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Enfin, je compte sur ma chance, ma force et aussi… sur le sommeil des Belles-Bacchantes que ses exercices nocturnes ont tout de même dû fatiguer…

Je gratouille une alouf et, à sa petite flamme précaire, je me repère. Je me trouve dans un couloir vieillot, avec des lambris de bois, une vieille lanterne japonaise au plaftard et un porte-pardingue en bambou… Au fond, un escadrin… J’ôte mes pompes et jl’ascension… D’après mes calculs, la chambre de mon assassin doit être la dernière à gauche… Pourvu que cette vieille tante n’ait pas fermaga au verrou ! Du coup je serais marron foncé, les mecs ! Une serrure, on s’explique avec elle, mais pour avoir une targette, faut y aller de l’épaule et ça ne passe pas inaperçu.

Je prête l’oreille. Me voici brusquement rassuré : Moustache ronfle comme toute la Compagnie Air-France. J’empoigne le loquet et je le tourne doucement, doucement…

Tenez, je pense à une chose, et je vous la crache au passage : dans mon job, je crois que les minutes les plus émouvantes sont celles où j’ouvre une porte. Une lourde, c’est le plus fort symbole du mystère, d’abord parce qu’au départ elle est conçue pour abriter, pour défendre, pour cacher… Ensuite parce qu’elle s’ouvre progressivement et qu’on n’a pas une vision totale de l’endroit où l’on établit une tête de pont.

Miracle ! Le grand tordu ne s’est pas barricadé dans sa chambrette à l’instar d’une jeune collégienne qui s’enferme avec la photo de Luis Mariano.

Le panneau se déplace doucement. Je le soulève un peu pour l’empêcher de gémir… Enfin l’espace est assez large pour me permettre d’entrer… L’animal en écrase sauvage ! Il a la conscience pure, ce faisandé du bulbe ! Il fait un peu jour maintenant et je distingue la topographie de la pièce. Je vois le pageot… A côté il y a une chaise de paille sur laquelle sont entassées les fringues du dormeur. Il n’est pas coquet et il a foutu ses loques en tas… Je m’accroupis pour le cas où, éveillé brusquement, il donnerait la calbombe, et je m’approche des nippes à Monsieur Valdingue. Pas besoin de les tâter longtemps. J’y déniche vite ce que je cherche, à savoir une arquebuse.

Au toucher, je me rends compte que c’est de la mécanique sérieuse. Et du calibre pour adulte. Mon pouce expert cherche le cran de sûreté, le trouve et l’ôte… Probable qu’il y a du monde dans le magasin, en général on ne conserve pas un engin pareil en fouille pour s’en servir de breloque porte-clés.

Maintenant me voilà rassuré… Il ne me reste plus qu’à réveiller Moustache… Pas duraille. Je finis par repérer le commutateur et je donne le jus.

La lumière, chose curieuse, ne le fait pas sursauter. Il continue de ronfler un moment, puis son moteur s’arrête… Il se tourne dans son lit, incommodé par la clarté de l’ampoule suspendue au-dessus de sa tête.

Enfin, il ouvre les yeux, cille, bâille, les referme, les rouvre… Et puis il m’aperçoit et sa bouche se fait béante comme une entrée de métro.

J’ai la satisfaction de lire la peur sur sa bouille ensommeillée. Et cette trouille monumentale ne lui vient pas du pétard que j’ai dans la main… Non, elle est le fait de ma seule personne.

— Je m’excuse de te réveiller, mon chéri, lui dis-je… Mais le temps me durait de toi, en Enfer… Alors je suis venu te chercher… Viens chez mon pote Satan, tu verras, y a du feu !

Il est pétrifié.

Je rigole devant sa bouille incrédule.

— Tu vois, ma vieille loque, je suis un zouave comme Raspoutine, pour m’avoir il faut pas pleurer l’arsenic ! La prochaine fois, balance-moi de la tour Eiffel, t’auras des chances… Un sixième, j’en ai rien à foutre… Quand j’étais petit, je les sautais déjà à pieds joints, les six étages, alors tu juges ?

Il m’avait déjà paru peu loquace, tout à l’heure, mais maintenant on lui a plombé la menteuse. Tout ce qui sort de la bouche, c’est un mince filet de bave.

Bon, now j’ai joui de sa stupeur, il s’agit de passer à un autre genre d’exercice… Seulement, auparavant (comme disent les Chinois) je dois m’entourer, non seulement d’une ceinture de flanelle, mais aussi de certaines précautions.

Prompto je lève le pétard et je lui file sur le bol un coup magistral du talon de la crosse. Il prend le gnon sur la tempe et son regard devient vasouillard. Par mesure de sécurité, je lui applique un second cataplasme… Il lui pousse une somptueuse aubergine sur le dôme… Il me paraît out pour un temps… Un filet de sang lui dégouline le long de la joue…

Vite je biche un drap et je le déchire dans le sens de la longueur de façon à obtenir une solide lanière. Après ça j’attache les poignets de l’homme après les montants du lit de fer… Il ne tarde pas à être crucifié… J’en fais autant pour ces cannes… Nous voici en mesure de discuter… Afin de l’aider à récupérer, j’empoigne un flacon d’eau de Cologne sur une coiffeuse et je lui en verse sur le bol. Ça dégouline jusque dans les calots et la douleur le ranime.

Il veut remuer, mais ses solides entraves l’en empêchent.

— Te fatigue pas, bonhomme, l’avertis-je… Et d’abord quel est ton nom ?

Il articule :

— Carnigi…

— Tu travailles avec Bucher ?

— Oui…

— Spécialisé dans le nettoiement des gêneurs ?

Il a une moue.

— Non ?

— Dans ça et dans autre chose.

— Tu veux parler du trafic d’armes ?

Il se force à sourire, mais il n’en a pas envie. Je connais fort bien ce genre d’individu. Ça se croit fort, ça écrase tout, mais lorsqu’on leur cause une surprise comme celle que je viens d’offrir à celui-ci, ils deviennent soumis comme des tapineuses bretonnes.

Je pourrais lui demander n’importe quoi, y compris l’heure et la main de sa sœur, il me les accorderait.

— Bucher t’a appelé ce soir en te disant qu’un gars des Services secrets français cherchait à l’embistouiller. Il t’a ordonné de me liquider presto, non ?

— Oui.

— Qu’est-ce que tu fous dans cette maison ?

— Je la garde…

Du coup, j’ai la comprenette qui s’embourbe.

— Comment ça, tu la gardes ?

— C’est l’adresse officielle de Bucher… Seulement il n’y habite jamais…

Compris. C’est un fin renard, l’Amerlock… Il se tient à proximité dans les Palaces des environs, menant la grande vie à l’abri des surprises tandis que son coéquipier assure la permanence…

— Pour nous résumer, lorsque des acheteurs d’Euréka veulent contacter le boss, c’est ici qu’ils s’adressent ?

— Oui.

— En somme, t’es quelque chose dans le genre du réceptionniste ?

— Oui…

Je me frotte les paluchettes. Mes petits trésors, je peux bien vous le dire malgré vos tristes bouilles, j’ai le sentiment d’avoir fait une bonne opération en investissant cette baraque. C’est le nid, la Centrale ! Pour peu que je sache manœuvrer, ça va me payer de beaucoup de mes peines…

— Les types de la Ligue se sont-ils mis en rapport avec vous ?

Il hésite…

— Que je te dise, fais-je en brandissant le pétard, si tu refuses de parler ou si tu me déballes des foutaises, tu auras droit à une purge de plomb !

Pour l’achever, je lui dis :

— C’est moi qui ai rétamé Sion, alors tu vois que je n’ai pas peur des mouches…

Ma parole, il y a de l’admiration dans son regard. Je passe à ses yeux pour une fameuse épée.