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Il le regarde, il le contemple;

Vision que rien n’interrompt!

Il devient tombe, il devient temple,

Le mystère flambe à son front.

Œil serein dans l’ombre ondoyante,

Il a conquis, il a compris,

Il aime; il est l’âme voyante

Parmi nos ténébreux esprits.

Il marche, heureux et plein d’aurore,

De plain-pied avec l’élément;

Il croit, il accepte. Il ignore

Le doute, notre escarpement;

Le doute, qu’entourent les vides,

Bord que nul ne peut enjamber,

Où nous nous arrêtons stupides,

Disant: Avancer, c’est tomber!

Le doute, roche où nos pensées

Errent loin du pré qui fleurit,

Où vont et viennent, dispersées,

Toutes ces chèvres de l’esprit!

Quand Hobbes dit: «Quelle est la base?»

Quand Locke dit: «Quelle est la loi?»

Que font à sa splendide extase

Ces dialogues de l’effroi?

Qu’importe à cet anachorète

De la caverne Vérité,

L’homme qui dans l’homme s’arrête,

La nuit qui croit à sa clarté?

Que lui fait la philosophie,

Calcul, algèbre, orgueil puni,

Que sur les cimes pétrifie

L’effarement de l’infini!

Lueurs que couvre la fumée!

Sciences disant: Que sait-on?

Qui, de l’aveugle Ptolémée,

Montent au myope Newton!

Que lui font les choses bornées,

Grands, petits, couronnes, carcans?

L’ombre qui sort des cheminées

Vaut l’ombre qui sort des volcans.

Que lui font la larve et la cendre,

Et, dans les tourbillons mouvants,

Toutes les formes que peut prendre

L’obscur nuage des vivants?

Que lui fait l’assurance triste

Des créatures dans leurs nuits?

La terre s’écriant: J’existe!

Le soleil répliquant: Je suis!

Quand le spectre, dans le mystère,

S’affirme à l’apparition,

Qu’importe à cet œil solitaire

Qui s’éblouit du seul rayon?

Que lui fait l’astre, autel et prêtre

De sa propre religion,

Qui dit: Rien hors de moi! – quand l’être

Se nomme Gouffre et Légion!

Que lui font, sur son sacré faîte,

Les démentis audacieux

Que donne aux soleils la comète,

Cette hérésiarque des cieux?

Que lui fait le temps, cette brume?

L’espace, cette illusion?

Que lui fait l’éternelle écume

De l’océan Création?

Il boit, hors de l’inabordable,

Du surhumain, du sidéral,

Les délices du formidable,

L’âpre ivresse de l’idéal;

Son être, dont rien ne surnage,

S’engloutit dans le gouffre bleu;

Il fait ce sublime naufrage;

Et, murmurant sans cesse: – Dieu, -

Parmi les feuillages farouches,

Il songe, l’âme et l’œil là-haut,

À l’imbécillité des bouches

Qui prononcent un autre mot!

*

Il le voit, ce soleil unique,

Fécondant, travaillant, créant,

Par le rayon qu’il communique

Égalant l’atome au géant,

Semant de feux, de souffles, d’ondes,

Les tourbillons d’obscurité,

Emplissant d’étincelles mondes

L’épouvantable immensité;

Remuant, dans l’ombre et les brumes,

De sombres forces dans les cieux

Qui font comme des bruits d’enclumes

Sous des marteaux mystérieux,

Doux pour le nid du rouge-gorge,

Terrible aux satans qu’il détruit;

Et, comme aux lueurs d’une forge,

Un mur s’éclaire dans la nuit,

On distingue en l’ombre où nous sommes,

On reconnaît dans ce bas lieu,

À sa clarté parmi les hommes,

L’âme qui réverbère Dieu!

Et ce pâtre devient auguste;

Jusqu’à l’auréole monté,

Étant le sage, il est le juste;

Ô ma fille, cette clarté