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— Je ne répondrai qu’en présence d’un juge d’instruction. Toutes vos promesses et vos menaces ne me feront pas parler.

Kovask sentait l’amertume l’envahir. Il avait mis le doigt sur le chaînon qui manquait et l’homme allait lui échapper. Parce qu’il s’était trouvé seul à ce moment-là et avait eu besoin des collègues de De Megli.

Ce dernier comprit la situation et l’entraîna à part.

— Je pense connaître le fond de vos pensées et elles ne sont pas très optimistes ?

Kovask en convint.

— Ce qui vous intéresse, c’est l’homme de Londres ?

— L’homme ou la maffia. Il n’est pas impossible qu’ils soient plusieurs pour diriger un si important réseau international.

— Et vous ne pensez pas qu’il parlera ? L’Américain baissa le ton de sa voix :

— Il aurait fallu que je vienne seul, dit-il. Ce n’est pas en lui appliquant quelques gifles qu’on obtiendra de lui le nom du grand patron. Il aurait fallu composer avec lui.

— Je vous comprends, dit Luigi, mais, pour nous autres Italiens, c’est lui le principal coupable. Nous vous donnerons évidemment toutes les indications pour poursuivre votre enquête.

— Encore heureux, répondit Kovask en tournant les talons. Il revint dans le bureau, feuilleta quelques papiers, puis s’installa dans un fauteuil pour mettre de l’ordre dans ses idées.

Quelques minutes plus tard, il descendit à la cave, jeta un coup d’œil au poste de radio avant de s’intéresser au petit tumulus de terre tassée. Il trouva une pelle dans la chaufferie et commença à creuser le sol.

À l’aspect de la terre fraîche il devina que le corps avait été recouvert de chaux vive avant d’être enterré. La fosse n’était pas profonde et il mit à jour des lambeaux de vêtements. La chaux ne les avait pas attaqués. Un tissu assez lourd de veste d’homme. Il serait obligé de laisser faire l’équipe de la marine italienne, pour l’identification. Néanmoins, il continua, découvrit un ossements un cubitus certainement, en partie rongé.

Il rejeta sa pelle et alluma une cigarette. Juste comme il allait remonter, il eut l’idée d’aller jeter un coup d’œil sous les escaliers, et découvrit à la lueur de sa lampe un affaissement dans le sol, un carré de vingt centimètres de côté environ. Il retourna chercher sa pelle, l’enfonça dans le sol, humide et souleva une grosse motte de terre. Avec un soin extrême il l’émietta. Là aussi on avait placé de la chaux vive. Des lambeaux informes de tissus, les marques des vêtements du cadavre inconnu certainement. Un petit objet attira son attention.

Une fois nettoyé c’était un briquet en or avec deux initiales sous la semelle. T.H.

Kovask glissa l’objet dans sa poche, puis continua de fouiller la motte de terre. En pure perte, d’ailleurs. Il remit le tout en place, le tassa et remonta au rez-de-chaussée sans se nettoyer les mains, ce qui attira tout de suite l’attention des Italiens.

— J’ai commencé à déterrer le corps mais il n’y a presque plus rien. Ce salaud l’avait placé dans de la chaux vive. Il faudra des spécialistes pour découvrir un indice.

De Megli se tourna vers Alberti.

— Qui est-ce ?

— Cherchez-le vous-même.

Il reçut deux paires de gifles mais haussa les épaules.

— Nous avons décidé de nous relayer ici le temps qu’il faudra, dit ensuite Ucello, avant de passer l’affaire à la questure. Il faut qu’il nous en dise le plus possible.

— Vous serez inquiété par le juge, ricana Alberti.

Kovask alla se laver les mains. En prenant ses cigarettes, il sentit le briquet sous ses doigts. Ce n’était pas un indice bien passionnant.

— Nous avons trouvé dans son vestiaire une veste achetée en Angleterre. Il doit se rendre là-bas assez souvent, dit de Megli. Il faudra se renseigner auprès de son directeur pour avoir des précisions. D’ici quelques jours, évidemment. Nous ne voulons pas ébruiter l’affaire tout de suite. Certains des « élèves sélectionnés par lui » doivent être sérieusement mouillés. Nous allons faire un beau coup de filet dans tout le pays. Je suis sûr qu’il y a aussi un ou deux directeurs d’agences provinciales dans le coup, comme l’était Ugo Montale.

Kovask songeait qu’il n’avait plus qu’à reprendre l’avion pour Londres et démarrer à zéro, une fois dans la capitale britannique. Il ne pouvait attendre qu’Alberti accepte de parler. Il pouvait tenir quarante-huit heures. Kovask avait déjà eu affaire à ce genre d’homme et il était capable de donner du fil à retordre à l’équipe du capitaine de vaisseau Ucello.

— Regardez, dit de Megli en lui tendant une enveloppe adressée poste restante et oblitérée à Londres.

— Il a pu la recevoir aujourd’hui. Elle se trouvait dans la corbeille à papier. Pas moyen de mettre la main sur la lettre évidemment, mais cela fortifie votre théorie.

Il en aurait fallu davantage pour satisfaire Kovask.

CHAPITRE XI

À son arrivée à Londres, Serge Kovask s’était rendu à l’ambassade américaine et y avait rencontré l’attaché naval, le commodore Mc Laglen. Ce dernier avait fait des recherches dans le fichier de l’ambassade et avait été le premier surpris d’y trouver quelques notes au sujet de la Technical and Scientific Academy.

— Vous avez eu le nez fin, lieutenant. Lisez ceci.

La fameuse école par correspondance avait l’intention d’établir un siège à New York et avait eu, à ce sujet, des contacts avec l’ambassade.

— Ils ont maintenant une équipe sur place, dit Mc Laglen en faisant courir son doigt sur la dernière ligne. C’est donc qu’ils ont surmonté toutes les difficultés.

Kovask restait encore sous le coup de la révélation. Il était venu à l’ambassade avec simplement l’intention de se faire introduire auprès du directeur général de la T.A.S.A.

— Vous comprenez que, dans ces conditions, ils n’ont rien à nous refuser, poursuivait le Commodore. Que leur voulez-vous à ces gens ? Vous êtes en mission spéciale, hein ?

En quelques mots et sans lui dévoiler grand-chose, Kovask le contenta.

— Bigre ! Je vous recommande la prudence. Savez-vous qui est le directeur général de cette école ? Lord Simons. Quelqu’un de très connu à Londres. Très autoritaire.

Kovask consultait toujours la fiche.

— Il n’y a pas moyen de savoir comment les contacts ont été pris avec l’ambassade ? Je ne vois aucune référence là-dessus.

Mc Laglen sourit.

— La date suffit pour cela. Un instant s’il vous plaît.

Son absence dura cinq minutes et il revint avec un nom sur une feuille de papier.

— Thomas Hacksten, secrétaire général. Il nous a fait plusieurs visites en mars et avril. Croyez-vous que cela vous sera utile ?

— Très certainement, dit Kovask. Je vous rappellerai donc pour savoir l’heure de mon rendez-vous avec lord Simons ?

— Demain, j’espère. Il ne peut nous refuser cela, après toutes les facilités que nous lui avons apportées.

Facilités, pensait Kovask, qui permettaient à la plus formidable entreprise de subversion et d’espionnage de pénétrer sur le territoire des States. Ce projet d’installation à New York pouvait avoir été conçu dans la plus grande honnêteté, mais quelqu’un avait tout de suite vu l’intérêt qu’il présentait.

Dans le taxi, il jeta un coup d’œil sur le nom de l’homme ayant eu des contacts avec l’ambassade. Il tressaillit. Thomas Hackslen. Les initiales T.H. Les mêmes que sur le briquet trouvé dans la cave d’Alberti. Il sortit l’objet de sa poche et l’examina une nouvelle fois. Il l’avait démonté, n’avait pu en tirer le moindre renseignement.