Les désespérés
Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1966
Se tiennent par la main
Et marchent en silence
Dans ces villes éteintes
Que le crachin balance
Ne sonnent que leurs pas
Pas à pas fredonnés
Ils marchent en silence
Les désespérés
Ils ont brûlé leurs ailes
Ils ont perdu leurs branches
Tellement naufragés
Que la mort paraît blanche
Ils reviennent d'amour
Ils se sont réveillés
Ils marchent en silence
Les désespérés
Et je sais leur chemin
Pour l'avoir cheminé
Déjà plus de cent fois
Cent fois plus qu'à moitié
Moins vieux ou plus meurtris
Ils vont le terminer
Ils marchent en silence
Les désespérés
Lente sous le pont
L'eau est douce et profonde
Voici la bonne hôtesse
Voici la fin du monde
Ils pleurent leurs prénoms
Comme de jeunes mariés
Et fondent en silence
Les désespérés
Que se lève celui
Qui leur lance la pierre
Ils ne sait de l'amour
Que le verbe "s'aimer"
Sur le pont n'est plus rien
Qu'une brume légère
Ça s'oublie en silence
Ceux qui ont espéré
Les F…
Paroles: Jacques Brel. Musique: Joe Donato 1977
Les Flamingants, chanson comique!
Messieurs les Flamingants, j'ai deux mots à vous rire
Il y a trop longtemps que vous me faites frire
A vous souffler dans l’cul, pour dev’nir autobus
Vous voilà acrobates mais vraiment rien de plus
Nazis durant les guerres et catholiques, entre elles
Vous oscillez sans cesse du fusil au missel
Vos regards sont lointains, votre humour est exsangue
Bien qu'il y ait des rues à Gand qui pissent dans les deux langues
Tu vois, quand j’pense à vous, j'aime que rien ne se perde
Messieurs les Flamingants, je vous emmerde
Vous salissez la Flandre, mais la Flandre vous juge
Voyez la mer du Nord, elle s'est enfuie de Bruges
Cessez de me gonfler mes vieilles roubignoles
Avec votre art flamand italo-espagnol
Vous êtes tellement, tellement beaucoup trop lourds
Que quand les soirs d'orage, des Chinois cultivés
Me demandent d'où je suis, je réponds fatigué
Et les larmes aux dents: "Ik ben van Luxembourg"
Et si, aux jeunes femmes, on ose un chant flamand
Elles s'envolent en rêvant aux oiseaux roses et blancs
Et je vous interdis d'espérer que jamais
A Londres, sous la pluie, on puisse vous croire anglais
Et je vous interdis, à New York ou Milan
D'éructer, messeigneurs, autrement qu'en flamand
Vous n'aurez pas l'air con, vraiment pas con du tout
Et moi, je m'interdis de dire que je m'en fous
Et je vous interdis d'obliger nos enfants
Qui ne vous ont rien fait, à aboyer flamand
Et si mes frères se taisent et bien tant pis pour elles
Je chante, persiste et signe, je m'appelle: Jacques Brel
Les fenêtres
Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1963
Les fenêtres nous guettent
Quand notre cœur s'arrête
En croisant Louisette
Pour qui brûlent nos chairs
Les fenêtres rigolent
Quand elles voient la frivole
Qui offre sa corole
A un clerc de notaire
Les fenêtres sanglotent
Quand à l'aube falote
Un enterrement cahote
Jusqu'au vieux cimetière
Mais les fenêtres froncent
Leurs corniches de bronze
Quand elles voient les ronces
Envahir leur lumière
Les fenêtres murmurent
Quand tombent en chevelure
Les pluies de la froidure
Qui mouillent les adieux
Les fenêtres chantonnent
Quand se lève à l'automne
Le vent qui abandonne
Les rues aux amoureux
Les fenêtres se taisent
Quand l'hiver les apaise
Et que la neige épaisse
Vient leur fermer les yeux
Mais les fenêtres jacassent
Quand une femme passe
Qui habite l'impasse
Où passent les messieurs
La fenêtre est un œuf
Quand elle est œil-de-bœuf
Qui attend comme un veuf
Au coin d'un escalier
La fenêtre bataille
Quand elle est soupirail
D'où le soldat mitraille
Avant de succomber
Les fenêtres musardent
Quand elles sont mansardes
Et abritent les hardes
D'un poète oublié
Mais les fenêtres gentilles
Se recouvrent de grilles
Si par malheur on crie:
"Vive la liberté"
Les fenêtres surveillent
L'enfant qui s'émerveille
Dans un cercle de vieilles
A faire ses premiers pas
Les fenêtres sourient
Quand quinze ans trop jolis
Et quinze ans trop grandis
S'offrent un premier repas
Les fenêtres menacent
Les fenêtres grimacent
Quand parfois j'ai l'audace
D'appeler un chat un chat
Les fenêtres me suivent
Me suivent et me poursuivent
Jusqu'à c'que peur s'ensuive
Tout au fond de mes draps
Les fenêtres souvent {x3}
Traitent impunément
De voyous des enfants
Qui cherchent qui aimer
Les fenêtres souvent
Soupçonnent ces manants
Qui dorment sur les bancs
Et parlent l'étranger
Les fenêtres souvent
Se ferment en riant
Se ferment en criant
Quand on y va chanter
Ah, je n'ose pas penser
Qu'elles servent à voiler
Plus qu'à laisser entrer
La lumière de l'été
Non je préfère penser
Qu'une fenêtre fermée
Ça ne sert qu'à aider
Les amants à s'aimer
{2x}
Les filles et les chiens
Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1963
Les filles
C'est beau comme un jeu
C'est beau comme un feu
C'est beaucoup trop peu
Les filles
C'est beau comme un fruit
C'est beau comme la nuit
C'est beaucoup d'ennuis
Les filles
C'est beau comme un r'nard
C'est beau comme un r'tard
C'est beaucoup trop tard
Les filles
C'est beau tant qu'ça peut
C'est beau comme l'adieu
Et c'est beaucoup mieux
Mais les chiens
C'est beau comme des chiens
Et ça reste là
A nous voir pleurer
Les chiens
Ça ne nous dit rien
C'est peut-être pour ça
Qu'on croit les aimer