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— Yunkaï est plus proche que Meereen, objecta Hugues Sylvegué. Et s’ils ne veulent pas changer de direction, messire ?

— C’est pour ça que vous portez des piques et des épées, Hugues. Mais les arcs seraient peut-être d’un meilleur usage. Tenez-vous bien à distance de ceux qui manifestent les symptômes de la caquesangue. J’envoie la moitié de nos forces dans les collines. Cinquante patrouilles, de vingt cavaliers chacune. Barbesang a les mêmes ordres, si bien que les Chats seront sur le terrain, eux aussi. »

Les hommes échangèrent des coups d’œil, et quelques-uns grommelèrent dans leur barbe. Si la compagnie des Erre-au-Vent et celle du Chat étaient toutes deux sous contrat avec Yunkaï, un an plus tôt dans les Terres Disputées, ils s’étaient retrouvés sur les lignes de bataille dans des camps opposés, et le ressentiment persistait. Barbesang, le féroce commandant des Chats, était un géant tonitruant avec un farouche appétit de massacre qui ne faisait pas mystère de son dédain pour « les vieux barbons en chiffons ».

Dick Chaume s’éclaircit la gorge. « J’ vous demande pardon, mais on est tous natifs des Sept Couronnes, ici. Zaviez encore jamais cassé la Compagnie par origine, messire. Pourquoi nous envoyer d’un seul paquet ?

— La question mérite réponse. Vous devrez chevaucher vers l’est, pénétrer dans les collines, puis contourner Yunkaï à bonne distance et vous diriger vers Meereen. Si vous deviez croiser des Astaporis, repoussez-les vers le nord ou tuez-les… mais sachez que tel n’est pas le but de votre mission. Au-delà de la Cité Jaune, vous avez des chances de rencontrer les patrouilles de la reine dragon. Des Puînés ou des Corbeaux Tornade. Les uns ou les autres feront l’affaire. Rejoignez-les.

— Les rejoindre ? s’exclama le chevalier bâtard, ser Orson Roche. Vous voudriez nous faire tourner casaque ?

— Oui », répondit le Prince en Guenilles.

Quentyn Martell faillit éclater de rire. Les dieux sont fous.

Les Ouestriens s’agitèrent, mal à l’aise. Certains fixaient leur coupe de vin, comme dans l’espoir d’y trouver quelque sagesse. Hugues Sylvegué fit grise mine. « Vous pensez que la reine Daenerys nous accueillera…

— En effet.

— Mais en ce cas, qu’adviendra-t-il ? Sommes-nous des espions ? Des émissaires ? Songez-vous à changer d’allégeance ? »

Caggo se renfrogna. « C’est au prince de décider, Sylvegué. Votre rôle est d’exécuter les ordres.

— Toujours. » Sylvegué leva sa main à deux doigts.

« Parlons franc, intervint Denzo D’han, le barde guerrier. Les Yunkaïis ne m’inspirent aucune confiance. Quelle que soit l’issue de cette guerre, les Erre-au-Vent se doivent de partager le butin de la victoire. Notre prince est sage de nous garder toutes les issues ouvertes.

— Meris vous commandera, ajouta le Prince en Guenilles. Elle connaît mon avis sur ce chapitre… et peut-être Daenerys Targaryen acceptera-t-elle plus aisément une autre femme. »

Quentyn jeta un coup d’œil par-dessus son épaule à la Belle Meris. Quand le regard froid et mort de la femme croisa le sien, il se sentit frissonner. Ça ne me plaît pas.

Dick Chaume avait encore des doutes, lui aussi. « La fille serait sotte de nous faire confiance. Même avec Meris. Surtout avec Meris. Enfer, je lui fais pas confiance, moi, et je l’ai baisée plusieurs fois. » Il grimaça un sourire, mais personne ne rit. Surtout pas la Belle Meris.

« Vous avez tort, je crois, Dick, lui répondit le Prince en Guenilles. Vous êtes tous ouestriens. Des amis de chez elle. Vous parlez la même langue qu’elle, adorez les mêmes dieux. Quant à vos motivations, vous avez tous subi des vexations de ma part. Dick, je t’ai fouetté plus que n’importe quel homme de la Compagnie, et tu as ton dos pour preuve. Ma discipline a fait perdre trois doigts à Hugues. Meris a été violée par la moitié de la Compagnie. Pas celle-ci, bien entendu, mais inutile d’entrer dans les détails. Will des Forêts, ma foi, tu es de la racaille. Ser Orson me blâme d’avoir envoyé son frère aux Chagrins, et ser Lucifer bout encore de rage à propos de l’esclave que Caggo lui a prise.

— Il aurait pu la restituer après en avoir profité, protesta Lucifer Long. Il n’avait aucune raison de la tuer.

— Elle était laide, déclara Caggo. C’est assez de raison. »

Le Prince en Guenilles poursuivit comme si personne n’avait rien dit. « Tyssier, tu conserves des revendications sur des terres perdues, à Westeros. Lanster, j’ai tué ce garçon qui te plaisait tant. Vous, les trois Dorniens, vous pensez que nous vous avons menti. Le butin d’Astapor était bien moindre qu’on vous l’avait promis à Volantis, et j’en ai prélevé la part du lion.

— Cette dernière partie est vraie, commenta ser Orson.

— Les meilleures ruses renferment toujours un germe de vérité, répondit le Prince en Guenilles. Chacun d’entre vous a d’amples raisons de vouloir m’abandonner. Et Daenerys Targaryen le sait, les épées-louées sont une race volage. Ses propres Puînés et les Corbeaux Tornade ont pris l’or yunkaïi, mais n’ont pas hésité à la rejoindre quand le flot de la bataille a commencé à s’orienter vers elle.

— Quand devons-nous partir ? demanda Lewis Lanster.

— Sur-le-champ. Méfiez-vous des Chats et des Longues Lances que vous pourriez croiser. Nul ne saura que votre défection est une ruse, hormis ceux d’entre nous sous cette tente. Retournez trop tôt vos jetons et on vous mutilera comme déserteurs ou on vous éventrera comme tourne-casaque. »

Les trois Dorniens quittèrent en silence la tente de commandement. Vingt cavaliers, parlant tous la Langue Commune, songea Quentyn. Chuchoter vient tout juste de devenir une activité nettement plus dangereuse.

Le mastodonte vint lui flanquer une claque vigoureuse dans le dos. « Eh bien. Voilà qui est bon, Guernouille. Une chasse au dragon. »

L’épouse rebelle

Asha Greyjoy siégeait dans la grande salle de Galbart Glover, à boire le vin de Galbart Glover, quand le mestre de Galbart Glover vint lui apporter la lettre.

« Madame. » Le mestre parlait d’une voix inquiète, comme toujours lorsqu’il s’adressait à elle. « Un oiseau venu de Tertre-bourg. » Il lui tendit vivement le parchemin, comme s’il avait hâte de s’en débarrasser. L’objet, roulé serré, était scellé par un bouton dur de cire rose.

Tertre-bourg. Asha essaya de se remémorer qui régnait à Tertre-bourg. Un seigneur nordien, personne qui soit mon ami. Et ce sceau… Les Bolton de Fort-Terreur marchaient à la bataille sous des bannières roses éclaboussées de gouttelettes de sang. Il semblait logique qu’ils employassent également de la cire à cacheter rose.

C’est du poison que j’ai en main, se dit-elle. Je devrais le jeter au feu. Mais elle rompit le sceau. Un bout de cuir voleta pour tomber dans son giron. Quand elle lut le texte brun et sec, sa méchante humeur s’assombrit encore. Noires ailes, noires nouvelles. Jamais les corbeaux n’apportaient d’heureuses informations. Le dernier message expédié à Motte-la-Forêt était venu de Stannis Baratheon, pour exiger hommage. Celui-ci était pire. « Les Nordiens ont pris Moat Cailin.