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Francis Grant avait dû coucher avec chacune des deux femmes. William Turner désirait l’une et l’autre, plus fortement Moira, évidemment, mais était trop timide pour tenter sa chance auprès d’elle. Jamais Kovask n’avait vu un homme avoir de tels yeux lubriques, lorsque l’une des filles montrait ses genoux ou arborait un décolleté trop profond.

Ce troisième jour tombant un vendredi, Kovask se demandait ce qu’il allait faire durant les deux jours suivants. Il ne pouvait se multiplier par quatre pour suivre chacun des membres du bureau.

Un peu avant midi, il pénétra dans le bureau de Moira. Celle-ci se réalisait une beauté devant le miroir installé à l’intérieur d’un placard.

— Quel air désabusé, dit-elle. On vous croirait en début de semaine et non un vendredi.

— Vous parlez d’une rigolade ! Deux jours lugubres à passer, oui. Je ne connais personne dans le pays.

Il s’installa sur un coin du bureau, laissant tomber sa cigarette du coin de ses lèvres, l’air écœuré. L’œil lucide de la jeune femme le détaillait par le truchement du miroir.

— Non, vraiment, vous ne savez que faire ?

— C’est la vérité pure. Vous n’avez pas un tuyau ?

Elle rangeait son matériel de femme élégante dans une trousse tout en ayant l’air de réfléchir.

— Feriez-vous deux cents miles pour cela ?

— Cinq fois plus s’il le fallait.

— La mer ça vous dit ?

— J’en raffole.

Elle s’approcha de lui lentement, roulant imperceptiblement des hanches. Elle portait une robe qui s’évasait à partir des cuisses et il fallait un corps parfait pour la mettre en valeur. Elle l’avait.

— Je vous invite, dit-elle. À partir de demain. Kovask se remit sur pied, la regarda avec un joyeux étonnement.

— Non, c’est vrai ?

— Vous m’êtes très sympathique. Je vous attendrai là-bas à partir de dix heures demain matin. Abbotsburry. Un village de la côte. Villa Sea Gulls, chemin de Sikh. Vous en souviendrez-vous ?

— Bien sûr. Je louerai une voiture et partirai de bonne heure demain matin.

Elle secoua la tête avec un sourire enjôleur.

— Inutile d’arriver avant dix heures, je n’y serai pas.

Pourtant Kovask se mettait en route le soir-même, dans une Ford Consul. Muni d’une carte routière, il roula en direction de Southampton, puis de Dorchester où il arriva la nuit tombée. Il dîna à l’hôtel où il avait retenu une chambre, puis, après avoir dit qu’il allait rendre visite à un ami, reprit la voiture pour Abbotsburry situé à une vingtaine de miles.

Dans le petit village, il arrêta sa voiture pour boire une bière dans l’auberge. On lui indiqua une petite route qui se dirigeait vers la plage.

— Y’a quelques villas dans le coin, dit l’homme. Vous allez chez qui ?

— Je me promène, dit Kovask. J’ai l’intention de revenir demain pour visiter.

Il ne découvrit pas la villa Sea Gulls tout de suite. La maison construite tout au bout de la plage, surplombait la mer de quelques mètres. Profitant de la clarté lunaire, il put l’examiner tout à son aise, assis un peu plus loin. C’était une villa de conception moderne avec une terrasse qui débordait largement. En dessous, un grand espace servait de garage pour les voitures et les bateaux.

Certain qu’il n’y avait aucun habitant, il s’en approcha, découvrit un dinghy à moteur sous la terrasse. Il était protégé de tonte convoitise par un système de grille. Cette maison, ce bateau, représentaient beaucoup d’argent. Il ignorait combien Moira gagnait à la T.A.S.A., mais certainement pas de quoi vivre aussi luxueusement.

Alerté soudain par une lueur lointaine, il courut vers la Consul et s’éloigna sur l’espèce de boulevard de front de mer, s’arrêta à l’abri d’une autre villa. Le chemin de Sikh descendait depuis une crête de deux ou trois cents mètres. Il ne désirait pas être surpris dans le coin par des gens susceptibles de le reconnaître au cours des deux prochains jours.

Les véhicules arrivèrent et tournèrent à gauche en direction de Sea Gulls. Il eut l’impression qu’il y avait une Jaguar métallisée, mais n’en était pas certain. Francis Grant avait une voiture de même marque. Il patienta quelques minutes, puis se dirigea vers la villa. Une lumière brillait dans la salle de séjour. Grimpant sur un pilier, il put en distinguer l’intérieur d’un ultramoderne fracassant.

Un homme était debout sur une chaise et accrochait quelque chose derrière un tableau. Il reconnut le remplaçant de Thomas Hacksten, son meilleur ami aux dires de lord Simons. Moira Kent le regardait faire en fumant une cigarette. Elle portait un pantalon et une chemise, par-dessus. Il était difficile à Kovask de se rapprocher davantage.

Pourtant, il se glissa contre les rochers, s’efforçant de ne faire aucun bruit. Il dépassa la villa, découvrit un petit sentier qui descendait vers la mer, ralentit lorsqu’il entendit des voix. Les portes-fenêtres donnant sur la terrasse étaient largement ouvertes.

— Voilà les micros en place, dit la voix de Francis Grant. Ne vous inquiétez pas du magnéto.

— Il ne se rendra compte de rien ?

— Non. Je vais rentrer à Londres cette nuit. Tâchez de faire de la bonne besogne. Ce garçon me semble tout indiqué pour le poste de New York.

Quelques minutes plus tard, la voiture s’éloignait sur le chemin de Sikh conduisant au village. Kovask patienta encore un peu, attendit qu’une lumière s’allume dans une autre pièce, une chambre certainement, avant de s’éloigner.

Le rendez-vous avait été prémédité et Francis Grant espérait faire de lui son agent aux U.S.A. Ainsi, il ne s’était nullement trompé. Le publiciste dirigeait le réseau et, pendant quinze ans, avait réussi à duper Thomas Hacksten. Lorsque ce dernier s’était douté de quelque chose, il l’avait habilement aiguillé vers Rome où Alberti s’était débarrassé de lui.

Il revint jusqu’à la Consul, évita d’emballer le moteur et quitta la plage. Une heure plus tard, il dormait dans la chambre vieillotte de l’hôtel de Dorchester.

Le lendemain matin, lorsqu’il klaxonna devant la villa de la jeune femme, celle-ci surgit sur le terrasse en short noir et brassière à rayures.

— Hello ; bon voyage ?

Il admira ses longues jambes bronzées, attarda son regard sur la bande de chair nue où le nombril creusait une ombre agréable.

— Excellent. Je ne suis qu’affamé.

— Venez, je vous ai attendu pour le breakfast. Mais, allez quitter ces vêtements de ville. Je vais vous montrer votre chambre. La salle de bains est à côté.

— Vous possédez une villa sensationnelle, dit-il. J’ai l’impression que la T.A.S.A. ne lésine guère sur les salaires.

Elle hocha la tête d’un air peu convaincu.

— J’ai d’autres revenus, mais nous parlerons de cela plus tard.

Dans la chambre ouvrant largement sur la mer, il ne lui fallut qu’une minute pour repérer le micro à la tête du lit. On espérait donc qu’il parlerait et comme, pour ce faire, il faut être deux, il présumait de la conquête aisée de la jeune femme.

Quand il revint avec seulement un boxer short et une chemise ouverte sur son torse, Moira laissa glisser son regard sur ses pectoraux comme une caresse.

— Œufs au jambon, marmelade et café ? C’est sensationnel, dit-il en se mettant à table.

Celle-ci était étroite et comme la jeune femme était en face de lui leurs genoux se touchèrent à plusieurs reprises.

— Voulez-vous que nous fassions du bateau, avant de nous baigner ?

— Les deux, dit-il en engloutissant ses œufs. Elle admirait ostensiblement. La grande scène de séduction.