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— Je comprends, signore Montale. Je crois que je vais faire comme vous me le demandez.

— Voilà qui est parfait mon cher ami. Je peux même vous promettre une prime, lorsque vous me ferez parvenir le plan détaillé des points non ignifugés de l’OLBIA.

— De l’argent voulez-vous dire ?

— Oh ! peu de choses. Cent mille lires. De quoi vous encourager, pour d’éventuelles nouvelles besognes.

Cet homme se sentait absolument sûr de lui ou bien était d’une inconscience totale. Il confondait troubles mentaux et insuffisance intellectuelle et prenait Giovanni pour un parfait imbécile. Rosa avait depuis longtemps apprécié son intelligence exceptionnelle.

— De plus, poursuivait l’espion, cette méthode n’offre aucun danger pour vous. Les détériorations de l’installation électrique ne se feront que d’ici quelques mois, lorsque le bateau naviguera. On mettra en cause les matériaux utilisés et personne ne viendra vous demander des comptes.

Il y eut un bruit de chaises.

— Vous partez ?

— Bien sûr, puisque nous sommes d’accord. Rosa avait la gorge si contractée qu’il lui aurait été impossible de crier et même de murmurer. Elle se cramponna au rebord de la lucarne, peina énormément pour remonter son corps, pénétrer à nouveau dans la cuisine. Elle faisait beaucoup de bruit, mais, apparemment, aucun des deux hommes n’y prêtait attention.

En titubant, elle s’approcha de la porte et découvrit un spectacle affreux. Un homme grand et robuste se tordait sur le sol, les mains griffant son visage. Debout, à côté de lui, Giovanni tenait encore par le col, le ballon qu’il venait de lui casser sur la tête.

— Tiens, tu étais là, Rosa ? Il se mit à rire.

— Tu le vois ? Je lui ai cassé un ballon d’acide nitrique sur le crâne et il en fait toute une histoire.

CHAPITRE IX

Ugo Montale mourut le lendemain matin vers six heures à l’hôpital américain de Trieste, où Kovask avait obtenu de le faire transporter. Il apprit la nouvelle, alors qu’il buvait un café avec de Megli et Rosa Choumanik dans la salle de l’hôtel. Il revint vers ses compagnons, la mine sombre.

— C’est fini, n’est-ce pas ? demanda la jeune femme.

Le lieutenant commander la regarda longuement avant de répondre. Malgré la nuit épouvantable qu’elle venait de passer, elle restait elle-même, avec, peut-être, quelques rides provisoires de fatigue au coin des yeux.

— Que vont-ils faire de Giovanni ? De Megli la rassura :

— Nous pourrons témoigner pour lui, expliquer que c’est dans un sursaut d’indignation et de patriotisme qu’il lui a cassé ce ballon d’acide sur la tête. Évidemment l’outil du meurtre, comme on dit en jargon judiciaire, ne joue pas en sa faveur, mais on a trouvé un pistolet automatique dans la poche de Montale. Un avocat en possession des renseignements que nous avons pourra établir la préméditation de Montale, qui s’est joué de votre ami pendant de longs mois.

Elle appuyait sa joue contre sa main et restait rêveuse.

— Il restera en prison jusqu’au procès ?

— Hélas oui, dit de Megli.

Ils crurent qu’elle allait pleurer, mais ses yeux restèrent secs.

— Hier au soir, il a eu quelques instants d’incohérence. Ne vont-ils pas l’enfermer à nouveau à cause de ses antécédents ? Ici, tout le monde dira que c’est le crime d’un fou.

Kovask consultait sa montre.

— Nous allons partir, Rosa.

Son regard glissa vers lui et pendant quelques secondes leurs yeux s’accrochèrent.

— Vous m’en voulez pour cette nuit ? Si j’étais allée vous chercher, il ne se serait peut-être-rien passé.

— Il y avait aussi un policier qui surveillait la rue. Il n’a pas fait attention à Montale qui pénétrait dans le café. Pour moi, il connaissait l’endroit depuis longtemps. Cet homme-là ne laissait rien au hasard. Il s’est trompé une seule fois, avec Galtore.

Les clients matinaux se montraient d’une curiosité presque déplacée. Kovask posa sa main sur l’épaule de la jeune femme, tressaillit de la trouver tiède et ronde.

— Vous resterez à Monfalcone ?

— Encore un peu. Ils finiront par ne plus s’intéresser à moi. Depuis que j’ai quitté mon pays je commence à avoir l’habitude de ces petites tracasseries.

Une heure plus tard, les deux hommes roulaient en direction de Rome. L’un et l’autre n’avaient pas ouvert la bouche depuis leur départ, et Kovask pensait à Rosa Choumanik tout en sachant que son compagnon en faisait autant de son côté.

Un peu après Padoue, de Megli éclata d’un rite joyeux :

— Nous en faisons une tête l’un et l’autre mon vieux. Mais je crois que vous aviez toutes les chances avec elle.

Ensuite ils discutèrent de l’affaire. Kovask remuait déjà une vague idée.

— Si nous retournions voir Bruno Fordoro, le chimiste de la Scafola ? Il doit encore se trouver en clinique et se faire des idées noires au sujet de sa femme. Peut-être, pourra-t-il nous donner un tuyau sur elle.

Luigi ne répondit pas tout de suite, car il entreprenait de doubler un convoi d’une demi-douzaine de camions lancés à une allure folle.

— Pourquoi nous l’aurait-il caché l’autre jour ?

— Il a eu le temps de réfléchir, seul, abandonné, sans nouvelles de sa femme.

— Alors on fait le détour ?

— Je crois que c’est préférable. Lorsqu’au début de l’après-midi ils pénétrèrent dans la chambre de Fordoro, à la clinique de Gênes, ils furent frappés par son changement physique. L’homme avait encore maigri et ses yeux semblaient encore plus fiévreux. Il eut un sourire amer.

— Vous venez m’annoncer la nouvelle ? Je viens de recevoir les journaux du soir.

Kovask y jeta un coup d’œil. L’information n’était pas encore très développée malgré le titre tapageur :

UN FOU BRISE LE CRANE DE SON VISITEUR AVEC UN FLACON D’ACIDE.

— Et elle ?

— Elle n’était pas à Monfalcone, dit Kovask. Il était venu seul. On a retrouvé sa voiture. Nous sommes venus, car nous pensons que vous pouvez nous aider. Nous devons retrouver votre femme pour obtenir des précisions sur les activités de Ugo Mon taie. Je suis certain que vous avez réfléchi à l’endroit où ils pourraient s’être cachés durant ces derniers jours.

Bruno Fordoro soutint le regard des deux hommes.

— Je n’en ai aucune idée. Je reçois tous les jours la visite de la police qui me pose la même question.

Kovask lui offrit une cigarette :

— Vous espérez reprendre l’enquête à votre compte une fois qu’on vous aura enlevé le plâtre ?

Le chimiste haussa les épaules.

— Absolument pas. J’essaye d’oublier, et ce plâtre, bon gré mal, va m’y aider.

En sortant de la clinique ils se rendirent à la questure, apprirent que le bureau de Montale était toujours placé sous scellés. Un inspecteur les accompagna au deuxième étage de la rue du vingt-cinq avril.

— Nous allons fouiller les dossiers, relever les noms de la direction générale de Rome qui reviennent le plus souvent.

De Megli passa sa main sur son visage.

— Nous n’en sommes pas encore sortis.

— Au travail. Nous pouvons en terminer, avant la nuit.

— Parce que vous croyez vraiment que le réseau couvre toute la T.A.S.A. Qui ne vous dit pas que Montale dépendait directement d’un autre système ?