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— Pas tellement. Monfalcone est une petite ville. Dans ce genre de patelin, tout se sait vite et la police locale nous fournira certainement des renseignements intéressants.

Deux heures plus tard, ils quittaient Gênes à bord de la Giuletta de Luigi de Megli. On n’avait pas retrouvé la trace de Montale et d’Emma Fordoro, mais leur signalement avait été transmis aux forces territoriales, aux forces mobiles, aux céleri, aux carabiniers et à toutes les polices spécialisées.

— Difficile de passer au travers d’un tel réseau, dit Luigi en fonçant à cent-vingt sur l’autoroute de Milan. Ils finiront par se faire arrêter, tôt ou tard.

Kovask n’en était pas tellement certain.

— Ils peuvent avoir filé par la mer. Ce Montale devait être un type organisé qui devait avoir autre chose à se reprocher qu’un simple sabotage, en partie raté.

— D’accord avec vous. Il devait couvrir un réseau s’étalant sur plusieurs provinces. Mais, ce que je trouve le plus curieux dans cette histoire, c’est le mariage de la fille avec le chimiste. Il n’a joué qu’un rôle involontaire dans cette histoire.

— Peut-être l’avaient-ils mal jaugé au départ, répondit Kovask qui cependant resta songeur par la suite. Il finit par trouver une réponse valable.

— De gré ou de force, il se trouvait compromis dans cette affaire. Les deux compères auraient pu, alors, le forcer à travailler pour eux, peut-être à fabriquer des explosifs. Il est très attaché à cette fille et aurait fini par céder.

De Megli grogna une vague approbation.

Ils arrivèrent à Monfalcone en fin d’après-midi, après un arrêt d’une heure pour manger un morceau. Le chef de la police locale les attendait en compagnie d’un lieutenant des forces mobiles. De Megli avait fait le nécessaire depuis Gênes pour qu’ils trouvent déjà des renseignements en arrivant sur place.

Le chef de la police nommé Sacchi, leur présenta le lieutenant Ferrone.

— Suite aux instructions que j’ai reçues ce matin, j’ai dressé une liste d’une vingtaine de personnes, hommes et femmes, travaillant aux chantiers en question, et qui pour diverses raisons ont attiré sur elles l’attention de mes hommes et de ceux du lieutenant Ferrone.

Ce dernier, long et sinistre dans son uniforme, donna un coup de menton pour approuver.

— Vingt personnes, s’écria Luigi. Eh bien ! voilà du travail sur la planche.

— Parmi eux, se trouvent des dirigeante syndicaux qui …

— À éliminer, dit Kovask. Les gens que nous traquons ne les utilisent que dans de rares occasions. En fait, le pourcentage est extrêmement faible, à l’exception des grèves politiques.

— Je les ai marqués d’une croix, dit le lieutenant Ferrone. Pour les autres, nous avons donné une petite indication.

En face du nom d’une certaine Maria Pagan, Kovask amusé lut : reçoit chaque soir un homme différent dans son appartement. Profession, manipulatrice.

— Nous emportons cette liste, dit-il. Nous avons besoin de repos et d’un repas. Dès demain, nous vous contacterons.

Le soir, dans la chambre d’hôtel de Kovask, ils sélectionnèrent quatre noms. Trois hommes, une femme.

Cette dernière se nommait Rosa Choumanik et travaillait aux chantiers comme monteuse d’appareillages électriques. Elle était d’origine yougoslave et redoutait d’être renvoyée dans son pays qu’elle avait quitté cinq ans plus tôt.

— Possibilité de chantage, dit Luigi. Il nous faut la retenir.

— Son métier lui permet de pénétrer à l’intérieur du cargo. Au fait, comment doit se nommer ce dernier ?

— OLBIA.

Giulio Dallafavera, chef de l’atelier de soudure, avait, depuis quelques mois, une vie agitée.

Il avait renvoyé sa femme chez ses parents, passait son temps dans les bistrots, cherchait de mauvaises querelles à n’importe qui.

— Le chef de la police a puisé dans ses rapports, constata Kovask, mais nous ne lui avons guère laissé le temps d’agir autrement. Si ce Dallafavera a mauvaise conscience, son attitude s’explique. Reste à savoir pourquoi il a éloigné sa femme.

— Carlo Caburi, énonça Luigi, ingénieur électricien. Passe ses week-ends au Lido. Réputation de gros joueur.

Kovask eut un sourire écœuré.

— Si c’est lui on peut dire qu’ils ne cherchent pas l’originalité. J’ai déjà connu au moins une dizaine d’espions amateurs qui auraient vendu père et mère pour continuer à jouer.

— Enfin notre troisième homme. Giovanni Galtore, technicien en isolation thermique et sonore. Le policier a marqué « cas spécial ». Nous en saurons davantage demain.

L’un et l’autre passèrent une excellente nuit, se retrouvèrent dans la salle à manger du petit hôtel pour un déjeuner copieux.

— J’étais sûr que Galtore vous intriguerait, dit le chef de police quand ils l’eurent rejoint au commissariat. Je ne pouvais expliquer en totalité pourquoi cet homme est suspect.

Il accepta une cigarette et commença son récit :

— L’an dernier, un enfant de huit à neuf ans s’est noyé dans le port, au moment de la sieste. Personne, sauf Galtore, parmi les six personnes présentes ne savait nager. Les sauveteurs sont arrivés trop tard. Ce n’est que le lendemain qu’on a commencé à murmurer dans la ville. Je me suis rendu chez lui, il habite un petit garni dans la rue principale et je l’ai interrogé. Comme je le menaçais de l’inculper pour non-assistance à personne en danger, il m’a sorti tut certificat médical signé du jour même. Le médecin affirmait qu’il souffrait du foie, depuis plusieurs jours ce qui lui donnait de l’hydrophobie.

Kovask et de Megli échangèrent un bref regard. Ils étaient assez déçus.

— Attendez, ce n’est pas tout. Cet hiver, un cycliste a été renversé par une voiture, un dimanche soir. L’automobiliste a filé. Le blessé, assez grièvement atteint, pouvait cependant appeler au secours. Un type en Vespa s’est arrêté, l’a regardé. Le blessé lui a demandé de prévenir une ambulance. L’inconnu est reparti.

— L’ambulance n’est jamais venue ?

— C’est la police routière qui l’a finalement secouru. Une chance sur cette petite route déserte.

— Et le blessé a donné la description de Galtore ?

— Oui. Je suis allé le trouver. Il m’a répondu qu’il n’avait pas quitté sa chambre, durant tout le dimanche.

Les trois hommes fumèrent en silence. Le cas de Giovanni Galtore était vraiment exceptionnel. Pourquoi, en deux fois, et dans des circonstances faciles, avait-il refusé d’apporter son aide à une personne en danger de mort ?

— Évidemment, je ne pouvais trop pousser mon interrogatoire. Un certificat médical, la première fois, l’absence de preuves, la seconde, me l’interdisaient. Finalement, j’ai classé les deux affaires et ce n’est qu’hier que j’ai pensé à lui comme suspect.

— Nous en avons sélectionné quatre, dit Kovask, et il ne faut pas nous laisser fasciner par l’étrange comportement de Galtore.

Pendant une heure ils discutèrent de Rosa Choumanik et des deux autres hommes.

Sacchi demanda des précisions sur tous les quatre à la direction des chantiers. De Megli, l’écouteur à l’oreille, prenait des notes rapides.

— Bon, résumons-nous. Nous pouvons éliminer l’ingénieur électricien Carlo Caburi. Il dispose d’une coquette fortune, possède même des actions des chantiers. Son salaire est assez élevé, car il est un excellent technicien. Près de quatre cents mille lires par mois, ce qui est vraiment bien dans notre pays.

Kovask sourit. Tous les Européens s’imaginaient que les salaires aux États-Unis étaient astronomiques.