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— Je l’avais remarqué. Leurs tactiques à Bhavan en ont donné la confirmation. Ils cherchent à détruire la Première Flotte, mais ils veulent aussi ma mort. »

Unruh secoua la tête à son tour et détourna les yeux. « J’ai des raisons de croire que vous avez été personnellement désigné comme cible prioritaire dans un programme qui s’est activé sans autorisation adéquate, mais je subodore aussi des raisons plus privées à cette désignation.

— L’amiral Bloch ?

— Il a pris le commandement de la Flotte Défensive, répondit-elle. Comme vous le savez sans doute déjà. Bloch jouit encore de puissants soutiens politiques. Mais je n’ai pas pu me faire confirmer sa situation présente.

— Croyez-vous qu’il ait encore le contrôle effectif des vaisseaux obscurs ? J’ai été témoin de leur part d’agissements que, selon moi, Bloch n’aurait pas pu leur ordonner.

— Je crois qu’il les a influencés dans une certaine mesure. Mais j’ai la conviction qu’il n’est plus aux commandes, du moins s’il les a jamais contrôlés. » La sénatrice regarda Geary droit dans les yeux. « Il existe plus d’une façon de désamorcer cette menace, amiral. Des gens cherchaient à placer Bloch à un certain poste parce qu’ils espéraient en tirer profit. Mais d’autres, parmi nous, comptaient depuis le tout début le neutraliser en lui donnant ce à quoi il croyait aspirer. Il est peut-être toujours en vie, mais, si c’est le cas, il est probablement encore plus malheureux que lorsqu’il était prisonnier des Syndics. N’est-ce pas ironique ? Il jouit sans doute de toute la place disponible à bord de son vaisseau, mais ses quartiers doivent lui faire l’effet d’une toute petite prison dont il ne pourra jamais s’échapper. »

Geary lui rendit son regard, épouvanté. « Et si vous aviez raison ? Bloch lui-même mérite-t-il un tel sort ? »

La sénatrice Unruh se leva en soupirant. « Il a obtenu ce qu’il voulait, amiral. Si ça ne correspond pas à ses espérances, la faute lui en incombe entièrement. Et c’est aussi une bonne leçon pour tous ceux qui confondent conquête du pouvoir et poursuite du bonheur.

— Où mène la quête du pouvoir ? » demanda Geary alors qu’ils attendaient l’ouverture de l’écoutille.

Unruh lui décocha un regard amusé. « Vous voulez savoir ce que je pense ? Très bien. Viser un objectif exigeant d’acquérir du pouvoir conduit sans doute à la concrétisation de cette ambition. Mais la conquête du pouvoir comme fin en soi ne mène nulle part. C’est comme de marcher sur une bande de Mœbius. On monte, on descend, on passe par-dessus, par en dessous, et on revient à la case départ sans avoir atteint aucune destination. On continue à l’arpenter en se demandant pourquoi, si longtemps et si vite qu’on marche, on n’arrive nulle part.

— Merci, sénatrice.

— De quoi ? De vous avoir exposé l’étendue de nos errements et avoué à quel point nous comptions sur vous pour rétablir la situation ? »

Geary secoua la tête. « Non. De m’avoir administré la preuve que je ne me fourvoyais pas entièrement en faisant confiance au gouvernement. »

Unruh sortit rejoindre les soldats des forces spéciales, qui formèrent aussitôt une escorte autour d’elle. Mais la sénatrice se retourna une dernière fois vers Geary, la mine sombre. « C’est trop d’honneur, amiral. Je ferai mon possible pour me montrer à la hauteur de votre confiance. »

L’amiral Timbal attendit qu’Unruh et son escorte eussent tourné l’angle d’une coursive pour couler vers Geary un regard interrogateur. « Comment s’est passé ce tête-à-tête ?

— Quel tête-à-tête ?

— D’accord. » Les deux hommes s’éloignaient de conserve dans la direction opposée à celle empruntée par la sénatrice et son escorte. « Y a-t-il quelque chose que je devrais savoir ? » reprit Timbal.

Geary réfléchit à ce qu’il lui était loisible de répondre. « Nous ne sommes pas seuls.

— Que recouvre exactement ce “nous” ?

— Les gentils. » Geary eut un sourire en biais. « N’est-ce pas ?

— Je l’espère. » Timbal fit encore quelques pas. « Les deux agents dont vous m’avez parlé se trouvent-ils encore à bord de l’Indomptable ?

— Oui. Pourquoi ?

— Je tiens toujours à ce qu’ils soient fusillés, vous vous souvenez ? » Timbal regarda autour de lui puis consulta un petit dispositif de sécurité à son poignet pour s’assurer qu’on ne pouvait pas les entendre. « J’ai été avisé de certains signes subtils laissant entendre que quelqu’un fouine un peu partout pour chercher à découvrir ce qu’ils auraient pu nous apprendre.

— Nous renforcerons la sécurité autour de leurs cellules, répondit Geary. Autre chose ?

— J’ai reçu des ordres confidentiels m’intimant de localiser l’ex-sénatrice de l’Alliance Victoria Rione. Certaines personnes aimeraient lui parler.

— Qui ça ?

— Je ne saurais le dire. Ces ordres laissent ce détail dans le vague, expliqua Timbal. Au demeurant, leur origine exacte reste elle aussi passablement floue. Raison pour laquelle je ne me suis pas trop mis la rate au court-bouillon pour rechercher Rione.

— D’autres personnes, en revanche, semblent s’en inquiéter.

— Je m’inquiéterais aussi si j’étais responsable de ce qui est arrivé à son époux. » Timbal se massa l’arête du nez. « Au fait, mes responsables de la sécurité, ceux du moins auxquels je fais confiance, affirment avoir découvert d’étranges anomalies dans nos routines : du rajout de discrètes applications, de celles qui auraient pu être autorisées à Victoria Rione pour passer par Ambaru, pas plus tard qu’hier ou avant-hier, sans déclencher aucune alarme.

— Vraiment ?

— Oui. Si elle débarquait de nouveau sur la station, elle serait très vite repérée. » Timbal fixa Geary d’un œil impavide. « Je me suis dit que vous aimeriez le savoir.

— Merci. Je crois que, de votre côté, vous devriez savoir qu’un tas de questions seront bientôt réglées.

— De manière satisfaisante ?

— Peut-être. » Geary marqua une pause pour faire face à Timbal et reprendre sur un ton plus officiel. « Si nous ne nous revoyons plus, je tiens à vous dire que servir avec vous a été un honneur et un plaisir.

— Tout l’honneur et le plaisir sont pour moi, répliqua Timbal sur le même ton. Merci, amiral. Cela signifie-t-il que c’est en train ?

— Ça ne saurait tarder. »

Tanya l’attendait dans la soute de la navette de l’Indomptable quand il en descendit. « J’espère que votre visite à Ambaru valait la peine de prendre ce risque, déclara-t-elle.

— En effet. Et, quoi qu’il en soit, je ne peux pas vivre à bord de l’Indomptable.

— Pourquoi ? »

Au lieu de répondre, il brandit la disquette qu’Unruh lui avait remise. « Nous avons reçu des ordres du gouvernement et nous avons désormais les moyens de gagner Unité Suppléante.

— Des ordres ? s’enquit Desjani, instantanément soupçonneuse à la mention du gouvernement. De faire quoi ?

— De prendre Unité Suppléante.

— Le gouvernement vous aurait donné l’ordre d’investir sa capitale de repli clandestine ?

— C’est une longue histoire, déclara Geary. Mais, fondamentalement, exactement comme les militaires de l’Alliance, son gouvernement a adopté, au nom de la victoire, certaines pratiques qui n’avaient pas grand-chose à voir avec la volonté de gagner la guerre ni avec ce que devrait représenter l’Alliance.