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Et tous les chers amours dont nous sommes les tombes,

Et toutes les clartés dont nous sommes les nuits?

Vers ce grand ciel clément où sont tous les dictames,

Les aimés, les absents, les êtres purs et doux,

Les baisers des esprits et les regards des âmes,

Quand nous en irons-nous? quand nous en irons-nous?

Quand nous en irons-nous où sont l’aube et la foudre?

Quand verrons-nous, déjà libres, hommes encor,

Notre chair ténébreuse en rayons se dissoudre,

Et nos pieds faits de nuit éclore en ailes d’or?

Quand nous enfuirons-nous dans la joie infinie

Où les hymnes vivants sont des anges voilés,

Où l’on voit, à travers l’azur de l’harmonie,

La strophe bleue errer sur les luths étoilés?

Quand viendrez-vous chercher notre humble cœur qui sombre?

Quand nous reprendrez-vous à ce monde charnel,

Pour nous bercer ensemble aux profondeurs de l’ombre,

Sous l’éblouissement du regard éternel?

Décembre 1846.

IX. À la fenêtre pendant la nuit

I

Les étoiles, points d’or, percent les branches noires;

Le flot huileux et lourd décompose ses moires

Sur l’océan blêmi;

Les nuages ont l’air d’oiseaux prenant la fuite;

Par moments le vent parle, et dit des mots sans suite,

Comme un homme endormi.

Tout s’en va. La nature est l’urne mal fermée.

La tempête est écume et la flamme est fumée.

Rien n’est hors du moment,

L’homme n’a rien qu’il prenne, et qu’il tienne, et qu’il garde.

Il tombe heure par heure, et, ruine, il regarde

Le monde, écroulement.

L’astre est-il le point fixe en ce mouvant problème?

Ce ciel que nous voyons fut-il toujours le même?

Le sera-t-il toujours?

L’homme a-t-il sur son front des clartés éternelles?

Et verra-t-il toujours les mêmes sentinelles

Monter aux mêmes tours?

II

Nuits, serez-vous pour nous toujours ce que vous êtes?

Pour toute vision, aurons-nous sur nos têtes

Toujours les mêmes cieux?

Dis, larve Aldebaran, réponds, spectre Saturne,

Ne verrons-nous jamais sur le masque nocturne

S’ouvrir de nouveaux yeux?

Ne verrons-nous jamais briller de nouveaux astres?

Et des cintres nouveaux, et de nouveaux pilastres

Luire à notre œil mortel,

Dans cette cathédrale aux formidables porches

Dont le septentrion éclaire avec sept torches,

L’effrayant maître-autel?

A-t-il cessé, le vent qui fit naître ces roses,

Sirius, Orion, toi, Vénus, qui reposes

Notre œil dans le péril?

Ne verrons-nous jamais sous ces grandes haleines

D’autres fleurs de lumière éclore dans les plaines

De l’éternel avril?

Savons-nous où le monde en est de son mystère?

Qui nous dit, à nous, joncs du marais, vers de terre

Dont la bave reluit,

À nous qui n’avons pas nous-mêmes notre preuve,

Que Dieu ne va pas mettre une tiare neuve

Sur le front de la nuit?

III

Dieu n’a-t-il plus de flamme à ses lèvres profondes?

N’en fait-il plus jaillir des tourbillons de mondes?

Parlez, Nord et Midi!

N’emplit-il plus de lui sa création sainte?

Et ne souffle-t-il plus que d’une bouche éteinte

Sur l’être refroidi?

Quand les comètes vont et viennent, formidables,

Apportant la lueur des gouffres insondables

À nos fronts soucieux,

Brûlant, volant, peut-être âmes, peut-être mondes,

Savons-nous ce que font toutes ces vagabondes

Qui courent dans nos cieux?

Qui donc a vu la source et connaît l’origine?

Qui donc, ayant sondé l’abîme, s’imagine

En être mage et roi?

Ah! fantômes humains, courbés sous les désastres!

Qui donc a dit: – C’est bien, Éternel. Assez d’astres.

N’en fais plus. Calme-toi! -

L’effet séditieux limiterait la cause?

Quelle bouche ici-bas peut dire à quelque chose:

Tu n’iras pas plus loin?

Sous l’élargissement sans fin, la borne plie;