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- Il t'attraperait sûrement, mais peut-être qu'il ferait quelque chose. Je ne sais pas, moi, mais ça vaut le coup, tout de même.

- De toute façon, à présent, il est couché.

- Peut-être pas.

- Si. C'est sûr.

Robert se tut. Il n'avait pas dit à Gilberte qu'il était allé regarder par la fenêtre, avant de monter la retrouver. Il ne parlait jamais de sa patronne à Gilberte.

Ils s'étaient remis à marcher, s'éloignant de la grand-rue dont la lumière venait encore par moments jusqu'à eux.

- Et ta patronne, demanda Gilberte, tu crois qu'elle n'aurait pas fait quelque chose? Elle est gentille. Tout le monde à Sainte-Luce dit qu'elle est très gentille, cette femme. Tout le monde dit que ce sont des braves gens, tes patrons.

- Non, non, dit Robert, c'est pas possible.

À présent, il faisait noir, il faisait plus froid aussi et le vent apportait quelques gouttes de pluie.

- S'il se met à pleuvoir, on sera jolis, dit Gilberte.

- Non, ça souffle trop.

Ils furent bientôt en vue de la villa des Dupuy.

- Il y a de la lumière, dit Robert.

- Et il y a aussi des voitures devant.

Une carrosserie brillait sous la fenêtre. Une autre en face. Plus loin, deux voitures avaient leurs feux de position allumés. Ils avaient ralenti le pas. Ils s'arrêtèrent avant la zone de lumière. Le vent leur apportait des bouffées de musique. Ils repartirent en rasant la murette bordant une villa en construction de l'autre côté du chemin. La lumière ne venait pas jusque-là. Ils se glissèrent entre la voiture et la murette.

Dans la pièce, une silhouette passa tout près de la fenêtre et ils se baissèrent tous les deux derrière la voiture. Puis Robert se releva en disant:

- De toute façon, ils ne peuvent pas nous voir, il fait trop noir ici et eux sont dans la lumière.

Il ne pleuvait plus mais le pare-brise de la voiture était couvert de gouttes. Il n'était pas éclairé directement par la fenêtre, pourtant les gouttes brillaient. Robert le regarda longtemps. Il trouvait ces gouttes d'eau très jolies et n'avait plus envie de regarder la fenêtre.

- Je ne vois pas Serge, dit Gilberte. Mais il est peut-être dans une autre partie de la pièce.

Robert grimpa sur la murette.

- Monte, dit-il, on voit mieux.

Il lui tendit la main et l'aida à monter.

- Je vois sa mère, dit Gilberte.

- Où?

- Celle qui est à droite, sur cette espèce de divan, avec une autre femme et un homme qui tourne le dos.

- Cet homme, il me semble que je le connais.

- On ne voit pas sa figure.

L'homme tourna légèrement la tête et Robert reconnut son profil.

- C'est le docteur Jaillet, dit-il. D'ailleurs, la DS qui est là-bas, ça doit être la sienne.

Ils continuèrent d'observer en silence. Les gens étaient assis et parlaient. Parfois, quelqu'un se levait, marchait, disparaissait et revenait. Une femme apporta un plateau. Les autres prenaient quelque chose sur le plateau et mangeaient.

- Ça doit être des gâteaux, dit Robert.

- Ou bien des toasts.

- Qu'est-ce que c'est?

- C'est ce qu'on mange comme ça dans les réceptions.

- Tu en as mangé?

- Non, mais je l'ai lu dans un journal.

- Moi, je crois que ce sont plutôt des gâteaux.

Ensuite, une autre femme apporta un plateau chargé de verres.

- C'est la tante de Serge, dit Robert. Je la connais, je l'ai vue avec lui, un jour. Elle a une voiture, et c'est elle qui conduit. Je crois que c'est une décapotable qu'elle a.

Gilberte ne dit rien. Elle continuait de regarder. Robert se tourna vers elle. À peine éclairé, son visage se découpait pourtant sur la nuit. Elle souriait. Le vent soulevait ses cheveux et elle devait, par moments, tourner un peu la tête pour rejeter en arrière une mèche qui venait lui battre la bouche.

- C'est rudement beau, chez eux, murmura-t-elle.

- Oui, et ils ont la télévision.

- Tu l'as déjà vue?

- Non, mais je sais qu'ils l'ont.

- Ça, c'est bien, la télévision!

- Serge dit que c'est casse-pieds et toujours pareil.

Gilberte se tourna vers lui.

- Alors, qu'est-ce qu'on fait? Où est Serge?

- Je ne sais pas. S'il était avec eux, on l'aurait vu. Il est sûrement dans sa chambre.

- Faudrait en être sûr.

Robert sauta du mur et Gilberte le suivit. Ils passèrent par le terrain vague en suivant le chemin que Serge avait emprunté la veille.

Sur l'autre façade de la maison, aucune fenêtre n'était éclairée. Quand ils ne furent plus qu'à quelques pas, Robert lança le coup de sifflet de ralliement. Ils attendirent.

- On dirait que sa fenêtre est ouverte, dit Robert.

- Oui, il y a une fenêtre ouverte en bas. Tu es sûr que c'est la sienne?

- Oui.

Ils attendirent encore. Robert n'osait plus siffler. Enfin, il avança sans bruit.

- Je vais lancer un caillou dans sa chambre, tiens-toi prête, s'il vient quelqu'un d'autre, on se sauve.

Ils entendirent le caillou rouler sur le plancher. Rien ne bougea.

- Tout de même, s'il était là, il aurait entendu.

- Essaie encore.

Robert changea de place et lança un autre caillou qui ne fit aucun bruit.

- Il est peut-être tombé sur le lit, dit Gilberte.

- Sûrement, oui. Alors s'il est couché, ça devrait le réveiller.

- Qu'est-ce qu'on fait?

- J'en essaie encore un, et si ça bouge pas, c'est qu'il est parti.

- Et si tu essayais plutôt de grimper, je te ferais la courte échelle.

- Tu es folle, suffirait qu'on me voie pour qu'on dise que je viens voler.

- C'est pourtant ton copain, Serge.

- Mais ses parents... Non, non, j'aime mieux encore balancer un gadin.

Quand le caillou arriva, il y eut un bruit de verre brisé.

- Viens vite, dit Robert. Viens! Je crois qu'il y a des dégâts.

Il empoigna la main de Gilberte et l'entraîna. Elle trébucha deux fois et il la retint. Sur le chemin, ils s'arrêtèrent, attendirent avant de passer devant la maison, puis, comme rien ne bougeait, ils se mirent en route.

Une fois éloignés, Gilberte demanda:

- Alors, qu'est-ce qu'on fait, maintenant?

- C'est foutu... Ils sont partis... On ne peut plus rien faire.

Robert parlait vite. Sa voix recommençait à vibrer.

- Faut prévenir les gendarmes, dit Gilberte.

- Les gendarmes, tu es folle! Ils nous arrêteraient.

- Tu n'es pas obligé de parler des Bouvier. Ni même de donner des noms. Tu dis que tu as vu des inconnus qui tournaient autour de la maison de la vieille, que tu crois qu'ils préparaient un coup, et qu'il faut surveiller la maison. Ça suffira. Ils iront, et quand les autres verront qu'il y a des gendarmes, ils n'oseront pas s'y frotter.

- Non, je ne peux pas. Ils me poseront des questions. Mon père dit que les gendarmes finissent toujours par vous faire parler quand ils veulent. Non, non, je ne peux pas.

La petite s'arrêta. Robert fit encore deux pas puis revint vers elle et demanda:

- Qu'est-ce que tu as?

- Tu aimes mieux que la mère Vintard soit tuée?

- Mais enfin, tu sais bien que je ne peux pas aller raconter des histoires pareilles à des cognes, quoi! On serait tous dans le coup.

- Si tu racontes tout, oui, mais pas si tu te contentes de les avertir.

- Mais tu les connais pas, je te dis; si tu avais vu la tête de Ferdinand Magnin quand il est sorti de leurs pattes, après son interrogatoire!

- C'était différent, ils l'accusaient d'avoir volé des voitures.

- Et c'était pas vrai. On l'a su après.