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— Le Bâtard de Bolton ? s’enquit Qarl, près d’elle.

— Ramsay Bolton, sire de Winterfell, signe-t-il. Mais il y a d’autres noms, également. » Lady Dustin, lady Cerwyn et quatre Ryswell avaient ajouté leur propre paraphe au sien. Auprès d’eux était figuré un géant grossier, la marque d’un Omble.

Ceux-ci étaient tracés avec de l’encre de mestre, un mélange de suie et de coaltar, mais le texte au-dessus était rédigé en brun d’une ample écriture toute en piques. Elle décrivait la chute de Moat Cailin, le retour triomphal du gouverneur du Nord en ses domaines, et un mariage à conclure promptement. Les premiers mots annonçaient : « J’écris cette lettre avec du sang de Fer-nés », les derniers : « J’adresse à chacun de vous un morceau de prince. Attardez-vous sur mes terres et vous partagerez son sort. »

Asha avait cru son petit frère mort. Plutôt mort que ceci. Le fragment de peau lui avait chu sur ses genoux. Elle le porta à la bougie et regarda la fumée s’entortiller jusqu’à ce qu’il eût été consumé et que la flamme lui léchât les doigts.

Le mestre de Galbart Glover attendait près de son coude, avec des flottements d’inquiétude. « Il n’y aura pas de réponse, l’informa-t-elle.

— Puis-je partager ces nouvelles avec lady Sybelle ?

— Si vous y tenez. » Dire si Sybelle Glover puiserait grande joie dans la chute de Moat Cailin, Asha ne l’aurait su. Lady Sybelle vivait pratiquement dans son bois sacré, priant pour le retour, sains et saufs, de ses enfants et de son époux. Encore une prière qui risque de ne pas se voir exaucée. Son arbre-cœur est aussi sourd et aveugle que notre dieu Noyé. Robett Glover et son frère Galbart avaient chevauché vers le sud en compagnie du Jeune Loup. Si les contes qu’on leur avait faits des Noces Pourpres avaient seulement pour moitié de vérité, ils avaient peu de chances de retourner dans le Nord. Ses enfants sont vivants, au moins, et cela, elle me le doit. Asha les avait laissés à Dix-Tours aux bons soins de ses tantes. La plus petite de lady Sybelle tétait encore, et elle avait jugé la fillette trop fragile pour l’exposer aux rigueurs d’une nouvelle traversée dans la tempête. Asha fourra la lettre entre les mains du mestre. « Tenez. Qu’elle y trouve réconfort, si elle le peut. Vous avez ma permission de vous retirer. »

Le mestre inclina la tête et s’en fut. Après son départ, Tris Botley se tourna vers Asha. « Si Moat Cailin est tombée, Quart-Torrhen ne saurait tarder. Puis ce sera notre tour.

— Pas avant un moment. Le Gueule-en-Deux leur fera pisser le sang. » Quart-Torrhen n’était pas une ruine à l’instar de Moat Cailin, et Dagmer avait du fer jusque dans l’os. Il mourrait avant que de se rendre.

Si mon père vivait encore, Moat Cailin ne serait jamais tombée. Balon Greyjoy savait que Moat était la clé pour tenir le Nord. Euron le savait aussi ; simplement, il s’en moquait. Pas plus qu’il n’avait cure du sort de Motte-la-Forêt ou de Quart-Torrhen. « Euron se fout des conquêtes de Balon. Mon oncle s’en va chasser le dragon. » L’Œil-de-Choucas avait convoqué à Vieux Wyk toute la puissance des îles de Fer et pris le large vers les profondeurs des Mers du Crépuscule, son frère Victarion sur ses talons comme un chien battu. Il ne restait sur Pyk personne vers qui l’on pût se tourner, sinon le seigneur son époux. « Nous sommes seuls.

— Dagmer les écrasera », assura Cromm, qui n’avait jamais rencontré de femme qu’il aimât moitié autant qu’une bataille. « Ce ne sont que des Loups.

— Tous les Loups ont été tués. » De son ongle, Asha grattait la cire rose. « Et voilà les écorcheurs qui les ont abattus.

— Nous devrions gagner Quart-Torrhen pour nous joindre au combat », les pressa Quenton Greyjoy, un lointain cousin et capitaine de la Luronne.

« Certes », appuya Dagon Greyjoy, un cousin encore plus éloigné. Dagon le Poivrot, comme l’appelaient les hommes, mais ivre ou pas, il adorait combattre. « Pourquoi le Gueule-en-Deux devrait-il garder toute la gloire pour lui ? »

Deux des serviteurs de Galbart Glover apportèrent le rôti, mais ce lambeau de peau avait coupé l’appétit d’Asha. Mes hommes ont renoncé à tout espoir de victoire, comprenait-elle avec abattement. Tout ce qu’ils recherchent, désormais, c’est une belle mort. Les Loups la leur fourniraient, elle n’en doutait pas. Tôt ou tard, ils viendront reprendre ce castel.

Le soleil sombrait derrière les grands pins du Bois-aux-Loups quand Asha gravit les degrés de bois menant à la chambre à coucher qui avait naguère appartenu à Galbart Glover. Elle avait bu trop de vin et la tête lui battait. Asha Greyjoy avait beaucoup d’affection pour ses hommes, tant capitaines qu’équipage, mais la moitié étaient des idiots. De vaillants idiots, mais des idiots quand même. Aller retrouver le Gueule-en-Deux, oui-da, comme si nous le pouvions

Entre Motte-la-Forêt et Dagmer s’étiraient de longues lieues, des collines rudes, des forêts épaisses, des rivières sauvages et plus de Nordiens qu’elle n’aimait en envisager. Asha possédait quatre vaisseaux et pas tout à fait deux cents hommes… en comptant Tristifer Botley, sur lequel on ne pouvait point compter. En dépit de toutes ses belles déclarations enamourées, elle n’imaginait pas Tris se ruer à Quart-Torrhen pour y périr aux côtés de Dagmer Gueule-en-Deux.

Qarl la suivit en haut jusqu’à la chambre de Galbart Glover. « Sors, lui ordonna-t-elle. Je veux rester seule.

— Ce que tu veux, en fait, c’est moi. » Il tenta de l’embrasser.

Asha le repoussa. « Si tu me touches encore, je…

— Tu quoi ? » Il dégaina son poignard. « Déshabille-toi, ma fille.

— Va te faire foutre, puceau.

— C’est toi que je préfère foutre. » Un rapide coup de lame dégrafa le justaucorps d’Asha. Elle tendit la main vers sa hache, mais Qarl, lâchant son poignard, la saisit par le poignet, lui tordant le bras en arrière jusqu’à ce que l’arme tombât des doigts d’Asha. Il repoussa la jeune femme vers le lit de Glover, l’embrassa avec brutalité et arracha sa tunique pour lui libérer les seins. Quand elle essaya de lui flanquer un coup de genou dans le bas-ventre, il esquiva d’une torsion et, avec les genoux, la força à écarter les cuisses. « Je vais te prendre, maintenant.

— Vas-y, cracha-t-elle, et je te tuerai dans ton sommeil. »

Elle était complètement mouillée quand il la pénétra. « Crève, dit-elle. Crève crève crève. » Il lui suça les pointes de seins jusqu’à la faire crier, à demi de douleur, à demi de plaisir. Son conet devint le monde. Elle oublia Moat Cailin, Ramsay Bolton et son petit fragment de peau, oublia les états généraux de la royauté, oublia son échec, oublia son exil, ses ennemis et son époux. Ne comptaient plus que les mains de l’homme, sa bouche, ses bras autour d’elle, son vit en elle. Il la baisa jusqu’à ce qu’elle hurlât, et puis recommença jusqu’à ce qu’elle pleurât, avant de répandre enfin sa semence dans le ventre d’Asha.

« Je suis une femme mariée, lui rappela-t-elle ensuite. Tu m’as souillée, godelureau sans barbe. Le seigneur mon époux te coupera les couilles et te fera porter une jupe. »

Qarl roula sur lui-même pour la libérer. « S’il arrive à s’extirper de sa chaise. »

Dans la chambre, il faisait froid. Asha se leva du lit de Galbart Glover et retira ses vêtements déchirés. Le justaucorps aurait besoin de nouveaux lacets, mais on ne pourrait pas sauver la tunique. Bah, je ne l’ai jamais aimée. Elle la jeta dans les flammes. Elle laissa le reste en une flaque de tissu à côté du lit. Elle avait les seins tout dolents, et la semence de Qarl lui dégouttelait le long de la cuisse. Elle devrait se préparer un thé de lune ou courir le risque de mettre au monde une seiche nouvelle. Quelle importance ? Mon père est mort, ma mère agonise, on écorche mon frère et je suis impuissante à agir en quelque manière que ce soit. Et je suis mariée. Mariée et déflorée… certes, pas par le même homme.