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Il s’agenouilla au fond du lit et l’entreprit par des manœuvres propitiatoires auxquelles elle se montra sensible.

Il faisait minette correctement, sans plus. On sentait qu’il ne s’agissait là, pour ce tringleur d’obèse, que d’une mesure d’engagement. Il devait rarement amener sa partenaire à l’orgasme complet par ce moyen raffiné, trop intellectuel pour lui !

Effectivement après une brève tyrolienne silencieuse, il remonta le matelas et se mit en batterie. Dans cette partie des « imposées », il déployait beaucoup de brio ; tout à l’énergie, fougueux et infatigable. Cette charge de cosaque surprit sa conquête qui faillit en perdre l’esprit. Elle eut l’heureuse idée de haleter :

— Je t’en supplie, sois gentleman : je suis en pleine fécondation et je ne porte aucune protection !

Cette exhortation le dérouta car elle ne correspondait guère aux mœurs de l’époque ; mais il pensa qu’il était en Argentine, pays très européanisé, certes, cependant encore plein de lacunes.

Touché par la requête, il promit dans un râle d’éternuer hors circuit. Ce qu’il fit en toute conscience quatre minutes et vingt secondes plus tard, un peu prématurément sans doute, toutefois les râles de la femme lui donnèrent à penser qu’elle avait eu le temps de faire homologuer son panard. Il resta anéanti sur la couche des voluptés, taureau devenu bœuf par la délivrance du plaisir. Alors elle l’enjamba pour rallier la salle d’eau.

Au moment où elle passait par-dessus son partenaire, elle remarqua :

— Eh bien ! dis donc, j’ai bien fait de te prévenir ! Tu es d’une abondance ! Fichtre, quel étalon !

Cette constatation le flatta. C’était effectivement l’une de ses caractéristiques et elle confondait les « pipeuses ».

Le lac aux cygnes ! L’étang de Berre ! Le Léman en réduction !

Vidé et comblé, il se détendit sur le lit. Sa noble queue de séducteur avait une langueur de reptile gavé. Il songea à sa belle compagne qui somnolait sur la plage. Peut-être était-elle déjà réveillée et s’inquiétait-elle de son absence. Elle irait à la relance jusqu’aux cagoinsses, probable. Elle était d’une jalousie torride. Il devrait s’inventer un alibi : les haricots noirs de midi l’avaient « barbouillé » et il était allé jusqu’à la pharmacie acheter des sels d’Eno. Seulement elle demanderait à voir le flacon. Non, il fallait trouver autre chose. Il ne pouvait pas se sauver comme un malpropre, son coup tiré, en plantant sa jolie partenaire en pleines ablutions. Le savoir-vivre le lui interdisait. Lorsqu’elle se serait rafraîchi la tirelire, il devrait lui prodiguer quelques bisous reconnaissants, de la belle pelloche bien roulée. Il était le roi du baiser caméléon ; sa menteuse, longue et preste, « leur » titillait les amygdales de telle sorte que les frangines reprenaient vite envie de remettre le couvert.

Tout en l’attendant, il s’endormit d’un sommeil bestial de mâle assouvi. La chambre était fraîche, la pénombre capiteuse. Il fit un rêve dont il ne devait pas se souvenir clairement par la suite. Il ne lui en resta que des bribes. Il était nu contre une fille lascive, auprès d’une cascade, sur un tapis de mousse. Des oiseaux gazouillaient. Et puis des bûcherons vinrent abattre des arbres géants à grands coups de cognée. Ce furent ces coups qui l’éveillèrent. Il rouvrit les yeux, se rappela où il se trouvait et ce qu’il venait d’y faire. On frappait violemment à la porte de la chambre.

Le bourreau des cœurs sauta du lit et courut à la salle de bains.

— Chérie ! On frappe ! annonça-t-il.

Personne ne lui répondant, il en ouvrit la porte et constata qu’elle était vide. Sa compagne était déjà ressortie et, attendrie sans doute par son sommeil profond, ne l’avait pas réveillé. Il fut touché par sa sollicitude et cette preuve de confiance.

Comme les coups redoublaient dans le couloir, il enfila prestement son maillot de bain gisant sur la moquette et alla ouvrir. Quelque chose le déconcerta confusément, mais comme il était embrumé, il n’eut l’explication que plus tard. Il se trouva en face d’un employé de l’hôtel et d’un policier en uniforme. Le policier lui lança une longue phrase en espagnol qu’il ne comprit pas. Voyant son ignorance, l’employé de l’hôtel la lui traduisit :

— Le señor policier voudrait savoir ce qui s’est passé dans cette chambre.

La cervelle du bellâtre se mit à bouillonner comme un chaudron de confiture. Il imagina dans la foulée mille folles hypothèses : la fille brune avait un mari jaloux qui la faisait surveiller et il était bonnard pour un constat d’adultère. Ou bien…

Comme il restait coi, le flic s’avança dans la pièce d’une démarche péremptoire, alla tirer les rideaux et actionner le bouton électrique commandant la remontée du store. Une vive clarté, impitoyable, fit place à la douillette pénombre.

Penaud, le baiseur déconfit suivait les déplacements du poulet dans la chambre. Cela ressemblait un peu à un viol. L’homme avait un aspect de soudard en pays conquis. L’amant de la pensionnaire frivole déplorait l’absence de celle-ci. Elle aurait pu parler, s’expliquer. Il se sentait abandonné, avec le poids du péché sur les endosses.

Il repensa à sa grosse maîtresse. S’il y avait du zef, elle allait lui passer une sacrée branlée. Adieu les belles vacances dorées, la vie de palace, les monstres tringlées du soir, les siestes polissonnes, les drinks pris au bar de la plage en compagnie d’autres Français rencontrés sur ces rivages lointains. Elle le dérouillerait comme cela était déjà arrivé par le passé. Et elle était costaude, la gueuse ! Une vraie lutteuse de foire qui te vous plaçait des manchettes redoutables !

Le policier venait de regarder le lit défait au centre duquel scintillait la mer Morte dans le soleil inondant la chambre. Cette étendue de semence le laissa perplexe. L’amant d’un jour se dit que le foutre abandonné dans la liesse de l’étreinte devenait redoutable et sinistre, contemplé par un flic.

L’employé qui faisait du zèle, s’était mis à déambuler à son tour. Soudain, comme il venait de contourner le lit, il eut un sursaut et poussa un grand cri de défenestré. Le flic le rejoignit, jeta un coup d’œil sur « la chose » qui tant perturbait l’employé. Mais il ne s’attarda pas et bondit sur l’amoureux transi en dégainant son pistolet. L’arme était bien superflue car le malheureux bonhomme se trouvait sur le point de défaillir. Le policier n’eut pas le moindre mal à lui passer les menottes ; ensuite, il le propulsa d’une bourrade en direction de la zone « critique ».

Alors le sabreur « abondant » vit. Il fut assommé par la stupeur et l’incompréhension. Il se demanda s’il avait déjà connu une scène de ce genre au cinéma, dans l’un de ces films « B » dont il était friand. La fille brune qu’il venait de baiser quelques instants plus tôt gisait sur la droite du lit, le corps lardé de coups de couteau. Le meurtrier avait abandonné l’arme dans la gorge de la victime, et son amant crut la reconnaître. C’était un des couteaux du restaurant qu’on proposait aux clients qui se délectaient de la merveilleuse viande du pays. Un couteau au manche de bois sombre, virole de cuivre, lame triangulaire. Le malheureux avait utilisé le même au repas de midi.

Le policier s’approcha du téléphone et composa un numéro. Lorsqu’il l’eut obtenu, il se mit à parler à toute allure pendant que l’employé de l’hôtel allait dégueuler dans les gogues.

SUITE

Tu voyes, dit Béru à Pinaud, c’t’une bagnole commak dont il t’ faudrait. Quand t’est-ce t’embugnes un gus, c’est sa tire qu’est plein d’bosses, toi tu continues ta route en père turbable.

Il désigne un stand où sont présentés en forme de trèfle trois monstres américains, hauts sur pattes et bardés de pare-chocs dits anti-buffles.