Выбрать главу

— Non !

— Marianne, ouvre les yeux…

Le réveil fut brutal. Elle se redressa d’un bond, dans un horrible cri. Elle toussa, chercha de l’air. Un visage approcha du sien, elle poussa un nouveau hurlement.

— C’est moi, Franck… Tu as fait un cauchemar, Marianne… Calme-toi, c’est fini.

Elle se mit à pleurer. Son souffle était court, saccadé. Il faisait encore jour. Elle se rappela qu’elle s’était allongée sur son lit pour se reposer. Elle contempla Franck avec terreur. La pelle, le trou, la tombe. Lui qui la poussait au fond.

— Je… J’ai rêvé que… tu me tuais… Tu m’emmenais dans la forêt, Laurent creusait une tombe… Et vous m’enterriez vivante ! Tu m’avais attaché les mains dans le dos et… Tu me poussais dans le trou… Et ensuite, la terre m’étouffait lentement…

— Calme-toi… Pourquoi je faisais une chose pareille ?

— Tu disais que je t’avais trahi…

— C’est fini, Marianne… Calme-toi, maintenant…

Elle le regarda avec une angoisse démesurée.

— Tu me feras jamais ça, pas vrai ? Tu vas pas m’enterrer vivante ?

— Non, Marianne. Ce n’était qu’un cauchemar.

— Vous allez me tuer quand j’aurais fini ma mission, pas vrai ?

— Non, rappela-t-il en soupirant. Je te rendrai ta liberté, comme promis…

Elle se rallongea sur le côté. Il caressa sa joue.

— Tu peux te reposer encore, c’est pas l’heure du repas.

— Je veux plus dormir… Je crois que… Que j’ai peur de retourner dans ce trou…

Il promit de revenir bientôt et s’éclipsa. Elle ferma les yeux. Encore le goût de la terre dans la bouche. Pourtant, cette nuit, elle sauterait le mur. Et partirait dans la forêt.

La porte claqua lourdement. Daniel se traîna jusqu’à la paillasse. Il s’y affala en gémissant de douleur.

Oui, il avait eu droit à sa douche. Glacée. Ils s’y étaient mis à quatre pour le maîtriser, lui infliger les premières tortures. Cadeau de bienvenue. Dès qu’il avait vu leurs visages à l’accueil, il avait compris ce qui l’attendait. Un traitement de faveur, oui. Il connaissait désormais la douleur que procure la matraque quand elle s’abat sur le dos, le crâne. Les parties les plus sensibles d’un individu.

Il essuya le sang qui coulait de sa bouche, resta un moment immobile.

Ça ne fait que commencer. Portier le lui avait dit. Tu as trahi deux fois. Pour cette salope de Marianne, tu vas payer. Pour ce que tu m’as fait l’autre soir. Pour la mort de Monique que tu n’as même pas eu la décence de respecter. Pour ta femme, tes gosses. Pour avoir aidé cette folle à s’évader. Tu tiendras pas un mois. Je m’y engage.

Il s’allongea sur le côté, face au mur, replia ses jambes pour ne pas toucher le pied du lit trop petit.

Résister. Mais pourquoi ? Pour qui ? Marianne s’était évaporée dans la nature. Sa femme refusait de lui parler. Ses enfants devaient le maudire. Ses collègues le méprisaient plus que n’importe quel autre détenu. Détenus qui devaient se réjouir d’avance d’avoir un maton en cage. À la première occasion, ils lui régleraient son compte. Portier s’arrangerait peut-être pour le jeter en pâture aux prisonniers… Il se souvint de ce qui arrivait aux surveillants qui avaient eu le malheur de tomber entre les griffes des détenus. Gardiens égorgés, émasculés, le ventre ouvert en deux. Battus à mort. Les gars qui finissent en taule ne sont pas des tendres. Les barreaux les transforment en fauves sanguinaires.

Daniel ferma les yeux. Chercha pourquoi il était là. À quel moment il avait commis l’irréparable. Le visage de sa douce Marianne lui apparut. Il n’arrivait même pas à lui en vouloir. À regretter ces nuits où il avait connu quelque chose qui vaut bien une vie. Il allait mourir entre ces murs. Pour elle. Si, par miracle, il s’en sortait, sa vie était de toute façon brisée. Plus de boulot, plus de famille. Plus d’amis.

Plus de Marianne. Plus rien.

Il pressa ses mains contre ses côtes meurtries. Remonta la couverture sur ses épaules. Sombra, enfin. Après quarante-huit heures sans fermer l’œil. Un sommeil peuplé de dangers.

Les yeux bien ouverts, Marianne regardait les secondes clignoter sur le réveil. Tout était paré. La poudre à ronflements attendait sagement le pigeon sur le bureau ; elle avait enfilé une simple chemise sur ses sous-vêtements, pour être sexy. Elle était prête à bondir dans la nuit, descendre à pas de loup, récupérer les clefs de la bagnole pour qu’ils ne puissent la prendre en chasse. Grimper à l’arbre, passer le mur. Partir dans le sens opposé à celui de son rêve. Et courir. Faire du stop, peut-être. Avec le risque d’être reconnue.

Une heure du matin. Silence dans la maison…

Mais qu’est-ce qu’il fout ce crétin ? Il s’est pas endormi au moins ? Y va pas se déballonner quand même ?

Comme pour répondre à son angoisse, des pas firent grincer le parquet derrière la porte. Son cœur se serra… La clef, la porte. Une ombre. Elle se redressa sur le lit. Didier s’installa tout près. Elle approcha son visage du sien… Tu dois le faire, Marianne.

Les yeux noirs de la Fouine brillaient dans la pénombre. Il l’attira contre lui, l’embrassa goulûment. Soudaine envie de vomir.

— Tu pourrais m’apporter à boire ? Je rêve d’un truc frais…

— OK, chuchota-t-il. Je reviens.

— Sois discret !

— T’inquiète, ils dorment tous comme des masses…

Il repartit sans fermer la porte. Elle hésita. Descendre maintenant et le maîtriser dans la cuisine ? Ça risquait de faire du bruit. Mieux valait s’en tenir au plan A. Elle s’assit sur le bureau, alluma une Camel. Un TGV lui souhaita bonne chance.

Il paraissait dire je t’attends, Marianne… La Fouine réapparut, avec une bière et un coca.

— Merci, t’es un amour…

Ils ouvrirent chacun leur boîte, Marianne étancha sa soif. Puis il l’embrassa à nouveau. Pressé d’arriver à destination. D’une main experte, elle introduisit la drogue dans la canette de bière tandis qu’il déposait mille baisers dans son cou. Pourvu qu’il ait encore soif !

Debout, il écarta un peu ses jambes pour venir se coller contre elle. Elle l’enlaça… Et si je le frappais maintenant ? Non, Marianne. Le plan A. Pas d’improvisation… Elle déboutonna la chemise du flic, caressa sa peau. Elle se souvenait de celle de Daniel. Ça la blessa. Elle effleura sa braguette, il était fin prêt. Elle saisit la cannette de bière, se rafraîchit le visage avec, la lui plaça devant la bouche, l’aida à boire quelques gorgées… Elle touchait au but. Mais il fallait attendre encore un peu. La chemise de Marianne glissa jusqu’à ses poignets, Didier l’allongea sur le bureau. Fit descendre ses lèvres sur son ventre. Remonta vers sa bouche.

Est-ce qu’il en a bu assez ? Tu vas t’écrouler, oui ou merde ? Il n’avait absorbé le mélange que depuis une minute mais il lui semblait qu’il baladait ses mains en terrain privé depuis des heures.

Non, Marianne. Ne le frappe pas. Ne fais pas tout foirer. Sois patiente.

Soudain, la porte s’ouvrit. La lumière les surprit en flagrant délit. Marianne crut que son cœur allait défaillir. Ils se redressèrent à la va-vite, se retrouvèrent face au visage tombal de Franck.

— Je dérange, peut-être ?

La Fouine le dévisageait bêtement. Marianne remit sa chemise, sauta sur ses pieds. Encore un cauchemar… Didier s’approcha de son patron, appuyé sur le chambranle de la porte, les bras croisés.

— Écoute, Franck, t’as pas à te mêler de ça…

— Ah oui ? J’aimerais savoir un truc, Didier… Tu crois qu’elle te tuera avant ou après que tu l’aies sautée ?