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— Vous ne travaillez jamais de nuit ?

— Pas pour l’instant. Nous étions en avance, jusqu’à cet accident. Dès que le temps le permettra, nous travaillerons certainement de nuit.

Au-dehors, il pleuvait toujours. Galli serra hâtivement la main de Kovask et se précipita vers un bâtiment très long situé sur la droite.

— Bureaux d’études et laboratoire.

— Bruno Fordoro, le chimiste, travaillait là ? Onorelli inclina la tête. Il avait remis son capuchon et sa casquette.

— C’est un accident d’automobile qui l’a empêché de venir ajouter l’additif qui rend la peinture incombustible ?

Le gros homme le regarda avec reproche.

— Il est à l’hôpital avec une jambe brisée. C’est un gentil garçon.

— Marié, je crois ?

Onorelli approuva de la tête.

— Depuis un an.

À cette époque-là, la construction de l’ELBA état déjà commencée.

— Vous connaissez son adresse personnelle ?

— Oui, fit Onorelli avec mauvaise grâce, mais vous n’y trouverez personne. Lui est à l’hôpital et elle travaille dans une école privée. Mais, si voua voulez savoir, c’est au 117 de la via Cairoli au deuxième étage. Vous ne frappez pas à la porte palière mais vous entrez. Leur studio est la deuxième porte à gauche.

CHAPITRE II

Kovask prit les coupures de journaux que lui tendait la jeune femme du chimiste Fordoro.

— Vous les avez collectionnées ?

Elle le regarda tranquillement. Emma Fordoro était une jolie fille brune, pas très grande, avec des yeux expressifs. Les trois articles qu’elle venait de lui apporter relataient l’accident dont avait été victime son mari.

— L’accident a eu lieu en banlieue sur la route des chantiers Scafola. Votre mari emprunte toujours ce trajet ?

— Il trouve qu’il est moins encombré.

La Fiat 600 du chimiste avait percuté une vieille bâtisse après avoir dérapé sur du gravier. Kovask lui rendit les coupures. Il avait l’impression qu’elle les avait tenues prêtes.

— En quoi cela intéresse-t-il les assurances des chantiers ?

L’Américain sourit.

— Nous sommes des fouineurs qui nous attachons au moindre détail. Si votre mari n’avait pas eu la jambe brisée, il aurait pu se rendre à son travail et ajouter, à cette peinture, un additif qui la rend ininflammable. Le hasard ne l’a pas voulu, et l’ELBA a failli brûler entièrement.

Elle fit quelques pas en direction de l’une des fenêtres. Le studio était aménagé dans une pièce immense d’un vieil appartement aristocratique. Une cloison délimitait un petit espace pour la cuisine et un cabinet de toilette.

— Avez-vous une photographie de votre mari ? Ce fut plus long que pour les coupures de journaux, mais elle finit par trouver une sorte de livre en cuir. C’était un cadre pour photo de mariage. Bruno Fordoro, pas plus grand que sa femme, avait un visage rayonnant. Il n’était pas très beau et n’avait rien d’un athlète.

— Si mes renseignements sont exacts, vous vous êtes mariés l’année dernière, à peu près à la même époque ?

Le visage régulier d’Emma Fordoro se fit maussade et ses lèvres rondes eurent une moue significative.

— Oui. La date est inscrite au dos de la photographie, je crois.

Étonné, il la dégagea du cadre et lut : 12 juin 1962.

— Puis-je vous demander comment vous vous êtes connus ? Elle soupira.

— Je suis secrétaire réceptionniste dans une école par correspondance qui a une agence à Gênes. Bruno s’était fait inscrire pour des cours supérieurs de chimie.

— Il travaillait déjà aux chantiers ?

— Depuis dix ans.

Songeur, Kovask se demandait quelles raisons avaient pu pousser le chimiste à se perfectionner. La jeune femme allait et venait, évitait de s’asseoir pour ne pas risquer de prolonger l’entretien. Kovask referma le faux livre de cuir, le déposa sur la petite table non loin de lui.

— J’irai rendre visite à votre mari cet après-midi. À quelle heure reprenez-vous votre travail ?

— J’ai tous mes après-midi libres. Le lieutenant commander sourit.

— Nous risquons donc de nous rencontrer au chevet de votre mari ?

— Je n’irai certainement pas aujourd’hui. Elle paraissait embarrassée.

— J’ai des courses à faire.

— Je peux donc lui dire de ne pas vous attendre ?

Les yeux de la fille étincelèrent.

— Et puis, je ne sais pas ce que je ferai, dit-elle avec Irritation. Voua n’avez plus rien à me demander ?

Kovask se leva.

— Si, le nom de cette école par correspondance.

— Il s’agit de la T.A.S.A., Technical and Scientific Academy dont le siège est à Londres. Une grande école par correspondance. Il y a une direction à Rome.

— Et l’agence locale ?

Il se dirigeait lentement vers la porte et elle répondit plus aimablement.

— Elle n’est pas très importante et se contente de prospecter la région. Par la suite, les élèves ne s’adressent à nous que dans de rares occasions. Notre principal travail, outre le recrutement, consiste à veiller au paiement des mensualités, ce qui n’est pas toujours facile.

— Vous êtes plusieurs ?

— Le directeur et moi-même.

Quand elle eut refermé sa porte, Kovask se dirigea vers l’entrée palière, ouvrit puis referma le lourd battant en chêne travaillé et attendit quelques minutes. Emma Fordoro m’aimait pas son mari, c’était visible et pouvait le tromper avec un voisin. Son attente fut déçue et il se décida à quitter les lieux.

Tout de suite après le repas, il se rendit à la clinique particulière où le chimiste se trouvait depuis son accident. L’homme, allongé sur son lit dans un pyjama rayé, la jambe prise dans le plâtre et surélevée par un système de poulies, lui fit pitié. Les yeux brûlants, il parut profondément déçu. Fordoro attendait visiblement une autre visite, celle de sa femme.

Kovask continua de se faire passer pour un enquêteur des Lloyds et Fordoro soupira de lassitude.

— J’ai déjà répondu aux questions de la police, de la direction, du responsable de la sécurité et des inspecteurs des assurances italiennes. Les dégâts sont donc si graves ?

Kovask s’assit à côté de lui, sortit ses cigarettes.

— Voulez-vous fumer ? Fordoro accepta une cigarette.

— Les dégâts sont, malgré tout, considérables. Nous payerons évidemment, mais nous désirons connaître tous les détails de cette affaire. Nous assurons des dizaines de chantiers dont la plupart sont beaucoup plus importants que ceux de la Scafola. Cette enquête est de pure routine. Nous en tirerons les éléments de base pour les conditions de sécurité que nous exigeons de nos clients. Il sera certainement possible par la suite d’éliminer cette cause d’incendie si nos directives sont appliquées.

— Que voulez-vous savoir ?

— Une chose importante. Il n’y avait que vous qui puissiez mélanger l’additif à la peinture ? Le chimiste détourna les yeux.

— Oui. Nous sommes trois dans ce service. L’ingénieur chimiste en vacances, l’aide chimiste et moi. C’est une opération assez délicate de dosage et il faut procéder à de nombreux contrôles. Sinon la pulvérisation se fait mal et, par suite, de grandes zones de peinture restent inflammables.

Kovask inclina la tête.

— Bien. Vous ne pouviez le faire à l’avance ?

— Non, il faut que ce soit fait au fur et à mesure du travail. À l’état liquide ce produit attaque lentement mais sûrement les qualités de la peinture elle-même. Surtout l’anticorrosion et l’étanchéité. C’est un travail délicat.