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Il ébrèche la hache et la hache l’entaille;

Ils se disent tout bas l’un à l’autre: Assassin!

Et la hache maudit les hommes, sombre essaim,

Quand, le soir, sur le dos du bourreau, son ministre,

Elle revient dans l’ombre, et luit, miroir sinistre,

Ruisselante de sang et reflétant les cieux;

Et, la nuit, dans l’étal morne et silencieux,

Le cadavre au cou rouge, effrayant, glacé, blême,

Seul, sait ce que lui dit le billot, tronc lui-même.

Oh! que la terre est froide et que les rocs sont durs!

Quelle muette horreur dans les halliers obscurs!

Les pleurs noirs de la nuit sur la colombe blanche

Tombent; le vent met nue et torture la branche;

Quel monologue affreux dans l’arbre aux rameaux verts!

Quel frisson dans l’herbe! Oh! quels yeux fixes ouverts

Dans les cailloux profonds, oubliettes des âmes!

C’est une âme que l’eau scie en ses froides lames;

C’est une âme que fait ruisseler le pressoir.

Ténèbres! l’univers est hagard. Chaque soir,

Le noir horizon monte et la nuit noire tombe;

Tous deux, à l’occident, d’un mouvement de tombe,

Ils vont se rapprochant, et, dans le firmament,

Ô terreur! sur le jour, écrasé lentement,

La tenaille de l’ombre effroyable se ferme.

Oh! les berceaux font peur. Un bagne est dans un germe.

Ayez pitié, vous tous et qui que vous soyez!

Les hideux châtiments, l’un sur l’autre broyés,

Roulent, submergeant tout, excepté les mémoires.

Parfois on voit passer dans ces profondeurs noires

Comme un rayon lointain de l’éternel amour;

Alors, l’hyène Atrée et le chacal Timour,

Et l’épine Caïphe et le roseau Pilate,

Le volcan Alaric à la gueule écarlate,

L’ours Henri Huit, pour qui Morus en vain pria,

Le sanglier Selim et le porc Borgia,

Poussent des cris vers Être adorable; et les bêtes

Qui portèrent jadis des mitres sur leurs têtes,

Les grains de sable rois, les brins d’herbe empereurs,

Tous les hideux orgueils et toutes les fureurs,

Se brisent; la douceur saisit le plus farouche;

Le chat lèche l’oiseau, l’oiseau baise la mouche;

Le vautour dit dans l’ombre au passereau: Pardon!

Une caresse sort du houx et du chardon;

Tous les rugissements se fondent en prières;

On entend s’accuser de leurs forfaits les pierres;

Tous ces sombres cachots qu’on appelle les fleurs

Tressaillent; le rocher se met à fondre en pleurs;

Des bras se lèvent hors de la tombe dormante;

Le vent gémit, la nuit se plaint, l’eau se lamente,

Et, sous l’œil attendri qui regarde d’en haut,

Tout l’abîme n’est plus qu’un immense sanglot.

*

Espérez! espérez! espérez, misérables!

Pas de deuil infini, pas de maux incurables,

Pas d’enfer éternel!

Les douleurs vont à Dieu, comme la flèche aux cibles;

Les bonnes actions sont les gonds invisibles

De la porte du ciel.

Le deuil est la vertu, le remords est le pôle

Des monstres garrottés dont le gouffre est la geôle;

Quand, devant Jéhovah,

Un vivant reste pur dans les ombres charnelles,

La mort, ange attendri, rapporte ses deux ailes

À l’homme qui s’en va.

Les enfers se refont édens; c’est là leur tâche.

Tout globe est un oiseau que le mal tient et lâche.

Vivants, je vous le dis,

Les vertus, parmi vous, font ce labeur auguste

D’augmenter sur vos fronts le ciel; quiconque est juste

Travaille au paradis.

L’heure approche. Espérez. Rallumez l’âme éteinte!

Aimez-vous! aimez-vous! car c’est la chaleur sainte,

C’est le feu du vrai jour.

Le sombre univers, froid, glacé, pesant, réclame

La sublimation de l’être par la flamme,

De l’homme par l’amour!

Déjà, dans l’océan d’ombre que Dieu domine,

L’archipel ténébreux des bagnes s’illumine;

Dieu, c’est le grand aimant;

Et les globes, ouvrant leur sinistre prunelle,

Vers les immensités de l’aurore éternelle

Se tournent lentement!

Oh! comme vont chanter toutes les harmonies,

Comme rayonneront dans les sphères bénies

Les faces de clarté,

Comme les firmaments se fondront en délires,

Comme tressailleront toutes les grandes lyres

De la sérénité,