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De son tiroir Francis Grant sortit une paire de menottes et un coupe-papier en ivoire avec une lame d’acier très fine.

— Tu es très fort dans ce genre de sport. Fais attention aux empreintes.

Kovask suivait la conversation, les yeux braqués sur le 7.65 tenu d’une main ferme par Moira Kent. Il lui fallait intervenir sans attendre, la forcer même à tirer.

Au moment où il lui fonça dessus, William Turner le frappa avec une grosse règle métallique raflée sur le bureau de Francis Grant. Elle l’atteignit à la tempe gauche. Moira avait fait un saut de côté sans lâcher son arme et sans tirer. Toute cette équipe avait d’excellents réflexes et aucun de ses membres ne se conduisait en amateur. Pivotant sur lui-même, Kovask évita un nouveau coup de règle. Il frappa William d’un coup de pied au ventre, trop haut pour lui causer une grande douleur. Il ne réussit qu’à le projeter contre le bureau de Grant. Il prit un cendrier en cristal et le lança contre la fenêtre. Se détendant comme un fauve, avec une souplesse inattendue, Francis Grant dévia le lourd projectile qui roula sur le linoléum avec un bruit sourd.

Kovask releva William Turner d’une seule main, le frappa violemment de l’autre. Il le sentit devenir mou et le lança sur Eileen Gynt qui essayait de le griffer. Passant par-dessus le bureau, il atterrit sur le dos de Francis Grant qui essayait de filer par la droite. Il lui prit le cou dans la pliure du coude, l’autre se défendait rageusement avec les pieds ; à un moment, il porta un violent crochet à la rate de son agresseur. Le souffle coupé, Kovask le lâcha, essaya de récupérer lorsque Moira lui donna le premier coup de crosse. Il se retourna, happa son poignet fragile entre ses doigts d’acier, l’entendit craquer.

Moira hurla de douleur.

— Il m’a cassé le bras.

Kovask se mit à rire, découvrant les dents.

— Et ce n’est pas fini, dit-il. Toute la horde y passera. Vous serez pendus tous les quatre.

Le pistolet était tombé trop loin de lui. Eileen le ramassa avec beaucoup de rapidité, le braqua sur lui.

— Je tire ?

— Tue-le ! cria William Turner qui se relevait, le visage ensanglanté par son nez éclaté.

— Attends ! dit Francis Grant, je préfère ça.

Kovask se retourna et Moira, la main complètement retournée par l’effort qu’elle fit, lui échappa. Elle se réfugia au bout de la pièce, le visage trempé de larmes et de transpiration, et resta hébétée à contempler sa main qui pendait bizarrement au bout de son bras nu.

Francis Grant le frappa à l’épaule avec la règle métallique, et Kovask ressentit une douleur atroce, aperçut des milliers de petites lumières dans la pièce. Un deuxième coup l’atteignit an sommet du crâne.

— Vite, dit Eileen. Meredith ne va pas tarder maintenant. Il est onze heures dix.

Kovask, dans un effort surhumain, poussa le bureau de Grant et coinça violemment l’homme contre le mur. Il entendit le soupir énorme qu’exhala le chauve, tomba à genoux. Bien que blessé au ventre, le publiciste abattit une dernière fois sa règle sur le crâne de l’Américain, tandis qu’Eileen lui donnait un coup de crosse. Kovask tomba sur le lino et ne bougea plus.

— Il est coriace, dit William Turner. Donnez-moi vite le coupe-papier, je vais le tuer tout de suite.

Grimaçant de douleur, le coin du bureau lui avait labouré l’intérieur du ventre au point qu’il avait l’impression de perdre ses entrailles, Grant se dégagea, donna le coupe-papier et les menottes à son complice.

Soudain, il passa ses doigts sur le visage ensanglanté de Turner, en badigeonna les joues de Eileen qui poussa un cri de dégoût.

— Tais-toi imbécile ! Ce sera encore plus impressionnant pour les gars qui nous entendent en bas. Allons, il est temps que nous partions. Pas question de prendre l’ascenseur.

— Je vous rejoins cette nuit, dit William Turner.

— Oui, mais fais attention. Ils vont certainement te surveiller.

Francis Grant poussa Moira devant lui.

— Francis, ma main ! Mon Dieu ma main !

— Nous la soignerons là-bas.

— Il faudrait un médecin.

— Bien sûr. Nous en trouverons nu. Soudain, elle se retourna.

— Laisse-moi le tuer. Je veux lui faire payer cette souffrance.

William Turner la repoussa :

— C’est mon boulot, pas le tien. Vous n’avez que le temps de filer. Je vais surveiller par la fenêtre avant de liquider notre homme et de m’enchaîner.

Une porte se referma et il fut seul dans le bureau. Il sortit dans le couloir, alla pousser le verrou de la porte principale. Cela lui laisserait quelques minutes. Il passa sa main sur son visage, la retira gluante de sang. L’hémorragie ne s’arrêtait pas. Il sourit. On ne douterait plus de lui maintenant. Il serait considéré comme une victime.

Une mitraillette crépita dans la rue et il alla jeter un coup d’œil à la fenêtre, grimpant sur une chaise à cause des carreaux barbouillés de blanc. Il se mit à rire. Meredith avait fait du bon travail avec dix hommes. Des sortes de bombes explosaient dans tous les coins, diffusant une fumée intense tandis que les passants s’éloignaient à cause des grenades lacrymogènes. La Jaguar était à deux pas. Tout le monde, sauf les collègues de Kovask, allait croire que des gangsters attaquaient l’une des banques voisines. Bientôt la fumée fut ai épaisse que l’on se serait cru un jour de smog. Il descendit de la chaise et piqua son pouce de la pointe du coupe papier. Francis Grant l’entretenait en excellent état.

Kovask s’était écroulé face contre terre. Il fut tenté de plonger la lame entre les épaules, mais ce coup parfois n’entraînait pas une mort immédiate.

Il préféra retourner le grand corps musclé, écarter la veste pour viser en plein cœur.

CHAPITRE XVI

William Turner s’était agenouillé pour porter plus aisément son coup de poignard. Une mèche Monde descendait entre ses deux yeux et il eut un geste de la main gauche pour la relever. Kovask qui le guettait entre ses yeux mi-fermés, choisit cet instant pour lui saisir le poignet droit à deux mains tandis que d’un coup de reins il lui coinçait la tête entre ses deux caisses. Le coupe-papier piqua le lino, hésita un moment avant de tomber.

Tenant toujours le poignet dans ses mains il se redressa, retourna l’Écossais sur le ventre et lui plaqua un genou entre les omoplates. L’homme était nerveux, se tortillait entre ses mains comme une anguille. Il était temps d’en finir. De la rue montaient des rafales, des cris et les sirènes des voitures de police.

Deux manchettes eurent raison de Turner.

Kovask sortit les menottes de la poche de sa victime, le tira vers le radiateur et l’y attacha. Il se rua ensuite vers l’extérieur, dévala le grand escalier.

Dans le hall, il faillit buter contre lord Simons.

— Ils se servent de Eileen Gynt comme otage et l’entraînent vers leur voiture. Il y a une bande de fous qui tiennent la rue.

— Eileen est leur complice ! hurla Kovask. C’est une feinte.

Dans la rue déserte on n’y voyait pas à trois mètres. Il se dirigea vers la droite.

— Attention, lui cria un homme planqué derrière une voiture. Ils tirent dans cette direction.

L’accent américain le renseigna.

— Vous êtes un homme du commander Davis ? Je suis le lieutenant commander Kovask.

L’autre grimaça un sourire.

— Ils nous ont eus. La petite leur sert de bouclier et ça tiraille de partout. Sans parler du gaz lacrymogène et des bombes fumigènes.

— Suivez-moi. Avez-vous une autre arme ? Le marin sortit un Colt d’un holster de ceinture.

— Toujours deux armes sur moi. Celle-ci vient du Texas.