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Tous les jours d’ici-bas ont des aubes funèbres;

Malheur à ceux qui font le mal dans les ténèbres

En disant: Qui nous voit?

Tous tombent; l’un au bout d’une course insensée,

L’autre à son premier pas; l’homme sur sa pensée,

La mère sur son nid;

Et le porteur de sceptre et le joueur de flûte

S’en vont; et rien ne dure; et le père qui lutte

Suit l’aïeul qui bénit.

Les races vont au but qu’ici-bas tout révèle.

Quand l’ancienne commence à pâlir, la nouvelle

A déjà le même air;

Dans l’éternité, gouffre où se vide la tombe,

L’homme coule sans fin, sombre fleuve qui tombe

Dans une sombre mer.

Tout escalier, que l’ombre ou la splendeur le couvre,

Descend au tombeau calme, et toute porte s’ouvre

Sur le dernier moment;

Votre sépulcre emplit la maison où vous êtes;

Et tout plafond, croisant ses poutres sur nos têtes,

Est fait d’écroulement.

Veillez, veillez! Songez à ceux que vous perdîtes;

Parlez moins haut, prenez garde à ce que vous dites,

Contemplez à genoux;

L’aigle trépas du bout de l’aile nous effleure;

Et toute notre vie, en fuite heure par heure,

S’en va derrière nous.

Ô coups soudains! départs vertigineux! mystère!

Combien qui ne croyaient parler que pour la terre,

Front haut, cœur fier, bras fort,

Tout à coup, comme un mur subitement s’écroule,

Au milieu d’une phrase adressée à la foule,

Sont entrés dans la mort,

Et, sous l’immensité qui n’est qu’un œil sublime,

Ont pâli, stupéfaits de voir, dans cet abîme

D’astres et de ciel bleu,

Où le masqué se montre, où l’inconnu se nomme,

Que le mot qu’ils avaient commencé devant l’homme

S’achevait devant Dieu!

Un spectre au seuil de tout tient le doigt sur sa bouche.

Les morts partent. La nuit de sa verge les touche.

Ils vont, l’antre est profond,

Nus, et se dissipant, et l’on ne voit rien luire.

Où donc sont-ils allés? On n’a rien à vous dire.

Ceux qui s’en vont, s’en vont.

Sur quoi donc marchent-ils? sur l’énigme, sur l’ombre,

Sur l’être. Ils font un pas: comme la nef qui sombre,

Leur blancheur disparaît;

Et l’on n’entend plus rien dans l’ombre inaccessible,

Que le bruit sourd que fait dans le gouffre invisible

L’invisible forêt.

L’infini, route noire et de brume remplie,

Et qui joint l’âme à Dieu, monte, fuit, multiplie

Ses cintres tortueux,

Et s’efface… – et l’horreur effare nos pupilles

Quand nous entrevoyons les arches et les piles

De ce pont monstrueux.

Ô sort! obscurité! nuée! on rêve, on souffre.

Les êtres, dispersés à tous les vents du gouffre,

Ne savent ce qu’ils font.

Les vivants sont hagards. Les morts sont dans leurs couches.

Pendant que nous songeons, des pleurs, gouttes farouches,

Tombent du noir plafond.

XIV

On brave l’immuable; et l’un se réfugie

Dans l’assoupissement, et l’autre dans l’orgie.

Cet autre va criant:

– À bas vertu, devoir et foi! l’homme est un ventre! -

Dans ce lugubre esprit, comme un tigre en son antre,

Habite le néant.

Écoutez: – Jouir est tout. L’heure est rapide.

Le sacrifice est fou, le martyre est stupide;

Vivre est l’essentiel.

L’immensité ricane et la tombe grimace.

La vie est un caillou que le sage ramasse

Pour lapider le ciel. -

Il souffle, forçat noir, sa vermine sur l’ange.

Il est content, il est hideux; il boit, il mange;

Il rit, la lèvre en feu,

Tous les rires que peut inventer la démence;

Il dit tout ce que peut dire en sa haine immense

Le ver de terre à Dieu.

Il dit: Non! à celui sous qui tremble le pôle.

Soudain l’ange muet met la main sur l’épaule

Du railleur effronté;

La mort derrière lui surgit pendant qu’il chante;

Dieu remplit tout à coup cette bouche crachante

Avec l’éternité.

XV

Qu’est-ce que tu feras de tant d’herbes fauchées,