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Là, Béru rote de confusion.

— … Votre ami est allé lui rendre visite. C’était donc se signaler à l’attention des anges gardiens !

Je l’interromps :

— Mais moi-même je filais l’inspecteur principal Bérurier et je n’ai rien vu d’insolite !

— Parce que l’homme qui s’était attaché à ses pas a su passer inaperçu.

Ça me mortifie un brin. Je prends un ton de confesseur à qui une ravissante pénitente raconte son dernier adultère et je balbutie :

— Continuez, mon enfant, dites-moi tout !

Et elle continue.

— Ce qui a tout faussé, c’est qu’ils ont cru que Monsieur…

Courbette de Béru qui en perd trois boutons de braguette d’une seule plongée.

— … Que Monsieur était seul. Quand ensuite ils vous ont vus ensemble ils ont mené une rapide enquête sur vous et ont appris que vous étiez Suisse, ce qui les a quelque peu déconcertés.

Elle s’arrête un instant pour reprendre haleine. Marrant tout de même que ce que j’estimais être une ruse suprême, se soit retourné contre moi. Nature, ces tocassons se sont demandé au départ ce que je voulais à ce gros lardon débarqué seul ici.

— Ils ont pensé que j’étais peut-être l’agent d’une autre puissance ?

— Oui.

— Et quand je vous ai entreprise au Parisiana, ils se sont dit que c’était une aubaine et vous ont chargée d’en savoir plus long sur mon compte ?

— Exact.

— Seulement lorsqu’une fois dans ma chambre je vous ai posé des questions sur Tepabosco, vous avez bien dû piger, non ?

— Au contraire ma méfiance s’est renforcée. Et voici pourquoi : j’ai pensé que si vous étiez un envoyé des Services secrets français, votre chef vous aurait communiqué mon adresse.

— Alors ?

— Pendant que vous vous trouviez dans la chambre de votre ami j’ai fouillé votre portefeuille et j’ai trouvé dedans une carte de police. Ça m’a paru être la preuve que vous trafiquiez pour une deuxième puissance. Je ne me serais jamais doutée qu’un agent travaillant sous un faux nom et une fausse nationalité conserverait dans ses poches sa véritable carte professionnelle. Je l’ai prise pour un accessoire destiné à vous faire agréer par Tepabosco.

— Ça, je dois reconnaître que t’as pas été bien aspiré, ricane le futur commissaire.

Ayant dit, il croise ses mains de charcutier enrichi sur sa bedaine de prélat repu et dodeline du chef. San-A fait la tronche. À ce qu’on dirait, miss Deuxième Burlingue vient de prendre sa revanche, hein ? Elle me revaut mes sarcasmes de tout à l’heure.

— Les plus vastes génies ont leurs petites misères comme n’importe quel Bérurier, assuré-je.

Sa Majesté soulève un store.

— Y me semble qu’on cause de mon nom ? s’inquiète-t-il.

Ne recevant pas de confirmation il s’assoupit de nouveau.

Je poursuis :

— Vous m’avez secoué mon portefeuille pour me faire croire que vous étiez une petite entraîneuse indélicate, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Et vous êtes allée chez l’ami Lépino ?

— Oui.

— Vous avez prévenu Paulo Chon de votre prouesse ; puis, vous vous êtes dit que par l’autre fille…

Béru, qui s’est à demi réveillé, soupire mélancoliquement :

— Ah ! Prohibition, ça, c’est de la souris !

— Oui, enchaîne Conchita, je me suis dit que vous alliez savoir mon adresse officielle par Incarnation et j’ai envoyé quelqu’un chercher mes effets chez moi.

— Quelle idée ?

— Ma valise comportait un double fond et contenait certains documents. Sous le prétexte des robes, c’était elle que je voulais récupérer. Je craignais que vous ne mettiez la main sur certaines pièces…

— Je vois. Reste maintenant la dernière question. Pourquoi avez-vous alerté les flics après vous être enfuie de chez Juan Lépino ? À ce moment-là il n’y avait plus de doute pour vous : vous étiez sûre de ma qualité d’A.S. français.

— Je n’ai rien alerté du tout.

— Pourtant, nous les avons eus illico sur le râble.

— Évidemment, votre collègue était arrivé chez Juan au volant d’un car de police, c’est un véhicule qui ne passe guère inaperçu !

Elle me sourit, enjouée.

— Vous ne voulez pas un verre de vino avec moi ? À force de parler j’ai le gosier comme de l’amadou.

— Bonne idée ! meugle le Gros.

Nous trinquons tous trois.

— Et maintenant que les mystères passés sont en grosse partie éclaircis, parlons…

— De l’avenir ? gazouille-t-elle.

— Non, chère Conchita, du présent !

CHAPITRE XII

— Le temps est venu de faire le point, exprimé-je après avoir vidé mon verre.

Comme Son Énormité a les yeux fermés je lui propose un coup de tatane dans les montants. Il gémit sous le choc.

— Tu dors ! tonné-je.

— Non, je me recueille !

— Alors, prends plusieurs sacs si tu veux tout recueillir.

Amusement de Conchita. Je dépose un mimi mouillé sur la nuque de la gente agente. Je me sens en pleine bourre, comme disait un flic efféminé.

— Vous avez connu notre arrestation tout de suite ?

— Naturellement, car je n’ai pas manqué d’aller chez Chon en partant de chez Juan Lépino.

— Vous avez prévenu le Vieux ?

— Votre chef ?

— Oui.

— Immédiatement. Je lui ai dit que vous étiez dans les mains de Paulo Chon, lequel rusait pour connaître l’identité de l’agent français № 1.

— D’où sa réponse qui ne manquait pas de sel ?

— Oui.

— Et c’est vous qui nous avez jeté la clé des menottes dans le cachot ?

Elle a un froncement de sourcils.

— La clé des menottes ?

— Par le soupirail ?

— Ah ! Oui, naturellement que c’est moi.

— C’est vous également qui avez jeté le revolver par la même voie ?

— Qui voulez-vous que ce soit ?

— Ben, voyons ! Vous vous proposiez de tenter quelque chose d’autre pour nous sauver ?

— J’attendais, près de la fosse aux crocodiles, mais que pouvais-je essayer de plus, avec ces hommes armés qui vous cernaient ?

— En tout cas, merci pour tout.

J’avale le restant de mon pinard.

— Il est pas mauvais, hein ? apprécie Béru qui considère avec une profonde affliction la bouteille vide. Il me rappelle de l’Arbois rouge.

— Dites-moi, Conchita, pourquoi Tepabosco s’est-il suicidé ?

— Alors, là, c’est un mystère !

— Vous n’avez aucune idée des motifs qui l’ont poussé à accomplir ce geste ?

— Aucune.

— Vous a-t-il fait part de la conversation suivie à la jumelle depuis le meublé situé en face du Dubonn e Sinzano ?

— Non !

Je fronce ces merveilleux sourcils qui contribuent si puissamment au velouté de mon regard casanovesque.

— Voyons, Conchita, ce type se savait surveillé. Sa situation était précaire. Il connaissait votre identité et il n’a pas profité de la chance inouïe qui s’offrait de transmettre le rapport au Boss ?

— C’est ainsi.

— Vous ne lui avez rien demandé ?

— Je lui ai demandé s’il avait un autre message pour Paris, il m’a répondu que non.

— Lorsque Bérurier…

Sursaut du Gros pionceur qui articule faiblement :

— On me réclame au téléphone ?

— Lorsque l’ignoble Bérurier, reprends-je, s’est présenté à lui, il lui a affirmé qu’il avait perdu la mémoire. Puis, tout de suite après cette visite qui eût dû le réconforter, il s’est évadé de l’hosto et il est rentré à l’hôtel… pour se suicider, voilà un comportement très bizarre, n’est-ce pas ?