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— Étrange, très étrange. Je me demande qui était exactement cet individu.

Kovask lui expliqua, en évitant de faire allusion à ce réseau utilisant l’honorabilité de l’école, que Montale se servait sans vergogne des dossiers des élèves qui lui convenaient.

— C’est très désagréable, dit Mr Welchand. Si la direction de Londres se doutait de ce scandale…

— Je vous promets la plus grande discrétion. De toute façon, mon intervention est préférable à celle de la police italienne.

— Grands dieux oui ! Avec leur fougue habituelle et leur goût pour le drame, nous serions vite populaires. Qu’attendez-vous de moi ?

— Je voudrais compulser les dossiers des élèves de ces dernières années. Surtout ceux qui ont fini leurs études chez vous.

Mr Welchand accepta d’emblée.

— Je vais vous présenter à notre archiviste, un garçon très bien qui vous sera d’une grande utilité.

Il appela un certain Alberti par l’interphone.

— Giorgio Alberti, trente-quatre ans, licencié en droit et diplômé des hautes études commerciales. Nous, avons un fichier de plusieurs centaines de milliers de noms.

Kovask sentit les cheveux se hérisser sur sa nuque.

— Ne vous effrayez pas. Grâce à Alberti vous pourrez faire une sélection rapide, car il possède un système de classement efficace dans lequel il tient compte d’un certain nombre de facteurs physiques et psychologiques.

On frappait à la porte du bureau et Alberti, plus grand que la moyenne des Italiens, élégant et souriant, entra dans la pièce ; Il écouta le directeur avec attention, après les présentations habituelles.

— Je vois très bien de quoi il s’agit, dit-il. Si le signore Kovask veut m’accompagner dans la salle des archives, nous pourrons nous mettre immédiatement au travail.

Cette salle ressemblait à une bibliothèque avec une galerie supérieure, des échelles roulantes et des tables conditionnées pour la lecture des différentes pièces d’un dossier.

— Indiquez-moi le genre d’élèves dont vous désirez étudier les cas.

— En règle générale, ce sont des inadaptés sociaux, par exemple d’anciens malades, ou même des malades en cours de traitement, des individus sortant de prison, des étrangers, etc.

— Et ayant suivi quels genres de cours ? demanda le souriant Alberti.

— Perfectionnement. En général, ils ont quelques connaissances de leurs métier, mais veulent les parfaire. Enfin un dernier point il faut que ces élèves aient été contactés de prime abord par une de vos agences de province.

— Naples, Milan, Gênes, Venise ?

— Oui.

Les employées se mirent au travail et, déjà, au bout de cinq minutes, il disposait de nombreux dossiers. Dans la demi-heure qui suivit il les vit s’amonceler tout autour de lui et cacha, tant bien que mal, sa panique, regrettant l’absence de De Megli.

— Près de cent dossiers, annonça l’obligeant archiviste. Nous pourrons encore en découvrir quelques autres.

Alors que midi approchait, Kovask, pris d’une brutale inspiration, s’intéressa aux dossiers de Gênes, réclama ceux de Fordoro et de Galtore. Il les reçut tout de suite après.

À l’heure de la fermeture il se leva.

— Je reviendrai ce soir, dit-il à Giorgio Alberti.

L’air très ennuyé, il quitta les bureaux de la T.A.S.A., une immense jubilation au cœur.

CHAPITRE X

C’était un petit pavillon de banlieue, comme les Anglais qui vivaient à Rome au début du siècle aimaient à s’en faire construire sur les hauteurs. Celui-là, situé dans le quartier de la Parrocchieta avait un étage, des mosaïques autour des fenêtres et des portes, un petit perron avec une rampe en fer forgé.

De Megli examina le pavillon, le jardinet, pendant plusieurs minutes. Les deux hommes s’étaient arrêtés de l’autre côté de la rue pour échanger quelques réflexions.

— Vous êtes certain de vous, Serge ?

— Absolument. Notre homme vient de quitter sa pension de famille, et à cette heure, il doit mettre de l’ordre dans ses papiers. Ma visite a dû quand même l’alerter, mais je ne pense pas qu’il s’inquiète outre mesure.

De Megli paraissait perplexe.

— Normalement, je devrais être en train d’attendre un coup de fil du patron. Ses hommes se demandent si le chef de la publicité n’est pas suspect, car il semble dépenser plus qu’il ne gagne…

— Laissez tomber, mon vieux. Pour une fois, la méthode par élimination n’a rien donné, et vous pourriez chercher un mois dans la vie des trois hommes en question, sans obtenir un résultat. Sans cette visite au siège même de l’école, nous en serions à nous morfondre chez vous.

— Et vous ne voulez encore rien dire ?

— Tout à l’heure.

Il tâta dans sa poche le Beretta que Luigi lui avait remis.

— Je crois que nous pouvons y aller.

D’un pas décidé, il traversa la rue, sonna à la porte du jardinet.

— S’il ne répond pas ?

— Pourquoi pas ?

La porte du pavillon s’ouvrait, un éclairage extérieur diffusa une vive lumière.

— Qui est-ce ?

— Signor Alberti ? Pouvez-vous me recevoir quelques instants ?

L’homme s’approchait de la grille. Il eut un haut-le-corps en reconnaissant son visiteur.

— Signor Kovask ? Que me vaut l’honneur …

— Ouvrez-nous donc. Nous discuterons plus facilement à l’intérieur.

Il y eut quelques secondes de flottement et l’Américain eut l’impression que son homme allait prendre ses jambes à son cou, et s’enfuir de l’autre côté.

— La porte n’est pas fermée à clé, dit Alberti d’une voix assurée.

Sans plus s’occuper d’eux, il pivota sur ses talons et marcha vers la maison. Ils le suivirent jusqu’à un petit studio affreusement meublé dans le style d’avant-guerre, situé sur l’arrière du pavillon.

— Vous étiez en train de travailler dans la pièce donnant sur le devant, remarqua Kovask.

— Mon bureau.

— Vous prenez les dossiers pour les examiner ici ?

Alberti le regarda tranquillement.

— Cela m’arrive. Je ne crois pas connaître votre ami.

— Capitaine de corvette de Megli, détaché de l’amirauté et chargé d’une enquête intéressant la sécurité intérieure.

Cette fois, l’archiviste tiqua sérieusement.

— Vous comprenez ce que nous vous voulons ? Vous avez commis une erreur ce matin. Savez-vous laquelle ?

Ils crurent que l’homme allait se défendre, protester, les menacer. Alberti fronça seulement les sourcils.

— Une erreur ? Laquelle ?

— Parmi tous les dossiers que je vous avais demandés, il en manquait deux, et, lorsque je les ai demandés, l’une de vos employées est allée les chercher dans un tiroir de votre bureau.

De Megli surveillait l’homme avec attention. Il ne paraissait pas armé, mais ce n’était peut-être qu’une apparence.

— Les dossiers de Bruno Fordoro et de Giovanni Galtore. Deux hommes qui n’ont apparemment aucun lien entre eux. Deux hommes plus ou moins mêlés à une affaire de sabotage et d’espionnage.

Alberti avait peut-être pâli, mais son maintien était toujours aussi digne.

— Un hasard. J’ai lu ce qui est arrivé à notre agent de Gênes, Ugo Montale, et j’ai cherché dans les dossiers des élèves présentés par lui.

Ce ton ferme, cette réponse plausible ébranlèrent Kovask. De Megli d’ailleurs paraissait également peu persuadé de la culpabilité de leur hôte, et essayait d’accrocher son regard.