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Geary ne pouvait pas perdre du temps à s’informer davantage, mais tant le dépit que manifestait la meneuse des « civils » que la détermination avec laquelle les informaticiens des fusiliers se dirigeaient vers les postes de commande de l’installation laissaient entendre que la destruction des données ambitionnée par ces agents n’avait pas été complète.

Prenant conscience qu’il n’importait plus guère désormais que Victoria Rione découvrît l’information cruciale nécessaire à rétablir l’accès à l’hypernet dans la mesure où fuir n’était plus concevable, puisque toute dérobade reviendrait à permettre aux vaisseaux obscurs de l’emprunter pour attaquer Unité, Geary réduisit les fenêtres consacrées à la prise de contrôle de la station et reporta toute son attention sur le choc imminent des croiseurs de combat.

Les vaisseaux obscurs dépassèrent en trombe l’épave de l’Amazone, qu’ils arrosèrent copieusement. Maintenant que son réacteur était coupé, la seule manière de détruire ce qu’il en subsistait était de le pilonner d’assez de frappes pour fracasser son blindage et sa coque. La puissance de feu de dix croiseurs de combat suffisait amplement à cette tâche.

L’Amazone se désintégra sous cet impitoyable tir de barrage, réduit en fragments de toute taille qui se dispersèrent en tourbillonnant.

Alors même que la quasi-totalité des armes de l’ennemi s’acharnaient sur le cuirassé, d’autres tirs, en provenance des plus petits des vaisseaux obscurs, continuaient malgré tout de cibler ses capsules de survie, de les incapaciter ou de les anéantir en tuant assurément tous leurs occupants, hommes et femmes.

« Maudits soient-ils ! » Geary n’avait pas conscience d’avoir parlé à voix haute, mais au moins que sa colère n’était pas dirigée contre les vaisseaux obscurs mais contre ceux qui les avaient programmés ou avaient choisi de se fier à des auxiliaires de cette nature.

Les croiseurs de combat ennemis n’eurent droit qu’à quelques secondes pour jouir de leur victoire. Tulev ne tenta pas d’écorner leur formation ; au lieu de cela, il préféra la télescoper bille en tête en l’abordant par le flanc : sept croiseurs de combat à l’équipage humain contre cinq robots obscurs.

Geary n’eut qu’à peine le temps d’enregistrer les explosions avant que Desjani ne conduise Gamma Un dans la même brèche en piquant vers le bas.

L’Indomptable tangua sous les frappes mais poursuivit son chemin.

Geary s’efforça de se concentrer sur son écran pour enregistrer les résultats de ces deux assauts et entendit Desjani souffler ce seul mot désespéré : « Non ! »

En passant la première, Gamma Deux avait essuyé le plus clair des tirs ennemis.

Réduit à une traîne de débris qui s’élargissait le long de son ancien vecteur, le Léviathan n’était plus là.

« Adieu, Kostya. Votre guerre est finie », murmura Desjani.

La voix du capitaine Parr se fit entendre, mais son image ne s’afficha pas. « L’Incroyable a été pilonné à mort. Nous avons pratiquement perdu tous les systèmes, sauf le système de manœuvre qui n’est qu’endommagé. Nous pouvons suivre, mais c’est à peu près tout. Contrôle des tirs et armes hors ligne, supports vitaux tout juste fonctionnels, coms médiocres. Nombreuses pénétrations de la coque. »

Un croiseur de combat détruit et un second hors de combat.

Des nuages de débris trahissaient le sort de deux de leurs homologues obscurs. Un troisième accusait de nombreuses frappes mais semblait toujours opérationnel.

Il fallut à Geary toute sa volonté pour cesser de penser à Tulev et régler le prochain engagement. Les cuirassés des deux camps n’avaient pas participé au dernier, mais Gamma Deux et Trois fondaient à présent de conserve sur la formation des six cuirassés obscurs, la première par-dessus et la deuxième par-dessous.

Presque aussitôt, un unique cuirassé obscur s’écarta de ses compagnons dans une embardée, manœuvra de manière désordonnée puis explosa brutalement.

Mais, alors même que Gamma Trois négociait son virage suivant, le Revanche quitta brusquement sa trajectoire et transmit un rapport signalant des avaries massives.

« Vous faites ce qu’il faut, affirma Desjani, la voix ferme mais l’œil brillant. Pour chaque vaisseau que nous perdons, nous éliminons un des leurs. »

Il aurait aimé lui répondre qu’il ne savait pas s’il pourrait supporter bien longtemps cette stratégie, mais il s’aperçut que ça n’avait plus grande importance. Les chances pour qu’il survive encore quelques heures s’amenuisaient à chaque minute.

L’image de Victoria Rione lui apparut. La bataille avait déporté l’Indomptable à plus des trois quarts d’une heure-lumière de l’installation gouvernementale, à trop grande distance donc, compte tenu des circonstances, pour soutenir confortablement une conversation. Rione regardait droit devant elle et s’exprimait d’une voix aussi ferme que l’était sa contenance, mais son débit n’autorisait aucune interruption : « Amiral, nous avons trouvé des dossiers qui confirment les dires de l’amiral Bloch. L’option Armaggedon est bel et bien réelle et les plus puissants vaisseaux de la soi-disant Flotte Défensive détiennent les codes permettant d’armer les portails de l’hypernet. L’ensemble des fonctionnalités des portails nous sont encore inaccessibles, mais nous nous efforçons d’accéder à toutes celles que nous pouvons. Nous cherchons encore les codes qui pourraient désactiver ou détourner les vaisseaux obscurs, sans succès jusque-là. Tous les dossiers de l’installation ont été sauvegardés sur des dispositifs de stockage portatifs et également transférés directement dans les banques de données du Mistral. Nous avons aussi découvert un grand nombre de dossiers relatifs à nos recherches quant au moyen de copier la méthode employée par le Syndicat pour verrouiller les portails, mais les conclusions, s’il y en a eu, n’ont jamais été enregistrées ici, à moins qu’on ait pratiqué la politique de la terre brûlée et tout effacé avant notre débarquement.

» Nous n’avons pu débusquer aucun responsable, chercheur, sous-traitant ou représentant. Les archives signalent que cette installation hébergeait près de quatre cents personnes avant que ne soit donné l’ordre de l’évacuer d’urgence. Le personnel de surveillance encore présent appartient entièrement à des sociétés privées. Il a été désarmé et mis aux arrêts. Nos fusiliers ont aussi libéré une douzaine de prisonniers détenus dans un centre de haute sécurité, ainsi que du personnel médical resté sur place pour les surveiller après la tentative de fuite manquée des autres occupants.

» Nous avons découvert de vastes secteurs de l’installation qui sont restés tels quels depuis la construction. Ils contiennent du matériel en état de marche mais obsolète depuis des décennies. Si le gouvernement avait un jour débarqué ici, il aurait sans doute eu de très mauvaises surprises. »

Rione inspira profondément. « Et nous avons trouvé mon mari. Les fusiliers estiment que nous pourrons quitter l’installation dans une heure, mais le commandant du Mistral, Young, affirme qu’avant de quitter le hangar il lui faut d’abord s’assurer qu’elle peut se placer à temps sous la protection de vos vaisseaux. »