait partie. À votre avis, vous ?

— Non.

— Non plus.

— Non, il ne me semblait pas, moi non plus. Ça signifie quoi, subversive ?

— La question vise à établir si vous êtes venus ici dans l’intention de renverser le gouvernement des États-Unis.

— Je ne pense pas que ce soit notre intention. À votre avis ?

— Non.

— Non.

— La réponse est non. Ils n’ont pas à se tracasser pour nous.

— C’est une drôlement bonne idée, en tout cas.

— Laquelle ?

— Poser la question quand les gens arrivent. Si quelqu’un vient faire des renversements subversifs, tout le monde lui tombera dessus comme la misère sur les pauvres gnomes dès qu’il aura dit « oui ».

— C’est futé, en effet, admit Angalo, la voix pleine d’admiration.

— Non, on ne va rien renverser du tout, annonça Masklinn au Truc. On veut juste voler un de leurs jets verticaux. Ça s’appelle comment, déjà ?

— Des navettes spatiales.

— C’est ça. Et ensuite, on s’en va. On ne veut déranger personne.

Le sac subit quelques secousses, puis on le posa.

Un léger bruit de scie se fit entendre, un son inédit dans le répertoire des aéroports. Un trou minuscule apparut dans le cuir.

— Alors, qu’est-ce qu’il fait ? demanda Gurder.

— Arrête de me bousculer, répliqua Masklinn. J’essaie de me concentrer. Bon… apparemment, on se trouve dans une file d’humains.

— Mais ça fait une éternité qu’on attend ! se lamenta Angalo.

— Ils doivent poser la question du renversement à tout le monde, je suppose, supputa le sage Gurder.

— Ça m’ennuie de vous demander ça, fit Angalo, mais… comment est-ce qu’on va trouver la Navette ?

— On s’en occupera le moment venu, répondit Masklinn d’un ton mal assuré.

— Le moment est venu, rétorqua Angalo. Tu ne crois pas ?

Masklinn haussa les épaules, pris de court.

— Tu n’imaginais quand même pas qu’en arrivant en Floride, on trouverait des panneaux qui disaient : Pour l’espace, c’est par ici ? demanda Angalo, sarcastique.

Masklinn protesta, en espérant qu’on ne pût pas lire ses pensées sur son visage :

— Bien sûr que non !

— Bon, alors, qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? insista Angalo.

— On va… on va… on va demander au Truc. (Masklinn parut soulagé.) C’est ça qu’on va faire. Truc ?

— Oui ?

Masklinn haussa les épaules.

— Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?

— Alors, ça, c’est ce que j’appelle un bon plan, ironisa Angalo.

Le sac remua. Richard Quadragénaire progressait dans la file d’attente.

— Truc ? Je t’ai demandé ce que…

— Rien.

— Comment veux-tu qu’on ne fasse rien ?

— En observant une absence d’activité.

— Et à quoi ça va nous avancer ?

— D’après le journal, Richard Arnold se rend en Floride pour le lancement d’un satellite de télécommunication. Il va donc aller jusqu’à l’endroit où se trouve le satellite. Ergo, nous nous y rendrons en sa compagnie.

— Et c’est qui, cet Ergo ?

Le Truc fit clignoter ses voyants à son intention.

— « Ergo » signifie « donc ».

Masklinn ne paraissait pas très convaincu.

— Tu crois qu’il va emporter ce sac avec lui ?

— Pronostic incertain.

Le sac ne contenait pas grand-chose, Masklinn devait bien l’avouer. Essentiellement des chaussettes de rechange, quelques objets divers comme la brosse à cheveux, et un livre intitulé L’Espionne n’avait pas de culotte. Ce dernier objet avait provoqué un certain émoi lorsque le sac s’était ouvert, juste après l’atterrissage, mais Richard Quadragénaire avait simplement enfourné le volume parmi les papiers, sans regarder. Maintenant qu’il disposait d’un peu de lumière, Angalo essayait de le lire. De temps en temps, on l’entendait marmonner dans sa barbe.

— J’ai bien l’impression, finit par déclarer Masklinn, que Richard Quadragénaire n’ira pas directement voir partir le satellite. Je suis sûr qu’il va d’abord dormir quelque part. Tu sais quand doit partir le jet navette, Truc ?

— Réponse inconnue. Je peux seulement communiquer avec les ordinateurs qui se situent dans mon champ d’action. Ici, les ordinateurs ne s’occupent que d’affaires aéroportuaires.

— Il faudra bien qu’il dorme, de toute façon, poursuivit Masklinn. Les humains passent la plus grande partie de la nuit à dormir. Je pense que ce sera sans doute le meilleur moment pour quitter ce sac.

— Et là, on pourra lui parler, fit Gurder.

Les autres le regardèrent fixement.

— Ben, on est là pour ça, non ? demanda l’Abbé. Au départ ? Pour lui demander de sauver la carrière ?

— Mais c’est un humain, bon sang ! s’indigna Angalo. Même toi, tu dois bien avoir compris ça, maintenant ! il ne nous aidera pas ! Pourquoi le ferait-il ? C’est un banal humain dont les ancêtres ont construit un grand magasin ! Pourquoi continues-tu à croire que c’est une espèce de grand gnome céleste ?

— Parce que je n’ai rien d’autre à croire ! cria Gurder. Et si tu ne crois pas en Richard Quadragénaire, qu’est-ce que tu fiches dans son sac ?

— C’est une simple coïncidence…

— Tu réponds toujours ça ! Tu le répètes sans arrêt : une coïncidence !

Le sac bougea, ce qui leur fit perdre l’équilibre et tomber.

— On avance, annonça Masklinn en regardant par le trou, presque ravi de tout ce qui pouvait interrompre la dispute. On traverse la pièce. Il y a plein d’humains, dehors. Des tas !

— Comme toujours, soupira Gurder.

— Il y en a qui brandissent des pancartes avec des noms écrits dessus.

— C’est typique des humains, ajouta Gurder.

Les gnomes avaient l’habitude de voir des humains brandir des panneaux. Dans le Grand Magasin, certains humains portaient en permanence leur nom sur eux. Ils possédaient des noms d’une longueur étonnante : Mme J.E. Williams Chef de Rayon, ou Bonjour Je M’Appelle Tracy. Personne ne savait pourquoi les humains devaient ainsi porter leur nom. Peut-être l’auraient-ils oublié, sinon.

— Hé ! minute, s’exclama Masklinn. Ça ne va pas ! Il y en a un qui porte une pancarte sur laquelle est inscrit « Richard Arnold ». On se dirige vers lui ! On lui parle !

Le grondement grave et étouffé de la voix humaine passa au-dessus des gnomes comme un orage.

Houm voum boum ?

Foum houm zoum boum.

Houm zoum boum foum ?

Boum !

— Tu comprends ce qu’ils disent, Truc ?

— Oui. L’homme qui porte le panneau est venu conduire notre humain à un hôtel. C’est un endroit où les humains dorment et se nourrissent. Tout le reste, c’étaient les choses que les humains se disent d’habitude pour certifier qu’ils sont toujours vivants.

— Comment ça ? demanda Masklinn.

— Ils disent des choses comme : « Comment allez-vous ? » et : « Bonne journée ! » ou : « Alors, qu’est-ce que vous pensez de ce temps ? » Tous ces bruits signifient seulement : je suis bien vivant et toi aussi.

— Oui, mais les gnomes échangent le même genre de propos, Truc. On appelle ça « être poli avec les gens ». Tu devrais essayer, un jour.