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Il se tut. Les trois hommes échangèrent des regards, attendirent qu’il récupère.

— La nuit suivante l’ELBA manquait de disparaître dans l’incendie et j’ai compris. J’ai posé des questions à ma femme. Elle me traitait de fou, affirmant qu’il n’y avait aucun lien entre les deux faits, m’accusant de faiblesse, regrettant d’avoir épousé on type comme moi qui ne savait même pas exploiter une situation pour en tirer un peu d’argent. Maintenant je suis sûr d’une chose. Elle était déjà la maîtresse de Montale avant notre mariage. Ils ont porté leur choix sur moi parce que je travaillais à la Scafola.

Son regard brûlant s’accrocha à Kovask. Il devait aimer ces yeux clairs et limpides qui n’exprimaient qu’une grande chaleur amicale.

— Je me demande même s’ils n’avaient pas décidé de me supprimer. Pas tout de suite, mais plus tard. À moins qu’ils n’aient voulu recommencer ce qu’ils avaient manqué.

Kovask se leva et l’homme lui dédia un regard angoissé.

— J’ai peur.

— Nous allons faire surveiller votre porte, dit le policier. D’ores et déjà, sans préjuger du résultat final de l’enquête, il ya tentative d’escroquerie de la sécurité sociale. Mais ne vous inquiétez pas trop. Ce n’est pas tellement grave pour vous, puisque vous étiez en leur pouvoir.

— Vous croyez que ce sont des espions ? murmura Bruno Fordoro dans un sanglot. Elle aussi ?

— Vous allez oublier tout cela, dit Kovask. Vous nous avez rendu un important service.

L’infirmière les guettait.

— Faites-lui prendre un calmant, dit Kovask. Il en a bien besoin.

— On a téléphoné pour lui, dit l’infirmière. Ce n’était pas sa femme et j’ai dit qu’il dormait.

Les trois hommes se regardèrent.

— N’acceptez aucune communication le concernant, dit finalement l’inspecteur de la sûreté. Transmettez la consigne à l’infirmière de nuit. D’ici une demi-heure j’enverrai un agent.

Une fois dehors, ils discutèrent dans le parc.

— Certainement Ugo Mentale qui désirait le prévenir, lui offrir de l’argent ou le menacer pour qu’il se taise, dit Luigi de Megli.

Kovask sourit froidement.

— Nous l’avons grillé. Il va peut-être essayer de venir ici. Bien qu’il soit trop malin pour se compromettre.

— Je reste, dit l’inspecteur, et ne partirai que lorsque l’agent que je vais appeler par téléphone sera là. Vous pouvez être tranquille sur ce plan-là.

CHAPITRE IV

Kovask avait invité son collègue à dîner à son hôtel et c’est, dans la salle à manger, qu’on vint le prévenir de l’appel téléphonique de Cesare Onorelli.

— J’ai suivi mon gars. Il a essayé de racoler une fille mais n’en a pas trouvé à son goût. Il vient de rentrer chez lui, corso Solferino.

— Nous vous retrouvons d’ici une demi-heure…

Luigi de Megli arrêta sa voiture à une centaine de mètres et ils continuèrent à pied dans la nuit, jusqu’à ce que le gros chef des vigiles se signale.

— Il est toujours chez lui en train de jouer du piano. Il me paraît nerveux.

Comme la plupart des villas de l’endroit, celle de l’ingénieur était construite en surplomb. Un jardin à la forte pente l’entourait mais pour accéder à l’habitation il fallait, une fois passé le mur, escalader une vingtaine de marches. Pietro Galli jouait, la fenêtre ouverte, mais des morceaux sans suite.

— J’estime, dit Kovask que le bonhomme n’a qu’une importance relative. Nous avons besoin de lui pour établir la culpabilité de Montale. Il n’a été qu’un occasionnel dans toute cette histoire. Pourquoi ne pas lui mettre le marché en main ? Ses confidences, contre une accusation en règle de son patron.

— Essayons, dit de Megli. Cesare, à vous de jouer.

Le gros homme alla sonner au porche arrondi. Le piano cessa de jouer et l’ingénieur se pencha par la fenêtre :

— Qui est là ?

— Onorelli.

Le petit homme resta immobile penché vers le bas de sa maison. Les deux officiers de marine restaient invisibles.

— Que se passe-t-il ?

— Je ne peux pas le crier, dit Cesare. Est-ce que vous m’ouvrez, oui ou non ?

— J’arrive.

Bientôt le visage blanc de Galli apparut en haut des marches. L’ingénieur descendait lentement.

— Je ne comprends pas votre visite nocturne.

— Quand je vous l’aurai expliquée, vous ne regretterez pas, dit Cesare avec un ton mystérieux.

L’homme portait une robe de chambre en tissu léger et gardait une main dans sa poche. Il eut un petit rire forcé mais intentionné.

— L’endroit est assez désert et lorsque je reçois des visites aussi tardives je prends toujours une arme, annonça-t-il. On ne sait jamais.

Le chef des vigiles ne s’en laissa pas compter.

— Vous pensez me recevoir dans la rue ?

— J’ouvre.

Ce fut rapide et Kovask admira la technique de Cesare. En se faufilant dans l’ouverture restreinte du portail il avait coincé le bras du chef de la sécurité. Le pistolet tomba sur l’allée cimentée qui conduisait au garage construit dans la roche.

— Vous êtes fou ! piailla Galli.

— Du calme, mon vieux, dit Kovask en ramassant l’arme tandis que de Megli encadrait le petit homme. Nous avons à discuter.

— Ce sont des méthodes inadmissibles.

— Pas plus que de recevoir un collègue de travail avec un 6.35, répondit Cesare. Allons, montons là-haut.

Encadrant l’ingénieur, ils escaladèrent les marches, pénétrèrent dans une sorte de patio puis dans la pièce encore éclairée, un petit salon meublé avec une certaine mignardise, c’est du moins ce que pensa Kovask. Un piano à queue était installé au centre.

— Rendez-moi mon arme ! glapit l’ingénieur une fois au centre de la pièce. Sinon j’appelle la police.

— Elle sera ravie d’avoir l’occasion de pénétrer ici, dit Luigi de Megli.

L’homme se troubla, essaya de donner le change.

— Je ne vous connais pas, vous.

— Capitaine de corvette de Megli, en mission spéciale pour le compte de l’amirauté.

— Ah ! C’est pour l’histoire de l’ELBA. était inutile d’assiéger ma villa et de me briser le poignet pour me prendre cette arme. Onorelli, rendez-la-moi.

Le gros homme la faisait sauter dans sa large main. Les deux officiers regardaient l’ingénieur en silence et ce dernier finit par se sentir mal à son aise.

— Que me voulez-vous ?

— À combien était réglé le compresseur, le 2 juin au soir ? demanda Kovask. Quelle pression ?

Galli fronça le sourcil.

— Je n’en sais rien. Entre six et dix basa.

— Ce compresseur peut donner davantage. Jusqu’à cinquante bars, je crois.

Ce qui fit hausser les épaules de Galli.

— Pour la peinture c’est inutile. Huit bars sont largement suffisants.

— Combien faudrait-il pour l’enflammer ?

— Je l’ignore. Peut-être plus de cinquante bars.

Kovask sourit. De Megli aussi et Cesare concentrait toute son attention.

— Mais si une couche de fuel avait été déposée sur la peinture ? Il suffit de trente-cinq bars pour l’enflammer, lui ?