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Au lieu de me répondre, elle s’évanouit.

Je m’écarte pour la laisser perdre connaissance sans être happé par l’avalanche.

Un élan : je la franchis (affranchie, elle doit l’être déjà, ça ferait double emploi). Deux grandes portes prennent (ou donnent suivant de quel côté on se place) sur l’antichambre. J’en pousse une d’un coup de pied, l’autre d’un coup de poing. Je mate à gauche et à droite. A gauche, c’est un grand salon dans lequel une tripotée de sirènes élégamment fringuées boivent du café en devisant.

A droite, un deuxième escalier mène au premier.

Je m’élance, le gravis quatre à quatre, pour accéder à un palier où s’ouvrent deux portes sur chacune desquelles est peinte une fleur. Je commence par la pensée. Ce faisant, je peux voir, sans bourse délier, celles d’un vieux monsieur à barbe blanche.

Il se trouve en compagnie de deux dames. L’une le tient par les chevilles, comme on empoigne les mancherons d’une brouette. La seconde, bottée de cuir (elle n’a pas d’autres vêtements) le frappe avec un fouet pour le forcer d’avancer sur ses mains ; ce dont l’aimable vieillard s’acquitte en poussant des aboiements.

J’ouvre la porte comportant une marguerite.

Deux jeunes gens à têtes de veau et à queues d’âne opèrent leur jonction par l’entremise (c’est le cas d’y dire) d’une jeune femme hébergeante qui devrait, selon toute logique, s’appeler Philippine.

Je leur dis « excusez-moi, m’sieurs-dames », et je les laisse se concentrer.

Troisième étage. Deux autres chambres.

Dans celle du coquelicot, y a un notaire chauve, vêtu d’une chemise de nuit de femme et de bas noirs, assis sur les genoux d’un marin. Il est très fortement maquillé. Une musique douce achève de créer une ambiance capiteuse. Je leur souris et les quitte pour visionner la chambre de la tulipe.

Elle est vide. Je regarde néanmoins sous le lit à baldaquin : nobody !

Voyez quatrième étage : sport, meubles de jardin, cycles, barbecues !

C’est le terminus de l’immeuble. Une espèce de galetas-musée plein de sommiers démantelés, d’accessoires de torture, de tables pour examens gynécologiques, de martinets, de cilices. La petite fenêtre est ouverte. Le local sent la poudre. Je vais couler un œil dans la rue. J’avise une voiture de police en stationnement devant l’hôtel. Un essaim noir cerne le cadavre de Maeleström.

Outre la fenêtre, le grenier comporte une seconde ouverture : genre tabatière. Ouverte également. Un escabeau est placé dessous. Je l’escalade. Le toit enneigé est immaculé. Le meurtrier, s’il a voulu faire croire qu’il s’est barré par cette voie, en est pour sa mise en scène.

Je dévale jusqu’en bas.

Mme la Vachasse a repris ses esprits. Entourée de belles récréatures, elle leur explique ma visite.

Hurle en me voyant.

Hésite à se révanouir. Mais on sonne et des flics en uniforme se pointent, la bouille rouge comme des véroles pas soignées. Ils gueulent en parlant, ou plutôt expriment des questions en gueulant. La grosse poupée de satin me désigne à leur vindicte. Les archers me sautent sur le poiluchard et j’ai toutes les peines du monde à les convaincre de mon innocence. Heureusement, ma carte de police et mon prix Nobel de lis tes ratures, les convainquent et les font devenir mes alliés.

Ces messieurs et moi-même tenons un bref conciliabule duquel il ressort que le meurtrier, lui, n’est pas ressorti. Impossible. La neige vierge sur le toit exclut toute possibilité de ce côté-là. Et la vachasse satinée affirme très haut que personne n’est parti de son claque depuis mon arrivée (son évanouissement n’ayant duré que quelques secondes (et encore j’exagère), elle est formelle.

Nanti d’un noir culot, bien que me trouvant sur sol étranger, je prends la direction des opérations. Faut dire que dans la police, y a une magie de « l’en civil ». C’est juste le contraire de l’armée. Un flic en uniforme passera toujours pour un bagagiste aux yeux d’un flic loqué par Sigrand. Alors moi qui le suis par Lapidus, tu juges de l’éclat !

Je donne mes ordres aux bourdilles suédois, exactement comme je le ferais à Paris à des collègues de commissariat de quartier.

— Surveillez l’issue. Rassemblez tous les occupants mâles et fumelles de la taule dans le grand salon. Fouillez partout pour retrouver le fusil. Prévenez un mec de votre laboratoire afin qu’il pratique le test de la paraffine sur les gens qui se trouvaient dans la taule au moment du meurtre.

Tu les verrais m’exécuter le désir.

Ces messieurs te vous branlent bas le combat que c’en est une bénédiction.

Bientôt, parmi les gonzesses très superbes et un peu sublimes qui jacassaient en attendant leur tour de passe-passer, v’là le notaire chauve et sa chemise de noye, le vieux barbu qui faisait la brouette à dix doigts, v’là les jeunes gens à tête de veau, qui se sont retirés du centre d’hébergement de leur partenaire, et puis y a de même le petit mataf de la flotte royale qui servait de tabouret au tabellion. Ces messieurs penaudent. Le bordel’s man, tu l’auras observé, est un peureux qui n’a de hardiesse que dans l’assouvissement de ses désirs.

Sitôt que ceux-ci sont satisfaits ou interrompus, il n’a qu’une idée : réintégrer son honorabilité et se faire oublier. C’est pourquoi, rien ne contriste davantage un « habitué » que d’être privé de ses habitudes, surtout par la gent policière (et non pas « l’agent policière », comme j’en ai vu qu’écrivaient).

Je prends les paluches de ces gentlemen et les hume.

Leurs doigts sentent tout ce que tu voudras, mais pas la poudre. De plus, ils se portent garants les uns des autres. Les radasses fouetteuses jurent que le vioque à barbiche était en action depuis vingt minutes. La fille aux veaux que ses partenaires l’obstruaient depuis un quart d’heure, et le notaire « cajôlait » le matelot depuis un laps de temps égal ou du moins presque équivalent, comme dirait Béru.

Tiens, à propos…

Je réclame le bigophone.

J’obtiens et sonne le Thalerdünbrank-Palace.

Ça effervesce vachement dans l’hôtel. Nonobstant le calme nordique, rappelle-toi que j’entends des chiées d’exclamations toutes plus gutturales l’une que les autres. Tout le monde s’en prend à chacun de ce qui arrive. J’en frissonne. Par moments ça m’accable, l’honneur d’avoir toujours et sans cesse affaire à des hommes. Des hommes cons ou malins, de gauche, de droite, de peur, de courage, de merde. Des hommes repus ou affamés, malades ou insolemment bien portants. Si harassants à fréquenter. Si minables ! Ah, oui, que j’en crève chaque jour, chaque heure, d’une grande et louche honte héréditaire. Que j’en regrette mon passage sur cette terre de chiotte. Que les pieds m’en blessent de fouler cette pelouse de simagrées. Gauchards, fachos, étiquetés, empafés profond, apostocoliques, scatoliques romains !

Youpins pourchassés, enguerriers blondis sous le pamplemoussier ! Ricains pourris à l’os, dégoulinants de nixonneries water-closed et gate ! Gens de l’est d’Aden et de plus loin ! Noirs rebiffeurs ! Crèmes de crêpes de brouillons de lavements. Sanieux-Trônants sur leurs hémorroïdes, ce siège de leur amour-propre. Chieurs de sottises et d’excréments. Beaux vanneurs. Cons confiants. Ces infâmes perdeurs de dents et de tifs. Ces ventripotents sans oreilles ! Ces mal greffés, ces rejets d’eux-mêmes ! Ces autovomis ! Ces balivernes à médailles. Ces à quel-titre-je-me-le-demande ! Tant d’impudeur. Tant d’infamies ! Gratteurs de morpions, bites-aux-vents-mauvais-qui-ne-les-emportent-ni-assez-vite-ni-assez-loin ! Crevures en crevage ! Pétroleurs ! Poils à ma zoute ! Fous-triqueurs en débandade ! Branlette de morue ! Foirade ! Morts à petits pas ! Déterrés de ventre ! Assassins ! Tous, arracheurs d’yeux, de couilles et de rêves ! Misérables punisseurs !