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Yves Grevet

MÉTO

 Tome 1

 La Maison

Hors-série

Couverture illustrée par Thomas Ehretsmann

Prix des Collégiens du Doubs 2008

Prix Tam-Tam Je Bouquine 2008

Prix jeunesse de la ville d’Orsy 2009

Prix Enfantaisie 2009 (Suisse)

Prix Ruralivres en Pas-de-Calais 2008/2009

Le Roseau d’or 2009

Prix Gragnotte 2009 de la ville de Narbonne

Prix Chasseurs d’Histoires 2009 de la ville de Bagneux

Prix des Dévoreurs de livres 2010 (27)

Prix Frissons du Vercors 2010

Prix Bouqu’en Stock 2010 (académie de Rouen)

Prix des lecteurs ados de Concarneau et Quimperlé 2010

© Syros, 2008

Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse

« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »

ISBN : 978-2-74-850970-0

À Pierre

Sommaire

Couverture

Copyright

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

L’auteur

Chapitre 1

Crac !… Le bruit est à peine audible, mais il réveille tout le monde. Les respirations sont coupées. On attend dans un silence angoissant. Il est cinq ou six heures du matin. On sent poindre le jour à travers l’oculus. Soudain Servius chuchote :

– C’est Quintus !

– Non, c’est pas moi ! répond l’autre, comme si on l’injuriait.

– Taisez-vous tous, gronde Claudius, taisez-vous ou ils vont venir. Allez ! Tout le monde dort, espérons que ça ne se verra pas.

Une heure plus tard, le moment est venu de se lever. Chacun se redresse et descend lentement de son lit, puis en fait le tour en pinçant délicatement avec son pouce et son index les fines planches qui l’entourent.

La plupart du temps, ce geste quotidien est presque un plaisir. En l’accomplissant, on s’assure que tout va bien. Ce matin, c’est différent, un lit a craqué pendant la nuit. Un de nous est en danger et vit peut-être ses dernières heures dans la Maison.

– C’est Quintus !

La phrase est partie comme une flèche, mais cette fois on ne sait pas qui l’a prononcée. Quintus est assis par terre, la tête entre les mains. Tous les enfants passent près de lui. Certains lui touchent l’épaule en signe d’affection, les autres osent à peine le regarder. Marius pleure bruyamment.

Nous nous dirigeons vers la salle des lavabos. Marcus s’approche de moi et me glisse à l’oreille d’une voix hésitante :

– On ne peut pas continuer comme ça !

– Je sais, Marcus, dis-je sans le regarder. Mais qu’est-ce qu’on peut faire ?

À peine avons-nous franchi la porte à battants qu’une sirène nous intime l’ordre de ne plus bouger et de fermer les yeux. On entend un bruit de pas rapides dans le couloir. Ils sont au moins cinq. Je pense tout à coup à Rémus que je n’ai pas vu se lever. Que va-t-il lui arriver quand, venant chercher Quintus, ils le verront dormir ?

L’un d’eux s’est arrêté au milieu de la salle des lavabos. Au bout de quelques secondes, il entreprend une inspection. Il fixe les visages de très près. On sent la forte odeur de la graisse qu’il met sur ses chaussures ferrées. Cette odeur m’écœure. Je salive. Je sens que je pourrais vomir. Il se tourne vers la porte et s’immobilise. On entend les mêmes pas rapides dans le couloir, auxquels s’ajoute le bruit d’un sac qu’on traîne. Notre cerbère se dirige vers la sortie. J’entrouvre un œil et le vois de profil. C’est un homme de petite taille, plus petit que moi, sa tête paraît très grosse et comme déformée, et ses bras sont trop longs.

Après le petit déjeuner, César 1 vient me chercher et m’emmène dans la salle bleue. Il porte une barbe fine et a le crâne qui luit. Un numéro 1 est brodé sur sa poitrine. Il me fait signe de m’asseoir sur un des bancs qui longent les murs. Il disparaît derrière une petite porte. J’attends. Je ne sais où porter mon regard. Je connais ces murs vides par cœur. J’ai souvent patienté ici dans l’attente d’une sanction. Cela fait plus d’un an que je ne suis plus revenu. La porte s’ouvre. Un jeune enfant entre, suivi de près par César 3, copie quasi parfaite du numéro 1.

– Je te présente Crassus. Tu seras responsable de lui pendant un mois. C’est à toi de l’initier aux règles de la Maison. C’est à toi de lui éviter toutes les erreurs que commettent ceux qui ne savent pas. Aujourd’hui, tu lui fais visiter les lieux. Tu es dispensé d’activités. Tu as bien compris : s’il commet une faute, c’est toi qui paies, et cela pour une durée d’un mois à compter de ce jour.

– J’ai compris.

J’avais compris avant même qu’il ne parle. Quintus est « parti » et il faut le remplacer le jour même avant midi. C’est la première fois qu’on me confie une initiation. J’ai déjà vu les autres à l’œuvre. Je sais que c’est périlleux car les enfants, pourtant tous dociles dès le départ, ne peuvent éviter de se tromper. Il y a tellement de règles à apprendre ! Il faut au début sans cesse se contrôler. Le principal conseil à donner, c’est d’attendre, de toujours attendre : attendre avant de parler, attendre avant d’agir.

– Ne reste pas planté là, dit doucement César 3, tu as du travail. Commence tout de suite. César te verra en fin de journée. Au revoir.

Sans un regard, il sort. Je me tourne vers le nouveau.

– Bonjour, Crassus. Écoute bien mon conseil : face à toute situation inconnue, fais la statue. Reste immobile et la bouche fermée. Attends que je t’explique. Même si tu es sûr d’avoir compris, ne te précipite pas. Regarde d’abord comment je fais et imite-moi, même si cela te paraît bizarre… Au départ, tout te paraîtra bizarre ici. Après, ça devient naturel et on n’y pense plus. Rappelle-toi : tu as de la chance d’être ici. On dort au chaud dans des draps propres et on mange à notre faim. On peut aussi lire et apprendre des jeux.

– Comment tu t’appelles ?

– Je ne te l’ai pas dit ? Je suis Méto. On va commencer par le dortoir. Aujourd’hui, je vais te parler presque sans arrêt. N’hésite pas à me faire répéter, si tu ne comprends pas bien.

Nous marchons dans des couloirs déserts. Par moments, Crassus serre son manteau contre lui, comme s’il avait froid. Je reprends :

– Aujourd’hui, nous sommes le 29. C’est un jour impair, un jour à piqûre. Nous devons être à l’infirmerie pour dix heures. Tu dois commencer à comprendre qu’ici les horaires sont très stricts.

– Stricts ??

– Ça veut dire qu’il est très important de les respecter et qu’il ne faut jamais arriver en retard. Sinon…

– Sinon ?

– On peut avoir des ennuis. Mais si tu fais attention, tout ira bien.

Je pousse la porte du dortoir et prends la main de Crassus qui, bien que surpris, se laisse faire.

– Surtout, tu ne touches pas les lits. Lis ce qui est écrit là, sur le mur.

Il se tourne vers moi d’un air étonné.

– Vas-y ! Lis. Tu ne sais pas lire ?

– Non.

– Écoute bien, alors : Le dortoir est exclusivement réservé au repos. Tu as compris ? Ici, personne ne jouera avec toi, personne ne te poursuivra pour s’amuser. Tu ne verras personne se cacher, ni se battre, même gentiment, avec un oreiller. Ici le mobilier est précieux, surtout les lits qui sont extrêmement fragiles. Un seul contact un peu violent peut casser une des parois, et un lit cassé, c’est l’expulsion.