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Un silence suivit. Kovask songeait à tout ce qui serait dissimulé, déformé dans les rapports. On ne pouvait tout révéler. L’alliance atlantique, l’O.T.A.S.E., l’organisation des pays de l’Amérique latine, bien des alliances pourraient en être ébranlées.

— Tout a commencé à Gênes ?

— Oui, dit prudemment Kovask.

— Mais contre qui étaient dirigés ces sabotages ?

Le lieutenant commander soupira.

— Contre une certaine idée concernant les navires de surface porteurs de fusées Polaris.

— Bien des pays sont en effet opposés à cette idée du président Kennedy.

Kovask approuva de la tête.

— Le mien en premier lieu, dit encore le vieillard. La France. Sans parler évidemment des pays de l’est qui agissent, eux, en autodéfense.

Kovask songeait au rapport qu’il remettrait au commodore Rice, qui le transmettrait à la Maison-Blanche. Il s’ajouterait à tous ceux qui faisaient état d’une certaine hostilité européenne à toutes les initiatives venues d’outre-atlantique. Peut-être inciterait-il, dans les limites de son importance, les pouvoirs publics à modifier leur politique. Soit que cette dernière se manifeste par un raidissement, soit par une meilleure compréhension des vieux pays.

— Et les complicités ?

— Nous avons les noms, les adresses.

— Toute mon école était contaminée ? Kovask sourit.

— Oui. À l’exception de l’agence de New York qui va être créée : Francis Grant n’avait pas trouvé d’homme capable. Voilà pourquoi il s’est adressé, avec beaucoup d’imprudence et sans avoir fait son enquête habituelle, à moi-même. Nous avons retrouvé l’enregistrement fait dans la villa de Moira à Abbotsburry.

— Grant est-il entré ici avec une idée préconçue ?

— Non, mais une fois en place et comme vous commenciez à créer des agences extérieures, il a compris l’importance de votre maison. Il a avoué que Thomas Hacksten, au début, ne pensait qu’à Paris et Genève. C’est lui qui lui a soufflé d’aller le plus loin possible. Il avait d’autres projets en tête, Athènes, Hong-Kong, Tokyo.

— Et ce bureau d’études fournissait évidemment des rapports truqués pour l’installation d’une agence.

— Oui et non. Certains secteurs se seraient vite révélés peu rentables et même déficitaires. Ils auraient maquillé les chiffres, quitte à donner de l’argent de leur poche pour éviter toute enquête approfondie.

Lord Simons passa sa main sur son visage.

— C’est incroyable, répéta-t-il.

— Leur objectif le plus proche était Rio de Janeiro et Buenos Aires. Il n’y a aucune concurrence sérieuse dans ces pays-là, je parle pour un réseau commercial de renseignements.

— Sans les sabotages, ils n’auraient jamais eu rien de bien grave à se reprocher ?

Kovask secoua la tête.

— Ne le croyez pas. Certaines éliminations ont été nécessaires et la plus récente est celle de Thomas Hacksten qui avait eu des doutes. Il avait eu des renseignements sur l’archiviste de Rome, Giorgio Alberti. L’homme s’était compromis autrefois sans un réseau mussolinien, en Angleterre même. Il a décidé d’aller faire une enquête sur place, conseillé par Francis Grant. Alberti l’a attiré dans un piège, l’a tué et enterré dans sa cave. Cet Alberti était la seule faille dans le réseau. Il travaillait également avec le gouvernement albanais, correspondait par radio avec l’ambassade de ce pays. Je m’étais étonné d’avoir trouvé un poste U.H.F. chez lui. Nous en avons eu l’explication hier à la suite d’un coup de fil avec les services de contre-espionnage italien.

— Comment expliquez-vous l’absence de complice dans l’immeuble même de l’école ?

— La prudence. Ils formaient un groupe très uni et se suffisaient. Ils étaient de même formation, de même intelligence, disposaient des mêmes moyens. Un sous-fifre eût été dangereux. Pour les coups durs, ils disposaient de Meredith, chef d’une bande de truands, toujours à leur disposition. Cet homme, d’ailleurs connu de la police, ignorait tout des activités du quatuor et n’avait jamais affaire qu’à Francis Grant.

— Était-ce lui le chef du réseau ?

— Oui et non. Il donnait ses instructions mais les autres avaient le droit d’en discuter.

— Vous ne vous êtes pas douté de leur complicité ?

Kovask sourit.

— Ils m’ont joué la comédie de la mauvaise entente. En fait, ils me surveillaient et Eileen, la première, a compris lorsqu’elle a su que j’avais quitté mon hôtel la veille et non le samedi matin. Le lundi, elle a mis les autres au courant, et ils ont décidé mon élimination. Fait curieux, j’avais de mon côté des intentions identiques.

— Espéraient-ils continuer longtemps !

— Je le crois. Ils vivaient dans une sorte d’euphorie. Quinze années d’existence pour une telle organisation cela tient du prodige, et ils se laissaient quelque peu griser. Ils n’en restaient pas moins dangereux, comme vous avez pu en juger. Un tué et cinq blessés parmi les passante le jour où ils ont tenté de fuir. Moira Kent et deux hommes de Meredith ont payé de leur vie.

— Leur procès sera l’un des plus embarrassants et des plus spectaculaires certainement.

— Très certainement.

Kovask se leva et lord Simons en fit autant.

— Je regrette de n’avoir pu éviter ce qui s’est passé lundi. Ils se sont défendus comme des fauves.

Il avait hâte de revenir aux U.S.A. Son travail y était beaucoup plus simple. On luttait toujours contre des gens qui étaient de véritables adversaires. La vieille Europe gardait le goût des sociétés secrètes, ne se divisait pas forcément en rouges et blancs. Il y avait toujours quelques nuances et, pour un Américain, il le reconnaissait, c’était parfois assez déconcertant.

FIN