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— Quoi de neuf, Mac ?

— Oh, il n’approchera pas beaucoup plus près. Je viens de faire le point avec les dernières données en réduisant au possible la marge d’erreur. Il est à cent cinquante mille kilomètres et se déplace selon une trajectoire presque parallèle à la nôtre. Il ne faut pas compter le voir à moins de cent quarante-quatre mille, et pas avant trois heures environ. Je crois que j’ai perdu mon pari, nous allons le louper.

— On le dirait, ma parole ! grommela Bradley. Enfin, nous verrons. Je vais descendre à l’atelier.

— Pour quoi faire ?

— Fabriquer une fusée individuelle pour courir après ce fichu machin, bien sûr. Dans une histoire de Gibson, il n’y en aurait guère que pour une demi-heure. Descends donc me donner un coup de main !

Mackay se trouvait plus près de l’Équateur que Bradley et il atteignit le premier l’atelier du pôle Sud. Il attendait avec une molle perplexité quand son coéquipier arriva, chargé de bouts de câbles coaxiaux qu’il venait d’aller chercher au magasin.

Il expliqua brièvement son plan :

— J’aurais déjà pu m’y mettre plus tôt, mais je suis de ceux qui espèrent jusqu’au dernier moment, d’autant plus qu’il va falloir créer un drôle de chantier. L’ennui, avec notre balise, c’est qu’elle rayonne dans toutes les directions, ce qui est normal, bien sûr, puisqu’on ne sait jamais de quel côté peut venir un cargo. Je vais donc construire un réflecteur d’ondes et concentrer toute la puissance dont nous disposons vers notre fugitif.

Il dessina la grossière ébauche d’une antenne directrice simple qu’il commenta en quelques mots :

— Ce dipôle est celui de l’émetteur actuel, les autres sont les directeurs et les réflecteurs. C’est primitif, mais facile à fabriquer et ça doit normalement suffire. Appelle Hilton si tu as besoin d’aide. Combien de temps te faut-il ?

Mackay, qui possédait une remarquable adresse des mains pour un homme de sa condition, regarda successivement le dessin et le petit tas de matériel que Bradley avait apporté.

— À peu près une heure, évalua-t-il, déjà à l’ouvrage. Où vas-tu, à présent ?

— Il faut que je sorte sur la coque pour déplomber l’installation et la mettre hors circuit. Quand tu seras prêt, apporte ton appareil au sas, si tu veux bien.

Mackay n’y connaissait pas grand-chose, en radio, mais il comprit assez facilement l’intention de son compagnon.

Pour l’instant, la petite balise de l’Arès déversait sa puissance dans le volume infini de l’espace. Bradley se proposait de la débrancher de son antenne actuelle et de diriger avec précision toute la force de son rayonnement vers le bolide, multipliant ainsi sa portée.

Environ une heure plus tard, Gibson rencontra l’Écossais qui traversait l’astronef en toute hâte, derrière un fragile assemblage de fils parallèles espacés par des dents en plastique. Muet d’étonnement, il le suivit vers le sas où l’officier attendait déjà avec impatience, dans son encombrant équipement, le casque rabattu de côté.

— Quelle est l’étoile la plus proche dans le prolongement du projectile ? demanda Bradley.

Mackay évalua mentalement.

— Il n’est pas à proximité de l’écliptique en ce moment, médita-t-il tout haut. Les dernières données que j’avais étaient … voyons … déclinaison : quinze vers le nord ; ascension droite : environ quatorze heures. Je suppose qu’il doit être — ah ! je ne peux jamais me rappeler … — oui, il ne doit pas être loin d’Arcturus, pas à plus de dix degrés, je présume. Je peux te donner les chiffres exacts dans une minute.

— C’est suffisant pour l’instant. D’ailleurs, pour commencer, je vais faire pivoter le rayon d’ondes. Qui est dans la cabine d’émission en ce moment ;

— Le patron et Fred. Je les ai prévenus, ils sont à l’écoute. Je garderai le contact avec toi par l’inter.

Bradley bascula son casque sur sa tête et disparut par le sas sous les yeux de Gibson, qui le regardait avec une certaine envie. Son rêve était d’endosser un jour un de ces scaphandres ; il avait soulevé la question plusieurs fois, mais Norden avait répondu que le règlement le défendait. Ces vidoscaphes comportent des mécanismes extrêmement complexes : un profane pourrait commettre une erreur de manipulation. Il faudrait alors payer les pots cassés, et peut-être même organiser des funérailles dans des circonstances plutôt imprévues.

Une fois franchie la porte extérieure, Bradley ne perdit pas son temps à admirer les étoiles. Il se propulsa lentement au-dessus de la masse luisante de la coque au moyen de son petit réacteur individuel, jusqu’à l’endroit où il avait déjà enlevé une lamelle de blindage. En dessous de cette section gisait un réseau de câbles et de fils dénudés, étincelant sous l’aveuglante clarté solaire. Rapidement, il fit une épissure provisoire avec l’un des câbles déjà coupé, tout en hochant tristement la tête devant cet effroyable micmac dont l’unique propriété consisterait à renvoyer dans une direction la moitié de la puissance de l’émetteur. Il chercha ensuite Arcturus, la découvrit et dirigea le faisceau vers elle. Après avoir balayé un instant les alentours avec un regain d’optimisme, il poussa le bouton qui commandait la radio de son vidoscaphe.

— Qu’est-ce que ça donne ? demanda-t-il anxieusement.

La voix découragée de Mackay résonna dans le haut-parleur.

— Rien du tout. Je vais te brancher sur la cabine.

Norden confirma.

— Le signal parvient toujours, mais l’engin ne nous a encore pas captés.

Bradley était déconcerté. En augmentant la portée de la balise vers cette unique direction dans un rapport de un à dix, il était pourtant bien sûr de son affaire ! Il continua à faire pivoter le faisceau pendant quelques minutes, puis il abandonna. Il imaginait déjà le petit projectile glissant hors de son atteinte avec son étrange mais précieuse cargaison, vers les limites inconnues du système solaire, et même au delà.

Il rappela Mackay.

— Écoute, Mac, insista-t-il, je voudrais que tu vérifies tes coordonnées encore une fois et que tu viennes ici tenter ta chance. Je vais rentrer pour arranger l’émetteur.

Dès que l’Écossais l’eut relevé, il regagna rapidement la cabine d’émission. Il y trouva Gibson et le reste de l’équipage autour du récepteur auquel parvenait toujours le sifflement continu, exaspérant du fuyard lointain.

Il ne restait plus guère de traces de la nonchalance habituelle, presque féline, de Bradley, lorsqu’il consulta des dizaines de schémas de circuits et quand il fonça sur les connexions de l’appareil. Un court instant lui suffit pour introduire quelques fils au cœur de l’émetteur d’appel. Tout en travaillant, il lança une série de questions à Hilton.

— Toi qui t’y connais en obus-cargos, dis-moi pendant combien de temps il doit recevoir notre signal pour qu’il se dirige vers nous avec précision ?

— Ça dépend naturellement de sa vitesse relative et de plusieurs autres facteurs. En l’occurrence, puisque c’est une affaire de faible accélération, dix bonnes minutes, je pense.

— Et ensuite, si notre balise vient à flancher, ça n’a plus d’importance, hein ?

— Non, dès que l’engin met le cap sur nous, l’émission peut s’arrêter. Bien entendu, il faudra envoyer un nouveau signal quand il passera à proximité immédiate, mais ça me paraît facile.

— Si je l’attrape, quel délai lui faut-il pour arriver ici ?

— Un jour ou deux, peut-être moins. Qu’est-ce que tu vas fabriquer ?

— Les amplificateurs de puissance de cet émetteur marchent sur sept cent cinquante volts. Je vais tout simplement emprunter un courant de mille volts à une autre source. Ça signifie une vie éphémère pour les tubes, mais nous doublerons ou triplerons la puissance tant qu’ils tiendront.