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Que dis-tu, Bazu ? Tu voudrais qu’on en parle tout de suite ?

Et mon cul, c’est du chapon ? Qui est-ce qui pilote ce book ? Toi ou l’homme le plus intelligent qu’il m’ait été donné de rencontrer depuis que le singe a marché sur la Terre ?

Je glisse l’objet in my pocket et prends l’air innocent de M. le baron quand, en société, il respire ses doigts qu’il a engagés très avant dans le frifri de la femme de chambre pendant qu’elle frottait le parquet.

Retour du pandore-chef.

— C’est la première fois que nous avons à traiter d’un cas pareil à Oléron, déclare le brillant gradé.

Sur ces entrefesses, Berthe et sa frangine font retour, la carriole chargée de provises. La Gravosse tombe en arrêt (et presque en pâmoison) devant le gendarme si bioutifoule et fringant de partout. D’entrée d’œillade, elle prend un ticket d’appel pour une éventuelle casserolée géante. Le beau pandore de charme ne se doute pas qu’il a déjà son braque virtuellement engagé dans la soute à pafs de la Bérurière.

Pour l’instant, « l’irrésistible » donne des instructions à ses péones. Ils vont se laver les pattounes au savon de Marseille et, ensuite, tirer un portrait du défunt pour le produire aux autochtones, essayer de déterminer si quelqu’un l’aurait vu naguère dans la contrée. Et puis communiquer la photo au journal local et à la téloche régionale.

Il m’annonce qu’il va se mettre en rapport avec Pantruche afin qu’une enquête soit ouverte dans la capitale relativement à ce Marcel Proute. Il veut tout connaître de lui : sa vie, son œuvre, ses relations d’affaires et d’amour. Bref, il mène bien sa barque, si je puis dire, le regard fixé sur celle du toit.

Enfin ! Le docteur Paranaud, le légiste, arrive au volant d’une superbe Broot-Machaglath décapotable de la fin des années 20, conduite à droite, chromes à chier partout, peinture vert olive, capot sanglé, frein à main extérieur, pot d’échappement intérieur, porte-bagages plaqué or, avertisseur à seize trompes jouant le God Save the King (un roi régnait à la sortie du véhicule). Le praticien profite de ce que sa tire est à deux places pour déposer une moitié de son énorme cul sur le siège passager. Il est survêtu d’une blouse grise, coiffé d’un casque de tomobiliste en cuir dont les brides lui font des oreilles de basset-hound et porte des lunettes de soudeur à l’arc, façon Blériot.

Il stoppe devant le motel et, avisant Narguilé, le hèle :

— Vous me donnez un coup de main, Francis ?

Il a déponé sa portière, sorti sa jambe gauche du véhicule et tend les bras de l’espoir au chef pandore, lequel s’empresse d’arracher l’arrivant à son sarcophage d’acier et de cuir.

Le doc mesure un mètre soixante avec talonnettes et doit être plus large que long, au moins dans sa région culière. Tu dirais un cachalot gonflé à haute pression. Il marche en faisant glisser ses pinceaux sur le sol. Son énorme bide sert de balancier à son énorme cul : la nature fait bien les choses !

— Merci, mon cher, dit-il de sa voix d’asthmatique en phase terminale. Alors, il paraît que vous avez de la viande froide pour moi ?

— Elle est en tout cas pas fraîche, Doc, répond le gendarme. Et j’ai une autre mauvaise nouvelle pour vous : elle se trouve sur ce toit, à l’intérieur de la barque !

L’homme de l’art évalue les efforts qu’il va devoir fournir.

— Les barreaux sont solides ?

— Je l’espère ; de toute façon, mes hommes vont vous aider. Vous devriez mettre un masque car ce que je vous propose, c’est pas de l’arrivage du jour.

L’obèse a une moue insouciante :

— Pas de panique, mon petit : j’en ai vu d’autres !

Puis, à moi, d’un air finaud :

— Vous pensez bien que par ici, je travaille surtout dans le noyé : entre mes pêcheurs d’Islande et les vacanciers hydrocutés, je me paie des séances homériques.

Il entreprend courageusement de gravir l’échelle, comme s’il s’agissait de la face nord des Grandes Jorasses. Un gendarme le pousse au cul pendant qu’un autre le hale, arc-bouté contre le rebord du toit plat. Après moult ahanements, le légiste se trouve sur la terrasse, inoubliable statue d’un sumo japonais vainqueur.

Le gendarme Béanzinc ruisselle du kébour à corps perdu et halète comme une machine à vapeur tractant un convoi de cent vingt-cinq wagons emplis de pavés.

— Si je ne me suis pas fait une hernie, j’aurai de la chance, déclare-t-il. Combien diable pesez-vous, docteur ?

— Cent quarante-deux et je t’emmerde, répond l’homme de (et à tête de) l’art (lard).

Il tangue jusqu’à la barque et retapisse le passager clandestin.

— Ah ! voilà notre ami ! dit-il, jovial comme s’il rencontrait un être en pleine vie.

On s’attend à ce qu’il lui serre la louche.

Ce bavard enchaîne :

— Eh bien, tu n’es pas très clean, garçon ! Montre un peu tes yeux !

Il soulève les paupières de la victime, puis retrousse ses lèvres, tire sur ses cheveux… Tout cela sans gants ni masque, en homme que ce genre de désagrément olfactif n’affecte pas et qui tripote la sanie sans que sa quiétude bourgeoise en soit affectée.

Il continue de vaquer à ses investigations dans la bonne humeur, s’adressant au cadavre de son ton affable, voire guilleret, et un phénomène hallucinatoire se produit, qui donne peu à peu aux assistants l’impression que le mort ne l’est plus et qu’il apprécie la familiarité presque affectueuse du gros sac à merde.

De remuer feu Proute accroît sa puanteur. Je vais demander une bière (de circonstance) à la demi-frelotte de Berthe. Maintenant, tout le coinceteau est à pied d’œuvre : les autochtones, les estivants, les pêcheurs revenus du large, ceux qui s’apprêtent à le gagner, le postier de Saint-Trou-Lahitou, la centenaire du Syndicat d’initiative en coiffe de dentelle amidonnée, l’écailler de l’Hôtel des Flots Ravageurs, Mme Sidonie Sidoine et sa brigade de putes qu’elle a amenées de Paris pour les congés payés (elles ne sont pas laubées mais le vacancier océanique n’a pas les moyens de l’estivant méditerranéen) ; toute une populace bigornesque moutonne, se presse, gronde comme une vague déferlante à l’assaut des rochers.

Berthe décide qu’en sa qualité de frangine et d’épouse d’inspecteur principal, elle se doit de monter voir « l’horreur ». L’adjudant Narguilé cherche à l’en dissuader, mais comme elle lui caresse les couilles pendant qu’il cause, il finit par laisser quimper. Fâcheuse faiblesse ! C’est permettre à un drame de s’accomplir : l’un des barreaux de l’échelle, durement éprouvée par le poids du légiste, cède sous la masse baleinière et la chère dévoreuse de braques se retrouve en tas et hurlante sur le sol non capitonné.

A la position de sa guitare droite, il est péremptoire qu’elle est brisée : sale temps pour le clan béruréen ! Le brave adjudange, dont la bandaison court sur son erre, appelle le médecin, lequel dit qu’on ne le fasse pas chier vu qu’il procède au scalpel et qu’il ne peut pas lâcher son camarade Mortibus. Ce qu’entendant, Narguilé mande l’ambulancier de l’ancienne île devenue presqu’île par la grâce des ponts déchaussés.

La demi-sœur bieurle plus fort qu’une trépanée qu’on a oublié d’endormir, comme quoi ils sont maudits, que la fatalité les poursuit, qu’une telle accumulation de malheurs sur de braves gens est inhumaine, et que ceci cela, le reste…

Lorsque les brancardiers se pointent, elle s’est changée pour partir avec sa « pauvre Berthe ».

La foule continue de grossir. Les derniers arrivants sont faussement informés par les précédents qui ne savent rien, c’est ainsi qu’ils apprennent qu’un fou échappé de l’asile de La Gaudriole-Saint-Trouhduc a tiré sur des vacanciers et que les gendarmes l’ont abattu sur le toit où il s’était réfugié. Ces gens, nouvellement initiés, transmettent leurs tuyaux aux survenants qui les passent à d’autres en transformant le déséquilibré en groupe de terroristes islamiques.