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— Pas avant de voir vos cibles. Tenez vos positions. »

Reportant son attention sur le tableau général, Geary constata que les croiseurs de combat de Delta Un restaient en position près du corps principal de la flotte, lequel décrivait une parabole aplatie qui, s’il s’y tenait, s’achèverait en trajectoire orbitale autour de l’étoile Alpha. Les Danseurs surplombaient les vaisseaux de la Première Flotte de près d’une minute-lumière, de nouveaux rassemblés, sans toutefois se livrer à la chorégraphie qui leur avait valu leur surnom.

Les cinq formations des vaisseaux obscurs s’étaient toutes alignées pour frapper celle de Geary sur sa trajectoire en visant des interceptions pratiquement simultanées. Le premier de ces engagements n’aurait lieu que quarante-deux minutes plus tard.

« Des idées ? demanda-t-il à Desjani.

— Il faut absolument qu’on sache s’il se trouve sur cette installation un moyen de déverrouiller le portail, répondit-elle. Dans l’affirmative, il ne nous resterait plus qu’à retarder et lentement laminer les vaisseaux obscurs, comme la dernière fois, sauf que ça risque d’être plus difficile. Sinon, on devra trouver un moyen de s’en rapprocher et de les descendre plus vite qu’ils ne nous descendent.

— Vous me recommandez d’éviter toute action jusqu’à ce que nous sachions quelle tactique adopter ?

— Oui, amiral. » Desjani opina, les yeux toujours rivés à son écran. « Nous disposons d’au moins quinze minutes avant de manœuvrer pour déjouer leurs plans. Pourquoi ne vous occuperiez-vous pas de ce que font les fusiliers et cette femme pendant que je surveille la situation d’ensemble ?

— Excellente idée. » Il se concentra de nouveau sur les fantassins.

Il en repéra plusieurs qui remontaient prudemment une coursive vers un jeu d’escaliers de secours et se connecta à leur chef de peloton. Agenouillé près d’une écoutille, un soldat s’employait à crocheter sa serrure. Il leva bientôt les deux pouces à l’attention de son lieutenant.

« On est parés », rapporta le lieutenant. Elle se prépara à entrer en action, le souffle profond et régulier.

« Frappez, lui ordonna-t-on. À travers l’écoutille et vers la gauche. Vous les prendrez à revers.

— Compris. À travers l’écoutille sur la gauche. Feu à volonté ?

— S’ils tirent, vous avez toute latitude pour riposter. Cela dit, les galonnés veulent des prisonniers en vie. Voyez s’ils acceptent de se rendre une fois qu’ils auront compris qu’ils sont pris en tenaille.

— Entendu ! » Le lieutenant répéta les ordres à son peloton, puis, quand le plus proche soldat eut ouvert l’écoutille à la volée, les fusiliers revêtus de leur lourde cuirasse de combat entreprirent de se plier en deux et de se tortiller pour se faufiler dans une ouverture conçue pour des hommes de corpulence normale.

Derrière les portes anti-explosion qui la défendaient, ils émergèrent dans ce qui parut à Geary une autre section de la même large coursive. Plusieurs hommes et femmes vêtus d’une combinaison de survie renforcée se blottissaient là, leur tournant le dos. Ils ne se rendirent pas compte, au début, que les fusiliers arrivaient par-derrière, puis, quand l’un d’eux se retourna et poussa un cri d’avertissement, les autres l’imitèrent vivement pour affronter cette nouvelle menace.

« Lâchez vos armes ! » Amplifiée par sa cuirasse de combat, la voix du lieutenant tonnait dans la coursive.

Un des défenseurs leva son arme et la braqua sur les fusiliers. Il mourut une seconde plus tard, criblé de tirs.

Les autres restèrent un instant pétrifiés avant de se décider à laisser précipitamment tomber leurs armes.

« Nous avons six prisonniers et un cadavre », rapporta le lieutenant.

Les six survivants, dont la combinaison de survie renforcée portait le logo d’une compagnie de sécurité sous-traitante, semblaient plus terrifiés que bravaches, contrairement aux deux agents que Geary détenait à bord de l’Indomptable. « On n’a pas signé pour ça, déclara l’un d’eux. On ne tient pas à combattre des fusiliers. On est du même bord.

— Hon-hon, répondit le lieutenant. Qui commande ? Celui-là ? demanda-t-elle en désignant le mort.

— Non, non, ce sont les civils ! Ils ne s’adressent à nous que pour nous donner des ordres. Ils se sont terrés dans le centre de commande.

— Embarquez-les ! ordonna le lieutenant à son peloton. Et ouvrez-moi en grand ces portes anti-explosion.

— Attendez ! s’écria un autre vigile. On peut vous aider, les gars ! Je les ai entendus parler de ce qu’ils allaient faire. Ils s’apprêtent à griller tous les dossiers du système ! Nettoyer les archives, ils appellent ça. S’ils apprennent que vous avez franchi notre poste, ils déclencheront des bombes à impulsion magnétique dans toute la station.

— Capitaine ? appela le lieutenant.

— J’ai entendu. On décèle dans tout le système des tentatives de piratage cherchant à couper les connexions du poste de commande depuis des positions éloignées. Tenez votre position et voyez ce que ces gens peuvent encore vous apprendre. »

Puisqu’on leur avait ordonné de rester sur place quand pratiquement tout le personnel de la station prenait la poudre d’escampette, les prisonniers n’eurent aucun scrupule à se mettre à table. « Pas de place, qu’ils nous ont dit. Ils ont promis qu’ils enverraient quelqu’un nous chercher. Puis on les a vus se faire tailler en pièces. On se planque ici depuis en espérant que ces foutus vaisseaux ne nous repéreront pas. »

Geary détourna de nouveau son attention des fusiliers en espérant, pour sa part, qu’ils réussiraient à empêcher les « civils » de détruire tous les dossiers de la station. « Du changement ? demanda-t-il à Desjani.

— Ils se rapprochent encore. C’est à peu près tout. Comment se débrouillent les bidasses ?

— Ils sont sur le coup. » Geary se frotta le menton en réfléchissant à la situation. « Je crois que nous devrions…

— Amiral, nous recevons un message d’un des croiseurs de combat obscurs ! » l’interpella d’une voix sonore le lieutenant des trans. Il se fit tout petit avant même que Desjani ne lui eût décoché un regard acerbe et reprit un ton plus bas : « Pardon, commandant.

— Je suis la seule à avoir le droit de gueuler sur cette passerelle, l’avisa-t-elle. Et, quand ça m’arrive, personne n’apprécie.

— Oui, commandant. Que dois-je faire de ce message, amiral ? »

Geary avait réussi à maîtriser sa réaction et s’était contenté de répondre d’un hochement de tête. « Passez-le-moi. »

L’image de l’amiral Bloch apparut devant lui. La dernière fois qu’il l’avait vu, c’était à Prime, le système stellaire central des Mondes syndiqués, quand, vaincu, Bloch avait pris une navette pour le vaisseau pavillon syndic afin d’y négocier une reddition susceptible de sauver une flotte de l’Alliance au bord de l’anéantissement. Sur le moment, Geary croyait que Bloch avait trouvé la mort ce jour-là, assassiné par les forces spéciales syndics avec tous les haut gradés de la flotte.

Mais les Syndics n’avaient pas souhaité éliminer un captif dont les connaissances risquaient de se révéler inestimables. Ils l’avaient gardé prisonnier et, à la fin de la guerre, quand sa présence active dans une Alliance toujours exécrée avait de bonnes chances de constituer un élément perturbateur, ils l’avaient renvoyé chez lui.

Puis, après avoir failli faire perdre la guerre à l’Alliance et ne faisant plus guère secret de sa conviction que la dictature militaire qu’il avait l’intention d’instaurer guérirait tous les maux de cette même Alliance, Bloch avait été accueilli par certains en champion. En homme susceptible de contrebalancer l’immense popularité dont jouissait Black Jack Geary. Confrontés à Black Jack, ce héros dont les exploits et la notoriété étaient regardés comme une menace par les autorités gouvernementales, quelques hommes de pouvoir avaient réagi en embrassant son antithèse.