Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Que son regard soit un psaume
Fait de soleils éclatés
Qu'il ne s'agenouille pas
Devant tout l'or d'un seigneur
Mais parfois pour cueillir une fleur
Et qu'il chasse de la main
A jamais et pour toujours
Les solutions qui seraient sans amour
Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Et qui ne soit pas un baume
Mais une force, une clarté
Et que sa colère soit juste
Jeune et belle comme l'orage
Qu'il ne soit jamais ni vieux ni sage
Et qu'il rechasse du temple
L'écrivain sans opinion
Marchand de riens
Marchand d'émotions
Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Avant que les autres hommes
Qui vivent dans la cité
Humiliés, l'espoir meurtri
Et lourds de leur colère froide
Ne dressent au creux des nuits
De nouvelles barricades
L'ivrogne
Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest, F. Rauber 1960
{
Ami, remplis mon verre
Encore un et je vas
Encore un et je vais
Non, je ne pleure pas
Je chante et je suis gai
Mais j'ai mal d'être moi
Ami, remplis mon verre
Ami, remplis mon verre
Buvons à ta santé
Toi qui sais si bien dire
Que tout peut s'arranger
Qu'elle va revenir
Tant pis si tu es menteur
Tavernier sans tendresse
Je serai saoul dans une heure
Je serai sans tristesse
Buvons à la santé
Des amis et des rires
Que je vais retrouver
Qui vont me revenir
Tant pis si ces seigneurs
Me laissent à terre
Je serai saoul dans une heure
Je serai sans colère
{au Refrain}
Buvons à ma santé
Que l'on boive avec moi
Que l'on vienne danser
Qu'on partage ma joie
Tant pis si les danseurs
Me laissent sous la lune
Je serai saoul dans une heure
Je serai sans rancune
Buvons aux jeunes filles
Qu'il me reste à aimer
Buvons déjà aux filles
Que je vais faire pleurer
Et tant pis pour les fleurs
Qu'elles me refuseront
Je serai saoul dans une heure
Je serai sans passion
{au Refrain}
Buvons à la putain
Qui m'a tordu le cœur
Buvons à plein chagrin
Buvons à pleines pleurs
Et tant pis pour les pleurs
Qui me pleuvent ce soir
Je serai saoul dans une heure
Je serai sans mémoire
Buvons nuit après nuit
Puisque je serai trop laid
Pour la moindre Sylvie
Pour le moindre regret
Buvons puisqu'il est l'heure
Buvons rien que pour boire
Je serai bien dans une heure
Je serai sans espoir
{
Ami, remplis mon verre
Encore un et je vas
Encore un et je vais
Non, je ne pleure pas
Je chante et je suis gai
Tout s'arrange déjà
Ami, remplis mon verre
Ami, remplis mon verre
Ami, remplis mon verre
L'Ostendaise
Paroles: Jacques Brel. Musique: F. Rauber 1968
Une Ostendaise
Pleure sur sa chaise
Le chat soupèse
Son poids d'amour
Dans le silence
Son chagrin danse
Et les vieux pensent
Chacun son tour
A la cuisine
Quelques voisines
Parlent de Chine
Et d'un retour
A Singapeur
Une Javanaise
Devient belle-sœur
De l'Ostendaise
Il y a deux sortes de temps
Y a le temps qui attend
Et le temps qui espère
Il y a deux sortes de gens
Il y a les vivants
Et ceux qui sont en mer
Notre Ostendaise
Que rien n'apaise
De chaise en chaise
Va sa blessure
Quelques commères
Quelques compères
Battent le fer
De sa brisure
Son capitaine
Sous sa bedaine
De bière pleine
Bat le tambour
Homme de voiles
Homme d'étoiles
Il prend l'escale
Pour un détour
Il y a deux sortes de temps
Il y a le temps qui attend
Et le temps qui espère
Il y a deux sortes de gens
Il y a les vivants
Et ceux qui sont en mer
Notre Ostendaise
Au temps des fraises
Devient maîtresse
D'un pharmacien
Son capitaine
Mort sous bedaine
Joue les baleines
Les sous-marins
Pourquoi ma douce
Moi le faux mousse
Que le temps pousse
T'écrire de loin
C'est que je t'aime
Et tant je t'aime
Qu'ai peur, ma reine
D'un pharmacien
Il y a deux sortes de temps
Il y a le temps qui attend
Et le temps qui espère
Il y a deux sortes de gens
Il y a les vivants
Et moi je suis en mer
La Bastille
Paroles et Musique: Jacques Brel 1955
Mon ami, qui crois que tout doit changer
Te crois-tu le droit de t'en aller tuer les bourgeois?
Si tu crois encore qu'il nous faut descendre
Dans le creux des rues pour monter au pouvoir
Si tu crois encore au rêve du grand soir
Et que nos ennemis, il faut aller les pendre
Dis-le-toi désormais
Même s'il est sincère
Aucun rêve jamais
Ne mérite une guerre
On a détruit la Bastille
Et ça n'a rien arrangé
On a détruit la Bastille
Quand il fallait nous aimer
Mon ami, qui crois que rien ne doit changer
Te crois-tu le droit de vivre et de penser en bourgeois
Si tu crois encore qu'il nous faut défendre
Un bonheur acquis au prix d'autres bonheurs
Si tu crois encore que c'est parce qu'ils ont peur
Que les gens te saluent plutôt que de te pendre
Dis-le-toi désormais
Même s'il est sincère
Aucun rêve jamais
Ne mérite une guerre
On a détruit la Bastille
Et ça n'a rien arrangé
On a détruit la Bastille
Quand il fallait nous aimer