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Je droppe jusqu’à la porte, lui couper la retraite. De là, j’écrie :

— Rends-toi, tout est bloqué !

Alors, une voix déclare, avec un accent étranger pas imité :

— J’ai la valise, ne bronchez pas ! Si vous ne vous conformez pas à mes instructions, je fracasse l’un des flacons, pigez ?

Les Ricains demandent de quoi ça cause. Lurette qui parle l’anglais leur traduit. Les mecs poussent des bramantes sauvages, comme quoi, aohooo, no ! surtout pas ça !

Un qui se poile intérieurement, c’est le fils aîné et unique de Félicie, ma brave femme de mère. Les bocaux, il peut en faire du verre pilé, Dudule ! Ce ne sont pas les vrais. Tout de même, je décide de jouer le jeu, à cause des Ricains. Tout ça se goupille pas mal. Il faut qu’ils récupèrent leur enfoirée de valise, ensuite, s’il n’y a plus les bons flacons dedans, ils estimeront que ce sont nos voleurs qui les auront changés et on sera bonnards pour garder le gaz mortel, nous autres, Français, tatatata ta ta ta tèèèère, tati tata ta ta nana ! Marseillaise ! Tricolore ! Flamme sacrée ! Poil au nez !

Je quitte la porte pour rabattre en direction du bureau, mais avant d’y parvenir, je m’enquille sous une magnifique table Henri II et j’attends.

— Montrez-vous, tous ! glapit l’homme caché.

Je lance un geste véhément à ceux qui peuvent me voir, c’est-à-dire : Lurette, Pinuche, les trois Ricains.

Ils obtempèrent et se pointent, bras en « V ».

J’espère que le coquin vilain n’a pas eu le temps de nous dénombrer, tant si tellement fut prompte notre invasion.

— Et le gros type ! il hurle. Il manque le gros type ! Qu’il se montre, ce sac à merde, et vite !

Sa Majesté outragée marque un long temps d’hésitance, puis refait surface. Lui, les pattounes en l’air, c’est pas si tellement son genre. Aussi m’étonné-je de l’apercevoir, depuis ma cache, docile comme un mouton castré.

— Bon, d’accord, lance le vilain.

Il se lève enfin. Il est à deux pas de la porte. C’est un mec très brun, la peau couleur brou de noix, un regard si intense et noir que tu croirais deux jets de goudron en fusion. Il tient effectivement la valise de la main gauche, de la droite, il braque un pistolet mitrailleur dans notre direction.

Bon, alors faut que je me concentre pour te bonnir la suite, car ça va très très vite. Il se passe beaucoup de choses importantes en très très peu de temps. Essayons de décomposer. Je vais donc tenter de te trousser une jolie décomposition française avec une introduction, un développement et une conclusion.

Primo, Béru, tu sais quoi ? Avant de se montrer, il a enquillé son pétard derrière sa tête, coincé entre le cou et la limouille. Il fait juste mine de fatiguer un chouia du bras droit pour le faire fléchir à bonne hauteur, le cramponne par la crosse et à toute vibure praline le rascal.

C’est compter sans le super-entraînement qu’a reçu ledit. Un frémissement, il est en alerte. Béru n’a pas plutôt achevé son geste qu’il balance la purée dans sa direction. Seulement je n’ai pas non plus les réflexes usés, aussi l’ajusté-je.

Tu veux savoir le résultat de cette triple pétarade ? Attends, j’ai pas fini, on fera le bilan plus tard, à tête reposée. Magine-toi qu’au moment où je presse la détente de mon feu, quelqu’un entre en courant dans l’entrepôt : une femme. Son intrusion inopinée me désajuste le tir et tout ce que je réussis à fiche, c’est de disloquer un gros bocal ancien pour vitrine de pharmacie.

Le mec a été touché par Béru, au cou, car il est tout rouge dans cette région. Mais cette blessure ne l’empêche pas de choper l’arrivante par le colbak et de la placer devant lui, en guise de bouclier. Je reconnais alors Marie-Anne Dubois, la gerce à feu Prince. Ce qu’elle vient branler dans cette galère, je le lui demanderai plus tard, si d’aventure nous sortons de cette foutue impasse, elle et moi.

L’homme basané se met à gueuler comme un enfant de putois :

— Si vous tentez encore de m’avoir, je flingue cette connasse, vu ?

Bon, là, on peut pas lui objecter grand-chose. Alors il sort à reculons, tenant toujours la fille devant lui. Avant de partir, il lance :

— N’essayez pas de me courser, sinon il y aura du grabuge !

On le voit reculer vers la cour.

Les Ricains se précipitent. Pour ma part, je me préoccupe du Gros. Il gît à la renverse dans sa travée, respirant avec peine.

— Béruuuuuu ! m’écrié-je, affolé.

Il me rassure de la main.

— Tout au cœur, tu parles d’un flingueur ! Buffle-à-l’eau-bille ! L’choc m’a culbuté, Dieu d’ Dieu ! Reus’ment qu’Berthy m’a offerte c’délicat objet pour mon anni !

Il retire de sa poche intérieure un flacon d’argent, plat, destiné à contenir quelque remontant, mais qui, plus jamais ne pourra remplir sa mission, ayant écopé de quatre balles groupées.

Bon, et maintenant ?

— Eh bien, maintenant, ça chauffe dans la cour.

CHAPITRE XXIX

LA GRANDE FIESTA

Achille Parmentier se demande s’il est vraiment foutu. Une paralysie doucereuse le gomme par le bas. Il a l’impression que son corps plonge dans un bain d’acide et s’y dissout progressivement. Ce que sont ses blessures ne l’intéresse pas. Il est tendu vers une idée fixe. Alors, il se met à ramper, prenant appui sur les coudes ; mais il a de la peine à charrier son hémisphère Sud. Il est si faible, à la fois glacé et brûlant. Glacé du bas, brûlant du haut. Tête en feu, bouillonnante, le sang fait comme la lave d’un volcan sur le point de gerber. Mais Parmentier veut réussir. Il le faut. Une dernière satisfaction à s’offrir.

Il a vaguement perçu des coups de feu, en provenance de son entrepôt. Qui fait la guerre à qui ? Il s’en fout. Y a probablement des poulets dans l’histoire ; ou alors des bandes rivales, ou bien… Et merde ! Il n’importe. Lui, il a une bonne blague à faire avant de crever. Un baiser d’adieu à adresser à la foule. Toute sa vie, il s’est fait chier, Achille Parmentier. Un insatisfait congénital. Il a mené des études brillantes, mais qui n’ont débouché sur rien de très positif. A cause d’une femme qu’il adorait et qui, la salope… Air connu ! Tout le monde, peu ou prou. Chagrin d’amour ne dure qu’un moment… Tu parles ! Après le chagrin reste… le reste !

Bon, il faut qu’il contourne le fauteuil afin d’atteindre l’autre côté de son bureau. Chaque centimètre le mine. Il n’en peut plus, faut y arriver pourtant.

Après, O.K., il dira bonsoir. Monsieur Loyal. Boubouroche. Il a tutoyé le crime comme on entre aux beaux-arts, sans être particulièrement doué, en espérant que la fonction créera l’organe. Allez, Chilou : du cran ! La mort peut bien attendre un peu.

* * *

Stevena voit déboucher trois cow-boys, armes en main. Leurs gueules ressemblent à celles des héros galaxiques des bandes dessinées : géométriques, tout en ombres. Déterminés au-delà du possible. Il ne leur échappera pas. Ils ne défouraillent pas biscotte la fille, ou plutôt non : à cause de la valise. Ils craignent que ça se casse à l’intérieur.

Il ne va pas pouvoir goupiller son départ dans des conditions valables. D’autant que les coups de flingue rameutent les passants. Ça fait cercle alentour. La décarrade va pas être de la nougatine. Les trois grands méchants l’incommodent. Des Ricains, c’est signé. Tu peux pas trimbaler des frimes pareilles sans être made in U.S.A., impossible.