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I

BALLADE

DES 3I0DES DU TE3IPS JADIS

Du tout premier' Vertugadin, Celui qu'inventa Madayne Eve A celui qu'admirons soudain^ Que d'autres jmssant comme rével

Coinhien leur existence est brève ! Tu resplendis toujours pourtant, O beauté changeante sans trcve. Mais oh sont les modes (Vantan.

Oh donc es-tu, ric/te hliaut Armorié sur chaque maille, Et le peliçon dlsabeau? Escoffwn de haute taille Pour qui l'on vit mainte chamaille, Hennin qui charma Buridan ? Hélas, ce n'est plus qiCantiquaille... Mais oh sont les modes d'antan !

Où est la fraise de Margot, Et le surcot doublé d'hermine, Oh sont les manches à gigot? Habit cavalier d'héroïne Que portait Reine ou baladine, Large panier pomjjadourant,

BALLADE DES MODES DU TEMPS JADIS 3

Et toi-7nême aussi^ crinoline.,. Mais oit sont les modes d'autan !

EN vo

Dame, il ne fut point de semaine Depuis le temps d'Eve pourtant Qui n'eiU caprices par trentaine. Mais oii sont les modes d'antan!

La Couturière de l'impératrice Joséphine.

II

LES CARTONS DU PASSÉ

Le vieux neuf. — L'horloge de la mode. — Fouilles dans les carions du passé. — Quelle est la plus jolie mode ? — Mode et architecture. — Vêtements de pierres et vêtements d'étoffes. — La poupée costumée, journal des modes du moyen âge.

Il n'y a de nouveau dans ce monde que ce qui a suffisamment vieilli, a dit, non pas un grand philosophe mais une femme, la couturière de Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon Bonaparte, consul de la République française, lequel pensait de même, puisqu'il ressuscita l'Empire de Rome.

Et conformément à cet axiome profond, la couturière de Joséphine montait ou plutôt descendait chercher très loin dans le passé, chez mesdames les Grecques et les Romaines, les nouveautés élégantes vieilles de deux mille années, destinées à tourner la tête des salons et promenades de Paris, à charmer les Parisiennes et aussi les Parisiens, et à faire le tour du monde enfin, tout comme les pompons, les baïonnettes et les drapeaux des voltigeurs français de la même époque, qui furent des touristes forcenés.

— Vous demandez où sont les modes d'an-tan? m'a dit, répondant à ma ballade à la mode de François Villon, un autre philosophe paradoxal qui doit être un mari rendu légèrement grincheux par des notes de couturière, vous le demandez! mais elles sont sur les épaules des dames d'aujourd'hui, mon cher monsieur,

Les cartons du passe comme elles le seront encore sur celles des dames de demain et d'après-demain ! Vous ignorez donc que rien ne change, que tout le nouveau a été inventé il y a bel âge, vers les premiers temps où les dames ont commencé à s'habiller, c'est-à-dire que tout a été trouvé dans l'espace de quatre saisons, dans les premiers douze mois qui ont suivi la sortie de l'Eden. — C'est ce que je faisais observer encore hier à ma femme à propos de trois ou quatre costumes dont la soi-disant nouveauté l'avait frappée, et qu'elle allait se commander bien inutilement... Tout se porte, s'est porté et se portera! lui disais-je, alors pourquoi essayer de changer, pourquoi mettre de côté par pur caprice un ornement ou une toilette qu'on doit forcément reprendre...

— Oui, mais dans trois cents ans...

— Allez aux Champs-Elysées par un beau jour de soleil et dites-moi si vous n'avez point par moments des visions de la cour des Valois, devant certaines toilettes contemporaines, manches bouffantes Renaissance, collerettes Renaissance, étoffes à dessins Renaissance...

— Ou des illusions de Longchanips 1810 devant les robes Empire, les épaules bouffantes, le drapé des jupes, et les dessins, pal-mettes, grecques et autres ornements...

— Et les dames Louis XVI, ou moyen âge, ou Louis XV... Je déclare Monsieur, qu'une femme de n'importe quelle époque, des âges révolus, écoulés et enfoncés aussi loin que vous voudrez dans la nuit des temps, peut revenir et se montrer parmi nos contemporaines, et se trouver parfaitementàlamode. moyennant seulement quelques petites modifications à son costume antique... Oui, tenez, qu'Agnès Sorel ou Marguerite de Bourgogne daignent reparaître en costumes de leur temps et je leur changerai seulement leurs chapeaux, et Ton dira devant elles : « Jolie toilette de vernissage! Délicieux costume pour le Grand-Prix! »

— Arrêtez! n'exagérez-vous i)as quelque peu, mon cher monsieur?

— Aucunement. Je vous dis que des mérovingiennes ou même des dames de l'âge de pierre, avec quelques petits arrangements de toilette, n'étonneraient pas trop les femmes actuelles qui les prendraient tout simplement pour des mondaines excentriques... La mode d'aujourd'hui, Monsieur, ce sont les modes d'autrefois reprises et refondues par le goût de

XV1« siècle.

l'heure présente. L'aiguille de la mode tourne comme Taiguille d'une pendule toujours dans le même cercle, mais plus capricieusement, en avant ou en arrière, en sautant, en virant, en faisant des bonds soudains, d'un côté ou de l'autre... Quelle heure est-il à l'horloge de la mode? Six heures du matin ou huit heures du soir, peut-être toutes les heures à la fois comme en ce moment... Mais n'importe, c'est toujours une heure charmante.

La plus jolie mode, il n'y a pas à en douter et tout le monde est d'accord là-dessus, c'est toujours celle du temps présent, et il y a pour cela une raison bien simple : les modes passées ne sont que des souvenirs décolorés, dès qu'elles ne sont plus portées, nous apercevons facilement leurs défauts et leurs ridicules, nos yeux, indulgentsquandelles régnaient, sont devenus froids et sévères, tandis que, sans peine, la mode d'aujourd'hui triomphe... Ce qui charme et séduit tout le monde, ce que nous apercevons en elle, Monsieur, ce qui nous semble si ravissant, c'est le rayonnement de la grâce féminine, c'est la femme elle-même. — Non, jamais on ne s'est mieux habillé qu'aujourd'hui I A toutes les époques, pour toutes les modes, les femmes l'ont déclaré de bonne foi en se regardant dans leur miroir, et les hommes, juges quelquefois difficiles, l'ont pensé aussi.

Notre aïeule de l'âge de pierre vêtue de peaux de bêtes trouvait son costume très seyant et souriait un peu de sa grand'mère habillée d'un vertugadin de sauvage. Ses contemporaines, les farouches habitantes des cavernes, pensaient de même.

La plus jolie mode, c'est celle qui s'épanouit aujourd'hui; il n'y a eu pour s'inscrire en faux contre cette formelle allégation de tous les temps, il n'y a eu, à toutes les époques également, que les messieurs d'un certain âge, tout à fait d'un certain âge, les vétérans ayant dépassé la soixantaine. Ceux-ci ont toujours protesté par une autre allégation :

— Les modes d'aujourd'hui sont ridicules, disent-ils en chœur, on ne s'habille plus comme de notre temps! C'est alors, — en 1830, — ou en 1730, en 1630, en 1530, etc., en l'an 30 — que les modes étaient gracieuses, seyantes, élégantes, distinguées,charmantes... ah, 1830 ! - ou 1730, 1630, lo30 ou l'an 30! — Quelle belle époque!

— Il nous la baille belle le chœur des sexagénaires! oui, quelle belle époque! parce que c'était l'heureux temps où ces messieurs étaient jeunes, où le soleil leur semblait plus chaud, n'est-ce pas? le printemps plus verdoyant et les modes plus belles ! Mais il n'importe , malgré tout ce que diront les vétérans et ce que nous dirons nous-mêmes plus tard, l'axiome suivant sera toujours proclamé :

— Jamais on ne s'est mieux habillé qu'aujourd'hui!

Mais puisque rien ne passe tout à fait et que dans le cercle que parcourt l'aiguille au cadran de la mode les heures passées peuvent renaître, il suffit peut-être, pour connaître les modes de demain, d'étudier tout simplement celles d'hier.