Выбрать главу

— Nous aussi, dit Desjani. Vous rappelez-vous ce site avec les pierres levées ?

— Stonehenge ? Oui. Peut-être retiendrons-nous la leçon cette fois.

— Je vous parie bien que non. Oh, pendant un petit moment peut-être, ajouta Tanya.

— Vous avez sans doute encore raison.

— Deux minutes avant sortie de l’hyperespace. »

Ils attendirent en silence la fin du compte à rebours.

À zéro, les étoiles réapparurent subitement. Le portail de l’hypernet était maintenant derrière eux et, devant, deux étoiles orbitaient l’une autour de l’autre, formant ce qu’on appelle une binaire rapprochée.

« Je n’avais encore jamais vu ça », dit Desjani d’une voix émerveillée.

Les écrans se réactualisaient rapidement à mesure que les senseurs analysaient, établissaient et consolidaient les données. Geary vit apparaître sur le sien de vastes installations dont l’orbite avait pour centre la plus grosse des deux étoiles, ce qui devait parfois les rapprocher un peu trop dangereusement de son compagnon plus petit. Six planètes de taille très diverse, allant d’un caillou stérile gros comme la moitié de la Terre à ce qui avait dû être une géante gazeuse, mais qui, sans doute, avait perdu régulièrement son atmosphère à son périhélie avec une des étoiles. Une armée d’objets célestes plus petits gravitaient aussi autour de l’étoile double, dont certains décrivaient une orbite si excentrique qu’ils la frôlaient. « Nous ne distinguons rien à la surface des planètes, rapporta le lieutenant Yuon. Mais il y a de très grosses installations orbitales. Hangars. Entrepôts…

— Elles pourraient assurer la maintenance d’une flotte quatre fois plus forte que la nôtre ! s’exclama Geary, sidéré. Et pendant très longtemps !

— Ils étaient prêts à poursuivre la guerre si le pire se produisait, reconnut Desjani à contrecœur, mais quelque peu admirative. Visez-moi ces orbites ! Ce système est un vrai souk. Pas étonnant qu’ils n’aient rien construit à la surface des planètes. Eh, regardez ce que nous avons encore trouvé, amiral ! »

Geary n’eut pas besoin de lui demander à quoi elle faisait allusion. « L’Invincible. Ils l’ont ramené ici. »

Bien plus grand que tout vaisseau de facture humaine, le supercuirassé extraterrestre était suspendu sur sa propre orbite à quelque deux minutes-lumière des hangars d’amarrage. « Ces hangars eux-mêmes n’auraient pas pu abriter un bâtiment de la taille de ce cuirassé bof, fit remarquer Desjani. Le vaisseau est froid. Est-ce normal ?

— Oui, commandant, répondit Yuon. Nos senseurs ne captent aucun signe d’activité, énergétique ou autre, à bord de l’Invincible. Il n’en émane aucune chaleur. Le bâtiment est complètement éteint et manifestement désert.

— Qu’en est-il de ces remorqueurs ? » demanda Desjani. Les nombreux puissants remorqueurs qu’on avait attelés à la coque de l’Invincible pour le tracter depuis Varandal étaient encore là, rangés autour de lui en deux anneaux. « Eux aussi sont froids ?

— Juste alimentés pour la maintenance, à ce que peuvent en dire les senseurs. Cela mis à part, tous les systèmes sont désactivés et les supports vitaux ne fonctionnent pas. Aucun signe de la présence d’un équipage, pas même d’une équipe d’entretien. Les remorqueurs ont l’air d’être en veille.

— Ils étaient censés conduire l’Invincible là où l’on aurait pu étudier la technologie bof et tenter d’en apprendre davantage sur ces extraterrestres, s’insurgea Desjani. Au lieu de cela, on s’est contenté de le remorquer jusqu’ici et de l’oublier.

— Peut-être a-t-on interrompu les recherches quand les vaisseaux obscurs ont commencé à poser des problèmes, avança Geary.

— En ce cas, on n’a pas tout bouclé de manière précipitée. Ça sent la désactivation méthodique.

— En effet. Et on a garé l’Invincible loin de tout, comme si on en avait peur. » Geary sentit un sourire ironique s’afficher sur son visage. « Peut-être craignait-on les spectres bofs.

— J’aimerais assez apprendre que les spectres bofs ont fichu une sainte trouille aux “fantômes” humains qui s’activaient à Unité Suppléante », déclara Desjani en se servant du jargon de la flotte qui désignait les agents secrets. Elle reporta le regard sur son écran. « Mais on ne détecte rien d’autre. Aucun trafic.

— Il n’y a aucun vaisseau obscur  ? » s’étonna Geary. Il fixa son propre écran, en proie à un sentiment mitigé entre soulagement et désappointement. Il n’aurait pas été malvenu, en effet, de surprendre une petite force de vaisseaux obscurs et de l’éliminer en même temps que leur installation de soutien logistique.

« Nous ne repérons rien de tel, confirma Yuon. Cela étant, nous ne pouvons pas voir à travers les cloisons des hangars. Tous semblent alimentés en énergie, mais les supports vitaux ne fonctionnent pas.

— Et ces énormes hangars sont nombreux, marmonna Desjani.

— Détruisons-les », décida Geary. La vue de ces hangars et de ces installations, manifestement inanimés mais continuant malgré tout à servir les desseins des vaisseaux obscurs, lui inspirait une sorte de répulsion. Autant de dispositifs automatisés menant une guerre mécanique. L’incarnation sans âme de l’argument du capitaine Tulev selon lequel il ne fallait pas confier à des IA le contrôle de l’armement.

Geary afficha sur son écran le programme de bombardement cinétique et entreprit de lui désigner pour cibles les installations orbitales. Une assez vaste et massive structure orbitant à quelque distance des hangars et des entrepôts semblait tout indiquée pour héberger le gouvernement en exil. Il l’ôta de sa liste puis demanda des solutions de tir au système.

Un traitement qui aurait dû produire des résultats pratiquement instantanés rama plusieurs secondes, puis pendant une bonne minute, avant de se remettre à tourner. « Commandant Desjani, une partie des systèmes de combat m’ont l’air d’avoir un problème.

— Quoi ? » Elle se pencha sur son écran en fronçant les sourcils puis entra des commandes. « Ça marche. Il cherche à établir une solution. Pourquoi diable… ? Oh !

— Quoi ? s’inquiéta Geary.

— Les champs gravitationnels interfèrent avec les orbites excentriques. Les programmes de bombardement sont incapables de gérer ça. Ils ne peuvent pas diriger un tir précis sur de telles distances dans ces conditions. On va devoir se rapprocher bien davantage de ces installations si nous voulons larguer nos cailloux avec la certitude de les frapper.

— Une autre bonne raison d’établir Unité Suppléante dans ce système, j’imagine, admit Geary. Comment se sont-ils assurés que les installations ne seraient pas aspirées dans des orbites destructrices ?

— Toutes sont dotées d’un système de propulsion, rapporta le lieutenant Yuon d’une voix surprise. Pas assez puissant pour leur permettre de beaucoup se déplacer mais suffisamment pour ajuster leur orbite… » Il s’interrompit en prenant conscience des implications.

« Oh, bon sang ! s’indigna Desjani. Si leurs systèmes de manœuvre sont à ce point performants, elles risquent de voir venir le bombardement cinétique et d’altérer leur orbite pour esquiver nos cailloux. Une chance que nous ne les ayons pas encore lancés. Même si leur trajectoire avait été précise, on les aurait gaspillés pour rien.

— Quelles sommes ont-ils bien pu consacrer à la construction de tout ce bastringue ? » s’interrogea le lieutenant Castries, éberluée.

Le portail de l’hypernet avait été édifié assez loin des deux étoiles pour n’être pas affecté par l’imbrication de leurs champs de gravité. Cette distance impliquait donc, en l’occurrence, un transit inhabituellement long jusqu’aux installations orbitales. « Plus de sept heures-lumière, précisa Desjani. Nous avons un long trajet devant nous. Avons-nous une bonne image de la grosse station qui semble avoir été conçue pour servir de siège et de centre de commandement au gouvernement ?