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– Mon frère, accordez-moi ce que je vous demande, je vous prie; je prendrai toutes les mesures de prudence, et je vous promets de revenir ici.

– Allons, je comprends!

– Que comprenez-vous?

– Vous voulez essayer si le bruit de quelque action d'éclat n'amollira pas le cœur de la farouche. Avouez que c'est cela qui vous donne cette insistance.

– J'avouerai cela, si vous voulez, mon frère.

– Soit, vous avez raison. Les femmes qui résistent à un grand amour, se rendent parfois à un peu de bruit.

– Je n'espère pas cela.

– Triple fou que vous êtes alors, si vous le faites sans cet espoir. Tenez, Henri, ne cherchez pas d'autre raison au refus de cette femme, sinon que c'est une capricieuse qui n'a ni cœur ni yeux.

– Vous me donnez ce commandement, n'est-ce pas, mon frère?

– Il le faut bien, puisque vous le voulez.

– Je puis partir ce soir même?

– C'est de rigueur, Henri; vous comprenez que nous ne pouvons attendre plus longtemps.

– Combien mettez-vous d'hommes à ma disposition?

– Cent hommes, pas davantage. Je ne puis dégarnir ma position, Henri, vous comprenez bien cela.

– Moins, si vous voulez, mon frère.

– Non pas, car je voudrais pouvoir vous en donner le double. Seulement engagez-moi votre parole d'honneur que si vous avez affaire à plus de trois cents hommes, vous battrez en retraite au lieu de vous faire tuer.

– Mon frère, dit en souriant Henri, vous me vendez bien cher une gloire que vous ne me livrez pas.

– Alors, mon cher Henri, je ne vous la vendrai ni ne vous la donnerai; un autre officier commandera la reconnaissance.

– Mon frère, donnez vos ordres, et je les exécuterai.

– Vous n'engagerez donc le combat qu'à forces égales, doubles ou triples, mais vous ne dépasserez point cela.

– Je vous le jure.

– Très bien; maintenant quel corps voulez-vous avoir?

– Laissez-moi prendre cent hommes des gendarmes d'Aunis; j'ai bon nombre d'amis dans ce régiment, et, en choisissant mes hommes, j'en ferai ce que je voudrai.

– Va pour les gendarmes d'Aunis.

– Quand partirai-je?

– Tout de suite. Seulement vous ferez donner la ration aux hommes pour un jour, aux bêtes pour deux. Rappelez-vous que je désire avoir des nouvelles promptes et sûres.

– Je pars, mon frère; avez-vous quelque ordre secret?

– Ne répandez pas la mort du duc; laissez croire qu'il est à mon camp. Exagérez mes forces, et si vous retrouvez le corps du prince, quoique ce soit un méchant homme et un pauvre général, comme, à tout prendre, il était de la maison de France, faites-le mettre dans une boîte de chêne, et faites-le rapporter par vos gendarmes, afin qu'il soit enterré à Saint-Denis.

– Bien, mon frère; est-ce tout?

– C'est tout.

Henri prit la main de son aîné pour la baiser, mais celui-ci le serra dans ses bras.

– Encore une fois, vous me promettez, Henri, dit Joyeuse, que ce n'est point une ruse que vous employez pour vous faire tuer bravement?

– Mon frère, j'ai eu cette pensée en venant vous rejoindre; mais cette pensée, je vous jure, n'est plus en moi.

– Et depuis quand vous a-t-elle quitté?

– Depuis deux heures.

– À quelle occasion?

– Mon frère, excusez-moi.

– Allez, Henri, allez, vos secrets sont à vous.

– Oh! que vous êtes bon, mon frère!

Et les jeunes gens se jetèrent une seconde fois dans les bras l'un de l'autre, et se séparèrent, non sans retourner encore la tête l'un vers l'autre, non sans se saluer du sourire et de la main.

LXXIII L'expédition

Henri, transporté de joie, se hâta d'aller rejoindre Diane et Remy.

– Tenez-vous prêts dans un quart d'heure, leur dit-il, nous partons. Vous trouverez deux chevaux tout sellés à la porte du petit escalier de bois qui aboutit à ce corridor; mêlez-vous à notre suite et ne soufflez mot.

Puis, apparaissant au balcon de châtaignier qui faisait le tour de la maison:

– Trompettes des gendarmes, cria-t-il, sonnez le boute-selle.

L'appel retentit aussitôt dans le bourg, et l'enseigne et ses hommes vinrent se ranger devant la maison.

Leurs gens venaient derrière eux avec quelques mulets et deux chariots. Remy et sa compagne, selon le conseil donné, se dissimulaient au milieu d'eux.

– Gendarmes, dit Henri, mon frère l'amiral m'a donné momentanément le commandement de votre compagnie, et m'a chargé d'aller à la découverte; cent de vous devront m'accompagner: la mission est dangereuse, mais c'est pour le salut de tous que vous allez marcher en avant. Quels sont les hommes de bonne volonté?

Les trois cents hommes se présentèrent.

– Messieurs, dit Henri, je vous remercie tous; c'est avec raison qu'on a dit que vous aviez été l'exemple de l'armée, mais je ne puis prendre que cent hommes parmi vous; je ne veux point faire de choix, le hasard décidera.

Monsieur, continua Henri en s'adressant à l'enseigne, faites tirer au sort, je vous en prie.

Pendant qu'on procédait à cette opération, Joyeuse donnait ses dernières instructions à son frère.

– Écoute bien, Henri, disait l'amiral, les campagnes se dessèchent; il doit exister, à ce qu'assurent les gens du pays, une communication entre Conticq et Rupelmonde; vous marchez entre une rivière et un fleuve, le Rupel et l'Escaut; pour l'Escaut, vous trouverez avant Rupelmonde des bateaux ramenés d'Anvers; le Rupel n'est point indispensable à passer. J'espère que vous n'aurez pas besoin d'ailleurs d'aller jusqu'à Rupelmonde pour trouver des magasins de vivres ou des moulins.

Henri s'apprêtait à partir sur ces paroles.

– Attends donc, lui dit Joyeuse, tu oublies le principaclass="underline" mes hommes ont pris trois paysans, je t'en donne un pour vous servir de guide. Pas de fausse pitié; à la première apparence de trahison, un coup de pistolet ou de poignard.

Ce dernier point réglé, il embrassa tendrement son frère, et donna l'ordre du départ.

Les cent hommes tirés au sort par l'enseigne, du Bouchage en tête, se mirent en route à l'instant même.

Henri plaça le guide entre deux gendarmes tenant constamment le pistolet au poing.

Remy et sa compagne étaient mêlés aux gens de la suite. Henri n'avait fait aucune recommandation à leur égard, pensant que la curiosité était déjà bien assez excitée à leur endroit, sans l'augmenter encore par des précautions plus dangereuses que salutaires.

Lui-même, sans avoir fatigué ou importuné ses hôtes par un seul regard, après être sorti du bourg, revint prendre sa place aux flancs de la compagnie.

Cette marche de la troupe était lente, le chemin parfois manquait tout à coup sous les pieds des chevaux, et le détachement tout entier se trouvait embourbé.