Выбрать главу

C'est elle la victorieuse ! Les pécunes qui sont les nerfs des guerres sont consacrées à payer les rudes gens d'armes, les lances et les bombardes du roi, ainsi qu'à entretenir le luxe coûteux de la belle, à payer les mille inventions de sa coquetterie. Ce sont dépenses de guerre aussi, puisque le roi bataille mieux quand Agnès V ordonne, comme dit la vieille romance.

La vierge héroïque, la vaillante Jehanne, se couvrait de la cuirasse pour mener au combat ducs, seigneurs et gens d'armes ; la belle Agnès, adoréepar le roi, poursuivait d'une tout autre manière l'œuvre nationale, elle se découvrait les épaules, inventait des corsages indécemment décolletés jusqu'à la taille, outrait les proportions des grands hennins à barbes flottantes... Et les armées de Charles marchaient, emportant châteaux, villes et provinces, pourchassant les Anglais. Agnès, en somme, mourut à la bataille, puisqu'elle trépassa près de Jumièges pendant la reconquête de la Normandie où elle avait suivi le roi.

La cour de Bourgogne, rivale de celle de Paris en faste comme en tout le reste, introduit dans la mode française des éléments étrangers, de Flandre surtout. C'est la dernière époque pour le costume du moyen âge, l'éblouissement dernier, l'épanouissement et rétincellement des plus étranges somptuosités.

Les gigantesques houppelandes des hommes et des femmes ressemblent à de grandes pièces de tapisserie, — les grandes lignes disparaissent sous la complication. La Renaissance va venir après une période de transition et de tâtonnements.

Que de jolies choses et de particularités intéressantes il y aurait encore à citer dans les atours, garnements ai parements des femmes du moyen âge, dans les vêtements de cérémonie, de splendide étoffe et d'étincelante garniture, dans les vêtements d'intérieur ou de sortie de toutes les classes, aussi bien que dans les vêtements de voyage et de chasse portés par les nobles dames chevauchant sur des mules richement harnachées, ou enfourchant les grands palefrois pour courre le gibier le faucon sur le poing.

Sous François 1'

IV

LA RENAISSANCE

Modes en largeur. — Ilocheplis, vertiigalles, vertuga-jins. — La belle Ferronnière. — Eventails et manchons. — Les modes tristes de la Réforme. — L'escadron volant de Catherine. — Dentelles et guipures. — Etats de services du vertugadin. — Le masque et le touret de nez. — Fards et cosmétiques.

A la suite des expéditions de Cliarles VIII, un coup de vent souffle sur les modes du moyeu âge. Les temps gothiques sont finis, le costume masculin se transforme tout à coup et le costume féminin va changer aussi. Ce coup de vent emporte, avec bien d'autres choses, avec notre architecture nationale, avec notre goût national, ces hennins qui, malgré l'apparence, tenaient si bien sur les tètes qu'ils avaient duré près d'un siècle.

Le costume s'amollit et se complique. Le corset ou corsage remplace le surcot, il est d'une autre couleur que la robe et tout chargé d'ornements et ramages dorés, sous plusieurs rangs de colliers couvrant le haut de la poitrine décolletée. Les manches aussi sont d'une autre couleur que le corsage, ce sont de grandes ailes tailladées et flottantes ou bien des manches de plusieurs pièces rattachées par des aiguillettes ou des rubans, laissant voir la chemise de fine toile de Frise bouff'ante aux épaules et aux coudes.

C'est le commencement des manches à bourrelets successifs et à crevés qui vont durer si longtemps.

Les souliers pattes ou à bouts carrés remplacent les souliers pointus ; on va comme toujours d'une extrémité à l'autre.

Grande variété dans les coiffures très basses maintenant. Ce sont larges bourrelets ou turbans emboitant l'occiput avec coiffes à dessins dorés encadrant le front et le visage ; ces bourrelets et coiffes, ornés de réseaux perlés, se modifient dans les pays où l'influence flamande ou rhénane lutte contre l'influence italienne, par l'adjonction sur la coiffe d'une sorte de chapeau tailladé qui deviendra le grand béret découpé et largement déchiqueté des lansquenets suisses ou allemands.

Ce sont ces modes qui vont régner pendant tout le temps de François P'', à la cour éblouissante du Roi Chevalier, et à la ville chez les nobles dames et les bourgeoises aisées.

L'innovation principale, celle qui doit influer sur le reste du vêtement, en déterminer en partie la coupe et les proportions, la dominante du costume d'alors, c'est le vertugadin. dit aussi vertugalle, vertugardien... Chose non vue encore, grande nouveauté qui va bouleverser le costume et changer toutes les lignes.

Le vertugardin, c'est-à-dire la jupe large soutenue par une armature quelconque, en voilàpour trois siècles, pendant trois cents ans, avec des interrègnes plus ou moins longs, il durera sous des noms dilTérents, panier, crino-

omriiencement do i;i Ileiiaissaiice.

line, pouf, tournure, etc. Il dure encore et nous le reverrons.

Depuis trois cents ans la largeur des jupes suit un mouvement régulier, d'abord modeste, elle augmente peu à peu, lentement, en habi-

A LA COUR DU ROT-CHEVALIER,

tuant progessivement l'œil à ses proportions, elle arrive à une envergure formidable, exagérée, impossible, puis elle diminue lentement reprenant l'une après l'autre ses étapes successives.

Les femmes, qu'elle a transformées pour un temps plus ou moins long en énormes cloches, redeviennent clochettes, elles diminuent et s'amincissent jusqu'à disparition complète de toute apparence de vertugadin. Les modes sont ultra collantes pour quelques années, puis un soupçon de tournure reparaît, une illusion de vertugadin se remontre et la progression recommence.

Villipendé, chansonné, ridiculisé sans trêve ni merci à toutes les époques et quelque fut son nom, il a triomphé toujours, même des édits qui prétendaient diminuer son envergure. Et pourtant nulle puissance au monde n'a vu se liguer autant d'ennemis enflammés contre elle, aucune institution n'a été attaquée avec autant de vigueur et d'acharnement.

La Monarchie ou la République ont des ad\ersaires, mais aussi des défenseurs. Vertugadiiis, paniers ou crinolines avaient contre eux tous les maris, tous les hommes ! Le corset seul a eu presque autant d'ennemis — dont il a toujours également triomphé.

Le Vertugadin, né sous François P'', vers 1530, marque la lin du moyen âge, mieux et plus complètement que n'importe quel changement politique. C'est la disparition des robes collantes ou flottantes à plis droits, si sculpturales. Un monde est Uni.

Le vertugadin s'appelle premièrement hoche-plis. Ce nom s'applique d'abord seulement au bourrelet godronné soutenu par une carcasse de fils de fer qui s'attache à la taille pour donner de l'ampleur aux jupes. Puis le nom s'étend à tout un système de cerceaux de bois ou de baleine formant cage sous la jupe jus-(ju'en bas.

Le costume féminin sous François P'' est ample et majestueux plutôt que gracieux, les robes sont de velours, de satin, de brocatelle à fleurs de couleurs variées, avec de larges manches tombantes, doublées de zibeline ou des manches énormes engoneant les épaules et formant comme une succession de bourrelets jusqu'aux poignets, avec des crevés ouverts sur des bouillons de soie claire.

Le corset à buse appelé alors basquine apparaît. Très probablement ce n'était pas encore une armature dissimulée sous le corsage, mais bien le corsage lui-même raidi par des baleines, du moins les descriptions assez confuses donnent lieu de le penser.