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— Je vais vous donner quelques renseignements et des tuyaux. Vous pourriez commencer dès demain ?

— Pourriez-vous me présenter dès cet après-midi ? Ainsi, demain matin, je serai tout de suite dans le bain.

— D’accord, dit lord Simons en lui serrant vigoureusement la main. Venez vers trois heures, je les réunirai tous.

Kovask attendit cet instant avec une impatience presque fébrile. Il espérait atteindre enfin le but final. Il dîna sur le pouce, fit une longue promenade à pied avant de revenir à Oxford Street. Il se trouvait dans l’état d’esprit d’un authentique candidat à un poste élevé.

Lord Simons l’entraîna vers la cage de l’ascenseur.

— Leurs bureaux sont au deuxième étage. Le premier est purement administratif. Le troisième est réservé à tout ce qui concerne l’enseignement, de même que le quatrième et le cinquième. Certains professeurs ne travaillent uniquement que pour nous, et, parmi eux, nous avons de véritables savants. D’ailleurs, pour les encourager je leur ai fait installer des laboratoires dans la banlieue nord-est. Un jour, il faudra que vous veniez visiter nos installations là-bas.

Ils rencontrèrent Eileen Gynt en premier. De taille moyenne, rousse avec quelques taches de rousseur sur le nez, elle était aussi amusante que jolie. Pas tout à fait trente ans. Elle murmura quelques mots aimables.

— Voici Francis Grant, dit sir Simons. Kovask fut déçu par cet homme quelconque, rondouillard, chauve avec une petite moustache à la Chariot. Il écouta son patron avec une certaine obséquiosité.

— Vous guiderez ce garçon en l’absence de Thomas, disait ce dernier. Il nous sera ensuite d’un grand secours, s’il est capable à l’agence new-yorkaise.

— Si vous le désirez, lord Simons, je puis lui faire faire la connaissance du restant de l’équipe.

— Merci, mon garçon. Je vais rejoindre mon bureau. À propos, Kovask, venez me dire un petit au revoir avant de partir.

Le vieux lord était certainement impatient de connaître ses premières impressions.

— Venez, dit Grant. Nous allons voir Moira Kent dans son antre. Ne vous effrayez pas.

Ils pénétrèrent dans un petit bureau encombré jusqu’au plafond de cartons emplis de coupures de journaux. À genoux sur le plancher, une jeune femme se penchait vers d’autres coupures, alignées côte à côte. Kovask apprécia la croupe ronde et ferme, les longes jambes. La fille sauta sur ses pieds.

— Je ne vous attendais pas si tôt, excusez-moi. Brune, pas loin de quarante ans, très séduisante, Moira avait un sourire éblouissant.

— Comment allez-vous ? Vous me trouvez en plein boom. Je fais une étude sur les possibilités offertes par l’Amérique du Sud. Tout est là-dedans.

Elle désignait un carton imposant empli de coupures.

— Moira ne croit qu’à la presse, qu’elle soit spécialisée ou du cœur, fit Grant d’un ton aigre-doux.

Les yeux en amandes de la jeune femme se posèrent sur lui, comme s’il venait d’être transformé en reptile.

— Les résultats ne sont pas si mauvais, fit-elle doucement.

Grant ne répondit pas et se tourna vers Kovask.

— Allons trouver Turner, notre psychotechnicien.

L’homme en question se trouvait dans le dernier bureau où régnait un ordre monastique. Dégingandé et très blond, William avait une attitude très compassée.

— J’étudie le cas de la région de Cardiff, expliqua-t-il. C’est là où nous avons le moins d’élèves par rapport au nombre d’habitants, et j’en cherche les raisons générales, telles que climatiques, financières, économiques et, aussi, celles qui sont plus intimes, donc psychologiques. Les Gallois sont de drôles de gens.

Francis Grant ricana :

— Cela fait toujours plaisir à entendre. Eh bien mister Kovask, je vais vous laisser un instant pour que vous puissiez contempler les chefs-d’œuvre de notre Écossais maison.

Quand il fut parti, William Turner sourit doucement.

— Ne faites pas trop attention à ce qu’il dit. Il travaille beaucoup trop depuis quelque temps.

— Depuis que Thomas Hacksten est malade ? Le psychotechnicien lui jeta un regard inquisiteur.

— Oui, et même avant. Il est très ambitieux. Je vais vous donner un dossier sur une région normalement prospectée par les moyens habituels. Vous pourrez vous faire une idée précise du rendement.

— Pourrai-je l’emporter ? Je ne reste que le temps d’une prise de contact et commence réellement demain matin.

— Rapportez-le demain. Vous allez voir Moira ?

Kovask le fixa dans les yeux.

— Non seulement elle, mais les autres. Y voyez-vous un inconvénient ?

L’Écossais rougit.

— Non, mais elle est tellement fascinante. L’Américain frappa et entra chez la jeune femme. Celle-ci était assise sur un coin de son bureau et fumait une cigarette en comparant deux coupures de journaux.

— Vous revoilà ? Turner vous a fait fuir ? Il est aussi intimidant qu’un collégien avec sa timidité. Une cigarette ?

— Merci.

Il sortit son propre briquet, pensa qu’un test avec celui de Thomas Hacksten serait peut-être intéressant, plus tard.

— Que cherchez-vous dans ces coupures ?

— Une seule chose, l’intérêt des peuples pour la technique et la science. Voici le compte rendu d’une conférence sur l’énergie nucléaire à Rio de Janeiro. Salle comble, questions pertinentes des auditeurs, âge moyen dix-huit ans. D’énormes possibilités pour la T.A.S.A. Il faudrait créer là-bas deux centres. L’un, pour les pays de langue portugaise et un autre, pour ceux qui parlent espagnol.

Kovask regarda ses genoux, puis remonta jusqu’à sa bouche pulpeuse.

— Vous aimez ce travail ?

— Y a-t-il incompatibilité entre lui et ce que vous venez d’examiner avec tant d’audace ?

— Non, avoua-t-il en riant. Cela fait longtemps que vous travaillez dans cette maison ?

— Plus de dix ans. Mais ce ne sont pas là les questions que lord Simons serait heureux de vous entendre poser.

Kovask haussa les épaules.

— Je ne commence que demain. Francis Grant m’a proprement laissé tomber. Que voulez-vous que je fasse ?

— Installez-vous là. Racontez-moi ce que vous faites aux U.S.A.

CHAPITRE XII

Pendant trois jours, Serge Kovask se contenta d’observer les quatre personnages, évitant soigneusement toute fausse manœuvre. Il désirait en finir et craignait de compromettre ses chances. De ses observations, il retenait plusieurs choses.

Les quatre membres du bureau d’études se détestaient férocement. Ils avaient tous quelque chose à se reprocher. Même Eileen Gynt, la plus jeune, la jeune fille rousse à l’air gentil, supportait difficilement les trois autres. Un étrange climat régnait donc entre eux et il commençait même d’affecter Kovask, pourtant d’un équilibre affectif à toute épreuve. Plusieurs fois dans la journée, il recevait les confidences de l’un ou de l’autre. Tous semblaient attendre avec impatience qu’il daigne bien prendre parti dans la guéguerre qu’ils se livraient.

Seul Francis Grant essayait de planer au-dessus du lot, peut-être parce qu’ils espérait prendre bientôt la direction de l’équipe. Il semblait douter du retour de Hacksten, parlait de lui comme d’un homme très gravement malade, et incapable d’assurer à nouveau des responsabilités au sein de la T.A.S.A. N’était-ce pas une façon de se trahir, puisque la mort violente de l’ancien secrétaire général était ignorée de tous ?

Serge avait fait une autre constatation. Les quatre personnages étaient tous célibataires, ne vivaient que pour le week-end au cours duquel chacun s’évadait dans des directions opposées.